burning heads 1999 Y'a 10 ans, vous débutiez, vous aviez des objectifs et des rêves je suppose. Aujourd'hui lesquels sont réalisés ?
On avait un objectif, c'était faire du punk rock parce que c'était la seule musique qu'on était capable de faire vu que nous sommes de piètres techniciens et que c'était la seule musique qui nous plaisait parce qu'on est des insatisfaits permanents et que c'est la musique du "je suis pas content et je le crie très fort". Voilà, on s'est dit "notre objectif : c'est faire du punk rock, y'a plein de groupes punk rock qui nous éclatent et qui nous font vraiment tripper, on va essayer de leur arriver à leur hauteur". Après, l'objectif c'était de faire un maximum de concerts et de jouer devant le plus de monde possible. Y'a pas eu de plan de carrière, on ne s'est pas pas dit "dans 5 ans il faut qu'on ait tant de disques à notre actif et tant de ventes sinon on arrête", on ne s'est pas dit "le punk rock est dans l'air du temps, préparons un plan de carrière pour sortir juste au bon moment pile poil". On s'est juste dit "on va faire des concerts" puisque y'a que ça vraiment qui nous fait tripper. Donc bah oui, ça s'est réalisé puisqu'on en a fait plein. On est très content.

Là, vous êtes le seul groupe français signé chez Epitaph Europe, vous vous sentez pas un peu seul ?
Pff, je ne sais pas, ouais, on a envie de dire à Epitaph Europe "y'a plein de groupes en France, ce serait bien si vous en signez plein comme ça on aurait encore plus d'amis dans la même maison de disques". Mais en même temps, chez Epitaph Europe, y'a peut-être des mecs dans chaque pays qui appelle "allo, y'a des tonnes de groupes chez moi, venez les signer"... et peut-être qu'ils ne peuvent pas signer tout ça. J'aimerais bien qu'il y ait des groupes français sur Epitaph mais je ne sais pas s'ils ont les moyens de le faire, s'ils peuvent uniquement se concentrer sur la France, s'ils se concentrent sur la France et qu'ils laissent le reste de l'Europe à l'écart, c'est pas bon. Je ne sais pas, peut-être que jusqu'ici ils ont rien trouvé qui leur plaisait en France. Moi, je pense que y'aurait des trucs à signer.
Si un gros label, une major vous appelle, vous faîtes quoi ?
Rien. Rien. On leur répond même pas je crois.
Y'a des groupes qui ont été accusé de perdre leur esprit, parce qu'ils avaient signé
Non, je pense que y'a des groupes qui peuvent signer sur une major sans perdre leur esprit et puis y'a des gens qui sont sur un label indépendant et qui ont un mauvais esprit. Tu sais, y'a des gens qui ont même pas fait une démo et qui ont déjà une attitude de Rolling Stone. Et y'a des gens qui sont sur une major comme Noir Désir et qui jusqu'ici ont eu une attitude irréprochable, qui ont soigné les moindres trucs, du prix du T-Shirt à la place de concert, jusqu'aux conditions du public. Eux, ils sont sur une major, je ne pense pas que leur esprit ait changé. Mais effectivement sur une major, tu peux tomber sur des gens qui croient en toi et puis 6 mois après ces gens-là sont virés et y'en a d'autres qui arrivent derrière le bureau et cette personne n'en a plus rien à foutre, elle a des impératifs de production, pas de l'audimat mais des pourcentages, des chiffres, des comptes à rendre et si tu vends pas assez, elle t'ejecte. On préfère travailler avec des labels indépendants parce qu'ils ont plus une politique à long terme pour les groupes. Tu sors un groupe au début parce que tu l'aimes bien, il va vendre 1 000 exemplaires maximum, c'est pas grave, t'en refais un deuxième en te disant "ça continue à me plaire et peut-être que petit à petit, ça va le faire." La politique actuelle des majors c'est de prendre un fruit pile mûr au bon moment, le presser au maximum, en extraire la dernière goutte et quand y'a plus rien à en tirer et que c'est un autre fruit qui est à la mode, tu jettes l'épluchure et voilà c'est fini. Nous, ça nous emmerderait un peu de signer sur une major. Et puis on a eu la chance d'avoir des propositions intéressantes par d'autres que des majors.

