HEY YOU! Une histoire orale des Burning Heads est là. Enfin, il l'était jusqu'au prochain retirage car à l'heure où tu liras ces lignes, le bouquin est épuisé (ou presque). Quoi de plus normal à propos d'un livre attendu par tous les fans des Burning et tous les acteurs passés et actuels de cette fameuse scène française indépendante. Il me semblait important d'échanger au sujet de ce superbe livre avec les instigateurs et auteurs du projet, Sam et Guillaume. Encore une belle leçon de DIY.
Salut les gars. Le moment tant attendu par les fans des Burning Heads mais aussi par les amateurs de la scène alternative/indépendante française est enfin arrivé. HEY YOU! sort de presse et va commencer à être distribué par les réseaux indépendants et en VPC. Commençons par le commencement et la genèse de cet ouvrage : qui, quand, comment, et pourquoi ce livre ?
Sam : C'est parti sur une idée que j'ai lancée à Guillaume, alors qu'on était aux Etats-unis, à Seattle. Je lui ai demandé si ça le brancherait de se lancer dans un projet de documentaire sur la scène punk rock/indépendante française des années 80 et 90, à sortir en DVD. Après avoir retourné le sujet dans tous les sens, on a décidé de faire évoluer l'idée ailleurs... sur un livre. Toujours plus ou moins sur cette scène française, mais vue par le prisme d'un groupe, Burning Heads. Sur le mode de l'histoire orale, en convoquant tous les personnages haut en couleurs qui constituaient leur histoire. Au final c'est bel et bien un livre sur les Burning mais le décor, ainsi que les protagonistes, rejoignent clairement cette idée initiale qui devait se focaliser sur la scène rock/punk/indé de cette époque.
Vous avez travaillé sur ce livre pendant plus de 3 ans en duo, sachant que Guillaume vit coté West Coast et que Sam est basé dans l'Est de la France. Comment vous êtes-vous organisés (répartition des tâches, des interviews, échanges entre vous...) ?
Sam : La méthodologie a été très simple. On a été sur la route avec les BH sur quelques dates de leur tournée d'anniversaire des trente ans pour leur proposer le projet et leur expliquer en détail ce qu'on voulait faire. Ensuite, on s'est partagé les interviews à effectuer, face à face, emails, téléphone, etc. Il y a plus de 100 intervenants, on en a fait la moitié chacun. Ensuite, il y a la question de l'iconographie, qu'il a fallu aller chercher, trier, sélectionner. Et, enfin, la mise en page, un aspect qui a été géré par Frank Frejnik. Il y a eu des séances de ping-pong, de longs échanges au téléphone entre Guillaume et moi pour bien calibrer notre façon de travailler, de longues séances de retranscriptions, de réécriture, d'édition de texte, des debriefs, des échanges d'idées, des désaccords aussi, etc. Et pour finir, les séances de relectures et de montages finaux. Et là, la promo. Trois ans qui, au final, seront passés très vite.
HEY YOU! Une histoire orale des Burning Heads est axé autour du quatuor (aujourd'hui quintette) d'Orléans, mais c'est aussi, comme vous l'indiquez dans la promo, le récit de toute une scène indépendante. Sam, il y a quelques années lors du Reunion Tour de Second Rate, tu nous disais à propos des Burning, mais aussi de Portobello Bones et Seven Hate "(...) Dès le début, on a vu que ça bricolait, que ça tenait à rien toute cette scène, et dès le début on s'est dit qu'on pouvait bricoler aussi. (...) On est venu bien après, on se revendiquait de ces mecs, pas de leur zique forcément, mais de leur façon de faire." Guillaume, tu es aussi de cet avis : on peut ne pas être fan de la musique mais on ne peut que respecter la manière dont le groupe a mené sa barque ?
Guillaume Gwardeath : Absolument. Le livre se conclut par une sorte de postface intitulée "Thinking of the time" dans laquelle divers témoins résument en quelques mots leur vision des Burning Heads. Je te cite ce que dit Christophe Bosq, le boss historique de leur agence de booking : "Le coefficient sympathie des Burning Heads est impressionnant. Ils sont même devenus une référence dans la scène rock en France. Je suis confronté à toutes sortes de musiciens dans toutes sortes de styles, y compris la chanson ou les musiques de films et bon nombre connaissent les Burning Heads. Pour moi, c'est le summum de la réussite : être devenu une référence." Christophe rajoute plus loin, et ça répond sans doute à ta question : "Ma plus grande fierté, c'est que le groupe n'ait travaillé qu'avec ma boîte de tournée depuis ses débuts. C'est un exemple de fidélité très rare. Cette intégrité fait partie de leur mentalité. On aime ou on n'aime pas, mais des groupes comme ça, il n'en existe pas beaucoup."
Comment expliquer que les Burning Heads, 33 ans après leurs débuts, soient toujours là, frais comme des gardons et toujours droits dans leurs bottes ? Des générations de groupes se sont succédées depuis leurs débuts et eux n'ont jamais levé le pied malgré des changements de personnel, de labels.
