Burning Heads - Super Modern World 1996. J'ai 17 ans. Et en plein dans la crise d'ado révolté. 18 ans plus tard, je ne suis pas sûr qu'elle soit bien achevée d'ailleurs. Mon leitmotiv influencé par mes potes « métalleux » : « refuse, resist » comme dirait le Max juste quelques années auparavant.

Baigné dès mon plus jeune âge dans l'univers des « zicos » (merci papa, merci maman) et issu de la génération « nirvanesque », mon tout premier groupe vient de splitter.Dirty Youth que ça s'appelait, complètement passionné par l'album Dirty des Sonic Youth quoi ! A 14 ans, on réfléchit un peu vite. Je jouais de la basse à cette époque et mes gourous étaient essentiellement des ricains ou des rosbifs : le grand Krist , le fils Dirnt, le gros Mike, ou encore le père McKeegan à qui je ressemble un peu aujourd'hui, faute à une belle calvitie qui te rappelle chaque jour que physiquement, tu n'as plus 17 ans, justement !

A cette époque, je découvre donc le punk rock et ses diverses variantes. Ultra motivé du fait d'avoir déjà réalisé quelques prestations scéniques à tout juste 15 ans et ayant grand soif de cette culture contestataire, je ne souhaite pas en rester là. Je crois d'ailleurs qu'avoir joué en première partie des
Thugs
en 1995 dans mon bled pourri m'a ouvert les yeux tant sur l'orientation musicale que je voulais prendre que l'état d'esprit. En même temps, je me rends compte qu'a cette époque, il existe une vraie « scène » en France. Plus besoin de taper uniquement dans les standards, j'ai envie de gratter, de « feuner » comme on dit par chez nous !

1996, c'est aussi l'année où je forme Flying Donuts, avec mon frère qui sait enfin jouer de la batterie (il vient d'avoir ses 14 ans, il est en 3éme le « jeune », en mode daron du collège qu'il faut pas trop faire chier !) et Manu, notre pote d'enfance, également grand passionné de punk rock qui signe son CDI dans le groupe. (D'ailleurs respect, en 18 ans, aucun arrêt maladie !)

Et le rapport avec les Têtes Brulées me direz-vous ? On se détend, j'y arrive, juste besoin de vous expliquer le contexte. En lisant Kérosène, sublime fanzine de l'époque, je découvre ces fameux Burning Heads. Mieux vaut tard que jamais, je chope le train en route. Les ayant vu sur scène 3 jours auparavant, je me précipite chez mon disquaire avec un putain de mal de dos (concernant le mal de dos, je vous explique ça dans quelques lignes). J'achète donc Super modern world chez Top Disc, le disquaire du coin qui a le sens du bon goût puisqu'il avait placé ce disque en tête de gondole au rayon rock français (!!!). Faut dire que le gros malin avait bien raison, le groupe venant de jouer à Epinal : commerçant un jour, commerçant toujours ! Mais bon, le type était vraiment sympa et de bons conseils. Il me voyait régulièrement dépenser mon argent de poche chez lui, ça devait se frotter les mains dans l'arrière boutique quand je me pointais dans sa caverne d'Ali baba ! Mais je m'égare.

Alors revenons en au 3éme album des Burning, waouh, la méchante claque dans la tronche des la première écoute, entre Bad Religion, Down By Law et Dag Nasty, pile ma came ! Mais à ce moment précis, je ne cite encore que des références outre-Atlantique. Grâce à ce disque, je découvre rapidement qu'un univers parallèle, une sphère bien établie, va changer ma façon de voir les choses. Punk rock spirit, et accessible en plus !

En fait, vu que je n'en branle pas une à l'école et que la seule chose qui m'intéresse vraiment réside dans le fait de « gratouiller mon arbalète » (NdlR : pour ne pas sortir du contexte, l'auteur parle bien de sa guitare et non d'autre chose) je veux juste faire pareil. Ouais, bosser comme des durs avec mon nouveau groupe, se créer notre propre identité, écrire des morceaux aussi cools que ceux-là et tracer la route le plus loin possible. Nous y voilà, j'ai trouvé ma voie : devenir un gitan.

Super modern world me permet rapidement de faire le lien entre ce qui se passe pas très loin de chez moi et dans le reste du monde. C'est trop cool, j'appelle ça la magie de la musique. Grâce aux Burning, j'ai découvert cette « scène » de l'époque, composée notamment de Portobello Bones, Sixpack, Sleeppers, Seven Hate, Shaggy Hound, Bushmen, Keneda, Unlogistic... Des groupes avec qui nous avons fait connaissance et joué par la suite. Accessibles, je vous dis !

Il ne faut pas oublier qu'à l'époque, pas de myspace ni de « chiassebook », internet émergeait seulement. Et si tu voulais te créer un réseau, pas le choix, il fallait te sortir les doigts, et surtout sortir de chez toi. Pas de places pour les imposteurs en ce temps-là. Et ce n'était pas plus mal d'ailleurs.

Physiquement, j'ai réellement fait connaissance avec les Burning Heads un peu plus tard, le temps de faire un premier album et de partager nos premiers « gros » concerts avec eux du coup, au début des années 2000. Mais je me souviens très clairement de la toute première fois où je les ai vus en concert, pendant la tournée pour cet album. Avec une affiche de rêve : novembre 1997, 70 francs : Burning Heads, NRA, Sixpack, Bushmen. Bim, bam, boum dans ta gueule !

Le jeune que j'étais s'est empressé de venir en mob à cette grande messe du punk rock ! Et j'avais de la chance avec mon petit réservoir, ça jouait dans ma ville. Rock épine (rip), l'association organisatrice d'Epinal avait donc concocté cette affiche de dingue. Les mecs, dites-vous que pour moi, c'était Noël avant l'heure, et que cette année là, j'ai eu mon cadeau un mois plus tôt !