Vous avez commencé à Orléans, vous avez suscité des vocations là-bas ?
Disons qu'à Orléans, y'a pas grand chose qui se passe. On a la chance d'être prés de Paris et en même temps ça nous dessert parce qu'il ne se passe rien à Orléans puisque tout se passe à Paris. Y'a pas eu jusqu'ici une politique de la ville spécialement encourageante pour la culture, la musique. Si t'organises un concert dans les bars, t'es sûr qu'il va y avoir les flics, si la patron du bar veut faire une programmation régulière, à savoir 2 concerts par mois pendant 3 mois, au bout de 3 mois, il a une fermeture administrative pour x raisons. Enfin bon, c'est chiant, t'as des bâtons dans les roues en permanence donc peut-être effectivement ça te donne envie d'être dans ton local, de haïr la terre entière, la société, de faire beaucoup de bruit et d'avoir qu'une envie : quitter Orléans pour aller faire des concerts ailleurs. Peut-être que l'ennui de la ville suscite des vocations à savoir essayer de faire quelque chose pour se barrer !

La scène "skate core" est très fertile en France, mais peu de groupes sortent du lot et de leur région...
Je crois que c'est un peu partout, t'as mis "la scène sk8core" t'aurais pu mettre la scène hip hop. A Orléans, y'a peut-être une centaine de formations hip hop... y'en a 2 qui ont fait quelque chose, vraiment. Y'a plein de groupes dans le hip hop, dans le punk rock, dans tous ces styles où t'as pas besoin d'une technique exceptionnelle. T'as une petite bande musicale sur D.A.T. quand tu fais du hip hop, t'as un micro, tu travailles tes textes et ton flot, pour le punk rock, t'as pas vraiment une super technique, tu commences avec des instruments à 2 francs, tu fais beaucoup de bruit avec tes amis et ça t'amuse et déjà ça ressemble à quelque chose. Y'a plein de jeunes qui se sentent intéressés et attirés par ces trucs-là où il faut pas une technique de jazz rockeux pour commencer. Mais plus y'en a qui voient le jour et moins y'en aura qui arriveront à se démarquer, plus le combat sera dur pour arriver à sortir la tête du lot. Nous, on a peut-être eu la chance de commencer à faire du punk rock à un moment où y'avait pas beaucoup de groupes en France qui étaient sensibles à ce genre.Tout de suite on a été remarqué, peut-être pas bien, c'était "ah, cest des Orléanais qui font du bruit avec leurs grosses guitares et leur chant en anglais, on comprend rien, c'est de la moulinette" au moment où Les Satellites fesaient un carton. Mais au moins, on se fesait remarquer. Maintenant y'a plein de groupes avec des grosses guitares, qui font des espèces de moulinette à fond la caisse, y'en a plus donc c'est moins facile de percer je pense.

Vous êtes un vrai groupe de scène, infatigable, vous faites plein de dates, une internaute m'a d'ailleurs demandé de vous remercier de vous être arrété à Lavaur il y a quelques années
Oui, ah ouais..
C'est cette proximité du public qui a fait votre popularité ?
Dans la mesure où la seule chose qui compte, c'est les concerts, le concert pour nous, c'est une fête. Si quand t'arrives, tu te mets dans tes loges, t'attends juste le moment pour arriver sur scène et que tu fais ton concert et que tu rentres dans les loges après et que tu files à l'hôtel, bah, la fête, elle a pas duré longtemps. Et puis sur scène, t'es crispé, t'es tendu, la fête, elle est avant, elle est après. Donc oui, on aime bien faire des concerts, oui on aime bien être dans la foule quand on a fini le concert ou quand on y est pas encore, et oui on aime bien rencontrer des gens parce que c'est l'occasion de parler un peu de tout et de n'importe quoi et de savoir ce qui se passe dans leur région, d'échanger une spécialité locale ... liquide ou végétale...

Vous aimez moins créer des morceaux, les enregistrer ou les jouer sur scène ?
Qu'est-ce qu'on aime le moins ? Euh... Dans la création, quand les muses de l'inspiration viennent nous rendre visite, c'est super, on passe des heures dans le local et on a l'impression à la fin qu'il s'est passé 5 minutes tellement on a été intense, productif et content du résultat. Et puis des fois il se passe des mois sans qu'il ne se passe rien. On fait des morceaux, on enregistre des K7, on fait des albums, on les écoute et on les jette, et on en refait, on les écoute et on les rejette et là on se prend la tête, on s'insulte, on se fait chier et on a l'impression de perdre notre temps. Donc c'est casse-couille. L'enregistrement, c'est pareil. Si on est bien prêt et que tout se passe bien, que le studio est cool, que l'ingénieur aussi et que nous on est bien dans nos nouvelles chansons, c'est un plaisir. Si on est dans des conditions un peu plus dures, si techniquement, on a voulu placer la barre un peu trop haut, là on en chie et ça devient une horreur. Et pour les concerts, bah, c'est pareil. Mais on peut jamais savoir à l'avance.