Sam : Je crois qu'il y a la réponse à cette question très vaste dans le livre. En 560 pages, je pense qu'on a réussi à expliquer comment et pourquoi les Burning ont tout traversé avec brio, et qu'ils sont encore là, trente ans après, respectés de tous et toutes, plus digne et rectiligne que ne le sera jamais un autre groupe français.
Peut-être que je me trompe car je n'ai pas encore lu le livre, mais HEY YOU! Une histoire orale des Burning Heads peut-il se rapprocher de l'esprit de Diesel Le Film dans lequel David Basso, en se servant des Unco comme squelette de son film/documentaire, dresse le portrait d'une génération de groupes et d'activistes qui fait vivre le punk rock ?
Guillaume Gwardeath : Pour l'une des soirées de présentation du livre, à Angoulême, au Point Carré, l'ancien Mars Attacks, Céline, la cool taulière, a d'entrée de jeu rajouté la projection du film Diesel au programme de la soirée. On peut donc tous en déduire que oui, sans doute, il y a un rapprochement à faire dans l'esprit !
Sam : Il y a certains points communs ; il s'agit de deux groupe punk mélodiques, déjà, c'est pour moi le point commun. Pour le reste, je dirais que ces deux groupes étaient très différents, dans leur univers musical et leur contexte culturel, mais je n'ai personnellement pas vu le documentaire donc difficile de répondre précisément.
J'ai pu échanger et même côtoyer le groupe à plusieurs reprises dans le cadre des activités du W-Fenec mais aussi en les croisant sur la route avec les Flying Donuts et même en intégrant leur staff technique (et leur camion) sur quelques dates et notamment au Hellfest 2018. À cette occasion, j'ai été surpris de constater que tous les techniciens que nous croisions leur disaient : "Ça fait plaisir de vous voir ici" ou un truc du genre. J'ai alors demandé à Thomas : "Mais vous connaissez tout le monde ?" Thomas m'a répondu avec l'humour qui est le sien : "Non, Gui ! C'est l'inverse. Tout le monde connaît les Burning". Avez-vous senti cet enthousiasme lors des sollicitations pour évoquer l'histoire du groupe ? Avez-vous essuyé des refus dans le cadre de vos recueils de témoignages ?
Guillaume Gwardeath : Très peu de refus. Il y a quelques absents, mais c'est plutôt dû à de trop grandes difficultés à établir le contact, un ou deux semblent avoir disparu dans la nature. Le livre rapporte les témoignages directs d'une centaine d'acteurs ou de témoins privilégiés de cette histoire, donc on peut estimer qu'on a bien fait circuler le micro dans la salle ! Le seul refus disons... "explicite" a été celui d'une de leurs anciennes bookeuses. Elle nous a demandé de virer son blase. On a bien entendu respecté sa volonté de ne pas figurer sur la photo souvenir. L'un dans l'autre, au final, on se retrouve avec une photo souvenir avec des visages plutôt souriants : de quoi faire une bonne soirée diapos.
Vous connaissez le groupe depuis de nombreuses années par le biais de vos activités. J'imagine que vous avez dû apprendre pas mal de choses en préparant ce livre. Qu'est-ce qui vous a le plus surpris au moment de vos recherches et rencontres ?
Guillaume Gwardeath : Je ne savais pas qu'ils avaient eu un premier chanteur ! Je croyais que Pierre avait directement commencé en jouant à la fois dans DDT et les Burning Heads !
Sam : Je ne savais pas que le guitariste d'H Bomb, Armando Ferreira, était repassé derrière Donnell Cameron et avait rebossé - et même remixé - quelques titres du premier album !
Fin 2018, Pierre a quitté le groupe, et Phil a fait son retour avec le recrutement au chant de Franck (Ravi, Eternal Youth) : quelle incidence ce changement de line-up a-t-il eu sur le livre ?
Guillaume Gwardeath : En toute logique, chacun de ces événements a entraîné un report du bouclage. Il était inconcevable de sortir le livre pour ainsi dire au milieu du gué. Pourquoi Pierre quittait le groupe ? Les membres restant allaient-ils poursuivre l'aventure ? Pierre allait-il être remplacé ? Quels seraient les prétendants à la succession ? La France avait le droit de savoir. La France voulait savoir. Nous nous devions de l'informer, tout simplement. C'était notre mission. Mais tout de même, ah la la, ces Burning Heads, quel sens du cliffhanger !
Le livre sort sur la structure de Guillaume (Metro Beach) : c'était une évidence pour vous en mode DIY, ou alors avez-vous envisagé de le proposer à un éditeur extérieur ?
