Burning Heads - Geneve Burning Heads - Geneve Jeudi 12 octobre : je quitte mon bureau du centre-ville de Nancy pour rejoindre directement le Hublot, salle de concert au coeur d'un complexe universitaire qui accueille le festival Nancy Jazz Pulsations. Les Burning jouaient la veille à Dijon, et sont donc arrivés assez tôt dans la cité ducale. Il faut dire que le groupe a de la bouteille (ce n'est à l'origine pas un jeu de mots en rapport avec l'affiche de cette tournée, mais j'en suis bien fier !) et son mode de fonctionnement sur la route est bien rôdé : arrivée sur les coups de 18 heures, pas de balance, juste un line-chek avec Dudu (sonorisateur qui connaît le groupe à la perfection) montage du stand de distro, concert, distro, remballage et retour. Pas départ, retour à Orléans. A l'exception des dates successives, le groupe a pris l'habitude de rentrer directement à la maison après le concert. Quand ça joue à Paris, ça se fait bien. Mais quand la tournée se termine à Milan, ce n'est pas vraiment la même. Bref, revenons à nos moutons. Le groupe a balancé tranquillement dans l'après-midi, et c'est aux stars locales Diego Pallavas d'affiner leur son pendant que Pierre et Dudu me font « visiter » mon home sweet home pour le week-end, à savoir un magnifique van de loc', l'historique Iveco des Burning étant prêt à rendre l'â(r)me.

Je fais connaissance de Ryan, guitariste de Mind Awake et road à plein temps sur la tournée en remplacement de l'ami Bender parti croiser le fer sur la tournée de Nostromo. Un gars timide mais néanmoins sympathique. Le reste de l'équipe (Jbé, Thomas, Mikis, Pierre et Dudu), je la connais déjà pour les côtoyer depuis de nombreuses années en allant voir les concerts des Orléanais et en squattant les backstage des concerts et festivals que les Burning ont partagés avec Flying Donuts ou d'autres groupes que j'ai modestement accompagné en faisant de la lumière. Justement, la lumière, parlons-en. Le groupe n'est pas vraiment fanatique (c'est le cas de le dire) des « light show » mais à force de persuasion et de chantage en tous genres, les types ont « toléré » (dans le bon sens du terme, hein !) ma présence derrière la console. Et donc de partager leur quotidien pendant trois jours en immersion totale.

La tournée des 30 ans a été soigneusement bookée par leur tourneur 3C, et les salles qui ont programmé et programmeront le groupe tout au long de l'automne sont des valeurs sûres du circuit. Des spots bien équipés et ayant pignon (à défaut de pognon) sur rue. Cette tournée a la double caractéristique de présenter une set list de 30 morceaux (évidemment !) soigneusement sélectionnés par le groupe dans sa riche discographie et sur avis consultatif des fans du groupe, mais aussi d'inviter des groupes qui leur sont chers à partager la scène avec eux. Ce week-end, c'est au tour des Bordelais de Sleeppers de les accompagner sur les trois dates.

Après un bon repas pris en commun entre organisateurs, techniciens et musiciens, c'est à Diego Pallavas d'ouvrir le bal. Le quatuor fait le boulot devant un parterre de connaisseurs entièrement acquis à sa cause, et j'observe le tout depuis le stand de merch tout en discutant avec JBé, bassiste des BH. En début de tournée, il me fait part de l'excitation du groupe à entamer ce tour de France, et des projets en cours et à venir : crowdfunding pour financer un nouveau camion, et préparation d'un concert spécial au Hellfest 2018 qui verra, entre autre et sous l'impulsion du groupe, les réformations éphémères de Uncommonmenfrommars et Seven Hate. Les gars tournent et jouent sans discontinuer depuis trois décennies, et ils ont toujours les yeux qui pétillent quand tu leur parles de leur prochain concert ou des projets d'un nouveau disque.

Burning Heads Astrolabe Burning Heads Astrolabe C'est ensuite Sleeppers qui monte rapidement sur scène, et dès les premières mesures de « Mask » et de « Keep focus », c'est la déflagration ! Le son est massif, les ambiances lourdes et pesantes, et la noise teintée de punk du quatuor est juste géniale. Honnêtement, ça fait très longtemps que je n'avais pas vu le groupe sur scène (2003 je crois), et je n'avais pas de souvenir particulier en tête, mais là, ça a été le coup de grâce. Et Nancy n'aura pas été une exception, tant les deux concerts qui suivront en Suisse se sont révélés précis et puissants !