Vous sortez Escape, qu'est-ce que vous voulez fuire ?
Le politiquement correct, le protocole de rigueur, les conventions tout établies
YAL : Les plans de carrière
Les plans de carrière, les préjugés, la connerie humaine... mais en même temps on en a pas mal à l'intérieur et faudrait aussi qu'on la nettoie...c'est un boulot de tous les jours...
Ca, c'est un message qui passe en anglais, vous avez déjà pensé à chanter en français
Non
C'est pas concevable avec votre musique ?
Non, parce que si un jour on avait fait un plan de carrière en se disant "on va être les meilleurs de France, on va être les supers punk rockers français" Non, en fait on s'est dit "le punk rock c'est international", y'a une espèce de... pas de solidarité ni d'internationale punk rock mais bon si on va jouer au fin fond de l'Italie, en Sicile, dans un tout petit club qui est peut-être tenu par la mafia, y'aura peut-être 50 personnes là-dedans qui vont connaître les Burning Heads depuis le début et si on va jouer au fin fond de la Slovénie, y'aura aussi des gens qui connaitront les Burning Heads, peut-être pas beaucoup mais...
YAL : Et si tu rencontres quelqu'un en ville qui parle pas français, la première chose que tu vas faire, c'est essayer de lui parler anglais, pour voir s'il comprend...
Et puis oui, le fait de ne pas chanter en français, ça nous a surement fermé des portes en France, mais ça nous en a ouvert tellement à l'étranger que la balance... Y'a même pas un équilibre, ce qu'on a perdu en France, on l'a gagné à l'étranger, mais on a gagné 10 fois plus. Ca nous a permis d'aller jouer aux Etats-Unis, d'aller jouer au Canada, d'aller jouer dans une petite quinzaine de pays d'Europe. On discutait avec Les Sheriff, quand ils jouaient encore, et eux, au bout de 10 ans de carrière à remplir des salles en France sans aucun problème, ils commençaient tout juste à faire une petite tournée des squatts en Italie et là y'avait entre 20 et 50 personnes, ça au bout de 10 ans. Nous, on a commencé en 89, en 92, on faisait déjà toute l'Europe... avec un 45 tours à proposer comme support de tournée. Et puis on est des fainéants, pour faire des textes super intéressants en français, faut se prendre un peu plus la tête et à l'étranger ça passera moins. Y'a des gens à l'étrnager qui nous disent "pourquoi vous ne chantez pas en français, ce serait plus folklorique", mais on s'en branle du folklore, on s'en branle de la France. Ca nous fait chier de traverser des frontières, ça nous fait chier de voir des douaniers, ça nous fait chier de voir même des frontières au péage sur l'autoroute, ça, ça nous casse les couilles. On va pas non plus se remettre une étiquette 100 % français, élevé en France, en plein air... Si on arrive à faire le tour du monde avec les Burning, ce sera super, c'est un grand rêve, essayer d'aller jouer n'importe où, parce que y'a des endroits où on n'est jamais allé et ça nous démange. C'est pas de retourner en France encore 15 000 fois dans une ville et de présenter cette fois des chansons en français que tous les gens vont pouvoir reprendre en coeur.
Les endroits qu'ils vous restent à jouer, y'a l'Amérique du Sud, l'Asie
Ouais l'Asie, l'Amérique du Sud, l'Afrique, ça ça serait bien
YAL : l'Europe de l'Est
Il faudrait qu'on fasse un peu plus de reggae pour aller jouer en Afrique. L'Europe de l'Est vraiment parce qu'on a fait que la Slovénie et c'est les gars les plus à l'Ouest des gars à l'Est. Et puis... les pays super nordiques, c'est un peu bizarre quand même, c'est un peu étrange, on y a été mais je sais pas si on y retournera. Sinon, n'importe où, même l'Australie, c'est hyper loin mais ça serait bien, si un jour on se met ça en tête, va falloir qu'on rame, qu'on mette des sous de côté pour se payer le voyage. Mais bon on s'est tapé 15 jours de tournée au Canda, ça nous a coûté 20 000 francs, à la fin quand tu reviens... en fait on a passé un mois et on a joué une quinzaine de dates. 20 000 francs à 4, ça fait 5 000 francs par personne pour un mois de vacances, c'est pas très cher. Tu retournes la situation et tu reviens avec le sourire, si on était parti en se disant "c'est bon, on part en tournée au Canada, on va revenir avec du pognon" mais non, là tu reviens, t'as un trou dans la caisse et heureusement que t'as fait des économies avant de partir !