Guillaume Gwardeath : Il se trouve que c'est moi qui dispose d'une structure formellement active en ce moment, donc j'ai accueilli le projet en tant que "marque", mais l'intégralité du processus a reposé sur un travail en binôme. C'est aussi une façon pour Sam et moi de garder le contrôle sur nos décisions. On peut dire qu'il s'agit d'une mise en pratique de ce mode de fonctionnement "do it yourself" qui caractérise la scène punk rock. Le livre HEY YOU! comporte d'ailleurs de nombreux exemples similaires. A aucun moment nous avons songé à présenter notre manuscrit à un éditeur.
Sam : Gwardeath et moi connaissons très bien ce microcosme, cette scène ; nous sommes sur le terrain depuis plus de 20 ans, que ce soit en tant que musiciens ou fanzineux. Et nous en connaissons la plupart des groupes et des acteurs/activistes. Aucun éditeur en France ne connaît mieux ce terrain que nous, il était tout à fait logique que nous gérions la sortie de ce livre nous-même, de a à z. Ca fait partie de l'aventure. On sort ce livre comme on sortirait un disque.
Petite série de questions plus personnelles en rapport avec le groupe. Vous pouvez argumenter et expliquer vos choix (c'est fortement conseillé) :
*votre album préféré
Sam : Le premier album, découvert à sa sortie, prêté par un pote du collège dont le grand frangin lui faisait des cassettes uniquement constituées d'albums de punk rock français. Il a essayé de me refourguer tous les trucs de l'époque : Wampas, VRP, Tulaviok, Molodoi, Ludwig Von 88 et j'en passe, sans que je n'en valide aucun ! Sauf deux groupes, Happy Drivers dont l'album Toowoomba est dantesque et Burning Heads, dont le premier album était copié derrière un live de Gogol 1er.
Guillaume Gwardeath : Tu le sais, hein, Gui de Champi, que c'est le genre de question dont la réponse varie au gré des jours et des humeurs. Peut-être le premier album ? Je l'avais acheté en CD, sans doute à la Fnac. A la fois un billet d'entrée dans le club et une carte de membre !
*votre 45 tours/EP préféré
Sam : Celui qui est sorti sur Crapoulet Rds, que le batteur Tomoï doit m'envoyer depuis deux ans, mais il a dû oublier. Je ne l'ai jamais écouté mais il y a une reprise d'un des plus grands groupes au monde,
Guillaume Gwardeath : Si je laisse parler la saine nostalgie, ce serait leur premier EP paru sur un label : le 45 tours "Hey you" / "Go away", sorti dans le cadre du club single "Black & noir" en 1990. La nostalgie plus la fidélité.
*votre split préféré
Sam : Le split 45t avec les Marshes. Ces derniers reprennent magnifiquement "Few words", mon morceau préféré des Burning Heads. Forcément, c'est réussi.
Guillaume Gwardeath : Le CD Cross the bridge de 2003, avec les Vulgaires Machins, pour entendre les Burning Heads chanter en français !
*votre titre préféré
Sam : "Few words", sur le deuxième album, Dive.
Guillaume Gwardeath : "Falling", sur le premier album.
*votre meilleur souvenir de concert
Sam : Difficile d'en sortir un en particulier.
Guillaume Gwardeath : Au printemps 1998, à Bayonne, aux remparts de Mousserolles. C'était la preuve qu'ils jouaient vraiment partout en France ! Je crois que c'est la première fois que je les voyais filer la guitare à un kid local pour jouer un morceau. Un kid vraiment jeune. Il avait joué "In my head" avec eux je crois bien...
*votre anecdote préférée
Sam : le passage des Burning Heads chez Tony, le boss du label Victory. La splendeur américaine malmenée par la lucidité ... et l'ironie implacablement française. Qui finira les bras en croix dans son plumard avant la fin de soirée ? Je te laisse deviner. Tout l'art de vivre des Burning est dans ce passage.
Guillaume Gwardeath : Dans le bouquin, il y en a plus d'une qui me fait me marrer comme une baleine à chaque fois que je la relis. Un bon exemple : celle rapportée par Sam Williams de Dawn By Law, qui raconte leur tournée commune avec les Burning Heads à travers l'Europe et l' amour inconditionnel - si ce n'est exclusif - des Burning Heads pour un morceau techno d'un certain DJ No Rules. J'aimerais bien écouter ce morceau, à l'occasion. J'ai demandé à Thomas et JBe mais ils n'ont pas gardé de trace de ce tube de jeunesse.
*votre blague préférée de Thomas
Sam : Toutes les blagues sur les Suédois me font correctement rire.
Guillaume Gwardeath : Un jeu de mot quelque peu tiré par les dreadlocks, du genre la tournée "The big takeover" rebaptisée "Le bifteck au beurre" ...
- Wallabirzine (288 hits)
Merci aux auteurs de ce fabuleux bouquin. Au fait l'ami Bir du Wallabirzine interroge quelques acteurs de la scène à propos de leur chanson préféré des Burning. Tu ne seras pas étonné d'y retrouver les Guillaume de ce zine clamant leur amour pour les BH.
Publié dans le Mag #45