A la fin du show, on félicite les Bordelais pour cette tonitruante prestation, et je m'empresse de prendre possession de la régie lumière en préparation d'un concert marathon : 30 titres pour près de deux heures de show bien chaud. Début de tournée oblige, les gars sont en forme et la set list, qui verra quelques réajustements au cours du tour, est déjà démoniaque. Je prends un réel plaisir à éclairer le groupe, et Dudu réalise (une nouvelle fois) un son dont lui seul a le secret. Le public réagit bien, les passages reggae offrent une belle respiration au milieu des brûlots punk rock, et je redécouvre certains titres des albums autoproduits à la fin de la dernière décennie auxquels j'avais prêté moins d'attention que les disques des périodes Epitaph/Yelen. La formule, largement développée au fil des ans et des tournées, est imparable. Les types prennent plaisir à jouer et il est curieux de constater la réaction du public suivant l'époque des titres joués. Les vieux de la vieille sont bien là, et il est même possible que certains spectateurs assistent à leur premier concert des BH. Peu importe, c'est juste tout bon. Comme je groupe le fera également tout au long de la tournée, un musicien du coin ou d'une première partie viendra croiser le fer sur scène le temps d'un ou deux morceaux. Ce soir, c'est Jérémie Flying Donuts qui s'y colle avec un morceau reggae et un morceau de l'album Escape.

Le concert terminé, ça remballe gentiment, on boit un coup avec les Sleeppers et les frères Flying, et on lèvera le camp relativement rapidement, eux pour rejoindre leur hôtel au centre ville, et moi pour rejoindre mon lit douillet.

Vendredi 13 octobre : après avoir rempli mes obligations familiales, je rejoins le groupe en fin de matinée à leur hôtel, direction la Suisse et plus précisément Genève. Nous devons récupérer Jean-Rem, nouveau guitariste de Hateful Monday et ancien Rebel Assholes, sur le trajet. L'ambiance n'est pas au top dans le camion, aléa d'une vie sur la route où tout n'est pas forcément rose. On se raconte des histoires, on écoute un peu de musique dans le van ultra moderne, et le trajet s'écoule sous un beau soleil et un paysage pas dégueu. On récupère Jean-Rem sur une aire d'autoroute, et nous prenons la direction de Genève et de l'Usine, complexe auto-géré et faisant office d'institution dans la ville (et même au delà !). Les Sleeppers, bien que partis plus tard, arrivent en même temps que notre van, et on prend possession du backstage et du catering. L'accueil se révèle être au top, et Bender, road attitré, nous honorera même de sa présence, de retour d'une date avortée de Nostromo. L'hospitalité suisse n'est pas une légende, et les techniciens se révèlent bien plus détendus que la veille à Nancy. De bonne augure pour cette soirée qui coïncide avec la release party du nouvel album des Hateful Monday, gloires locales. Bien évidemment, Peg GPS est de la partie, tout comme Dan Kerosène qui est toujours dans les bons coups et que j'ai plaisir à voir et revoir. Les lecteurs de notre illustre mag' seront également émus à chaudes larmes de savoir que Rémiii est sorti de sa tanière pour prendre une bonne rafale de son.

Après un excellent repas, Sleeppers ouvre le bal devant une assistance clairsemée et se transforme en rouleau compresseur dont nous aurons beaucoup de mal à nous remettre. Le set est gargantuesque, et l'interprétation se veut d'une précision chirurgicale. Le basse/batterie est irréprochable, et les guitares noisy s'entrechoquent avec lourdeur et fracas. Difficile d'envoyer derrière ce groupe qui aura la bonne surprise d'apprendre dans la soirée qu'ils seront également de la fête pour l'étape girondine des Burning avec les Ricains d'Unsane ! Et pourtant, Hateful Monday ne se démonte pas et balance son skate core à fond les ballons. Le trio est en forme, et le concert se veut énergique et de qualité, même si j'ai une légère préférence pour le show qui sera donné le lendemain à Bulle. Le groupe présente quelques morceaux de son excellent nouvel album, et nous balance quelques vieilleries bien senties, le tout dans la (très) bonne humeur générale. Faudra juste penser à changer de musique d'intro les gars !