La découverte des morceaux de ce disque sur scène fut riche et intense. Entre les mélodies imparables des refrains, l'énergie communicative de chaque membre du groupe, le fun et le bon esprit de la chose, j'ai vraiment passé un super moment, malgré le fait d'avoir été écrasé pendant 50 minutes à la barrière Vauban du premier rang, merci les punk à chiens ! Punk à chien qui m'ont d'ailleurs kické le dos (on y vient) avec leur rangers de merde sur le morceau "Angry sometimes" (que j'ai reconnu en écoutant le disque, plié en deux, la semaine suivante, dans ma piaule d'internat avec mon disc man d'antan, le doigt levé, en tapant du pied mais assis sur mon lit. Comme j'étais trop jeune pour subvenir à mes besoins, je n'avais plus assez d'argent de poche pour m'acheter un disque à la sortie du gig, faute au nécessaire plein d'essence.
J'ai donc attendu la semaine suivante pour filer chez le disquaire, je l'ai même réservé dès le lundi suivant.

Ce dont je me souviens également, c'est que pendant le gig, le fameux disquaire était 2 mètres derrière moi. En passionné de rock, lui aussi venait mater les concerts de sa ville. Quoi de mieux que ce soit ton disquaire, dix ans plus vieux que toi, qui te paye une bière en fin de soirée ? Vous verriez ça aujourd'hui ? Imaginez vous boire une mousse avec Mr Amazon ou Mme Price Minister. C'est glauque la façon dont tout à vrillé quand on y pense.

Je me souviens aussi avoir bossé le méga tube "Break me down" ainsi que le morceau "Swindle" en répétition avec les Flying Donuts pour apprendre à jouer ensemble. Quelques années plus tard, on a aussi repris un titre d'un autre album que nous avions placé soigneusement dans notre set de l'époque. (le morceau "Wrong" de l'album Be one with the flames, constituant une de nos dernières « covers » je crois).

Avec Super modern world, les Burning signeront sur Epitaph Europe pour les deux prochains skeuds. Mais ce que je préfère plutôt retenir de cet album, c'est qu'au-delà du fait que le contenu soit génial, il a été enregistré au studio « pPôle nord » de Blois, studio hyper renommé à l'époque. Pas forcément une prod' monstrueuse mais suffisamment en place pour que ça sonne, et surtout pas loin de chez nous pour des prix carrément honnêtes. Accessible que je vous rabâche, c'est clair non ? Notre premier album a été pondu là-bas, le tout dernier aussi d'ailleurs ! Ce n'est pas pour rien.

Aujourd'hui, j'ai 35 ans, l'âge que devaient à peu prés avoir les Burning quand je les ai vus pour la première fois. Ils sont considérés à ce jour par les plus grands journalistes spécialisés comme des vétérans du punk rock en France, et c'est bien vrai. Je reste ultra admiratif de leur parcours et des choix qu'ils ont fait. Sans tomber dans du léchage de fion, il reste une de mes influences majeures, autant dans la zic que dans la démarche. J'ai toute leur discographie à la maison, je kiffe tout autant leurs albums Opposite et leurs splits en tout genre mais mon disque préféré reste l'album Dive (sorti avant Super modern world, en 1994.)

Comme je suis un type plutôt honnête, j'ai choisi de partager ce Super modern world parce que c'est avec cet album que je les ai découverts, mais aussi et surtout parce que ce disque, à travers son contenu et ses auteurs à eu l'effet d'un déclic en moi ! C'est comme si ils m'avaient dit : « Vas-y mec, fonce, c'est possible, tu peux le faire toi aussi ». Alors, j'ai réfléchi deux secondes, j'ai remisé ma planche de skate, et je me suis concentré sur le fait d'apprendre à jouer de la guitare correctement.
Apres avoir pris quelques citrates de bétaïne me permettant de mieux digérer mes influences, Je me suis rapidement mis à composer des morceaux avec mon nouveau crew. Merci les Burning ! C'est aussi grâce à vous notre parcours.

Pour finir là dessus, une petite anecdote croustillante comme je les aime :

Je ne compte plus le nombre de fois où nous avons joué avec les Burning Heads et fait des nuits blanches entre potes à rire et passer du bon temps. La toute dernière fois, c'était il n'y a pas si longtemps : juin 2014 à Périgueux.

A la fin du concert, la salle se vide, on boit un dernier verre au bar entre organisateurs et musiciens.
Je me retrouve à discuter avec JyB, le bassiste des Burning. On prend des nouvelles, on se raconte quelques banalités. A un moment, il me parle du super groupe ricain The Adolescents avec qui ils ont déjà partagé l'affiche plusieurs fois et avec qui ils s'apprêtent à partir en tournée européenne. Il me dit être heureux de pouvoir réaliser un rêve de gosse, d'avoir écouté ce groupe gamin et de pouvoir jouer avec eux 25/30 ans plus tard. Je le regarde, je me marre, il se marre aussi.
- « Hé mec, tu me racontes mon histoire aussi là » lui dis-je avec mon fort accent vosgien. « Tu ne crois pas que c'est hyper cool pour moi de jouer ensemble, encore ce soir ? Jyb, on est en 2014, c'est vous les gars qui m'avez donné la foi, je m'en souviens très bien. Hiver 1997, Super modern world live !!! »
Et je l'enchaîne : "Tu le sens bien le coup de vieux là ? Parce que je te rassure, moi aussi !!!!!!!!!!!!! »

Jérémie Dalstein, Flying Donuts.