Burning Heads bordeaux Burning Heads bordeaux Les Burning prennent place pour un line-check rapide, je frissonne un bon coup à la console light avant que les hostilités ne démarrent, et c'est parti avec « Party » de leur excellent dernier double album Choose your trap ! Le temps de poser l'ambiance que la machine se met en branle pour balancer un nouveau set de folie. Tout y est : énergie, mélodies, engagement et classe à l'état pur. Jbé est monté sur ressorts, Thomas est toujours loquace, Mikis enchaîne les riffs et Pierre ne lâche rien (sur scène ou dans le public). Les titres s'enchaînent sans que la pression de retombe, et c'est sans surprise Jean-Rem à la façon d'un Gipsy King qui dégainera l'arbalète pour envoyer quelques morceaux fort bien exécutés. Les Burning ont beau nous faire le coup à chaque fois, mais comment ne pas être fasciné par une telle aisance et une telle passion, tant d'années après leurs premières planches ?

La soirée n'est pas terminée mais l'heure du crime a sonné : l'Usine se transforme en un gigantesque dancehall où les jeunes filles plus belles les unes que les autres se trémoussent au gré du son contestable mais entraînant du DJ. Je zone dans les loges, à la recherche d'un peu de calme, et Ryan est absolument de mon avis : il va falloir trouver les clés du sleeping pour que nos corps fatigués trouvent un peu de réconfort. L'Usine, c'est une salle de concert, mais aussi un studio d'enregistrement (Les Forces Motrices), divers sièges de label/orga et quelques dortoirs bien équipés. Le hic, c'est qu'on accède aux étages par ascenseur à l'aide d'une clé qui permet de sélectionner les étages : comme tu l'auras très certainement compris, une fois que le maître des clés (en l'occurrence, Jbé si mes souvenirs sont bons) nous aura amené avec un organisateur au deuxième ou troisième étage de l'immeuble, nous sommes destinés à y rester « pour de bon ». Pas de problème, on ne demande qu'à dormir. Et pendant que le reste des troupes (c'est à dire tout le monde sauf Ryan, moi et un Hateful Monday) est en quête de fête ou tout simplement de rester éveillé, nous abandonnons la partie pour un repos très certainement mérité. Les murs de l'Usine tremblent aux vibrations des DJ, et c'est une horreur pour réussir à s'endormir, mais on y arrivera.

Samedi 14 octobre : bien que couché à 2 ou 3 heures du matin, il fallait s'y attendre : j'ouvre les yeux sur les coups de 7 heures. Impossible de me rendormir. Je profite du wi-fi pour surfer sur la toile, mais très vite, il va falloir agir. Action, réaction : direction la douche. Une fois lavé, je décide d'aller prendre l'air et d'aller boire un jus d'orange ou un café là où le vent me portera. Mon sens de l'orientation n'étant pas des plus développé, j'arrive à trouver un escalier pour descendre les étages et je retrouve assez facilement le monde extérieur. Il fait un peu frais mais le soleil est au rendez-vous. Au moment où je me décide à rentrer dans le complexe culturel, impossible de trouver une porte ouverte ! Bien évidemment, il faut être en possession de la fameuse « clé » pour rentrer, et me voilà bloqué à 8 heures du mat dans la fraîcheur de Genève. Heureusement, je parviens à croiser un individu qui rentre dans l'immeuble, et il me mène jusqu'à l'ascenseur pour ainsi retourner dans le dortoir commun. Thomas a eu la bonne idée de poser la clé de l'ascenseur sur une table, et me voici libre de mes mouvements. Après une bonne balade dans le quartier, je retrouve en milieu de matinée mes gars qui émergent doucement. Un petit dej' est servi dans un local à côté du sleeping, et on en profite pour reprendre des forces et se raconter de bonnes histoires.

Après avoir chargé le camion, direction Bulle et son centre culturel une fois encore bien équipé. La route se fait une nouvelle fois en compagnie de Jean-Rem et comme la veille, les paysages qui défilent sont assez distrayants, notamment la descente vers le lac Leman. Le court trajet se passe sans encombre, et on décharge assez vite. Le lieu est connu et reconnu dans le circuit, ainsi qu'en attestent les posters de tournée des groupes ayant posé les amplis dans cette salle, et je me fais une joie d'assister à une série de concerts alléchants. C'est le même plateau que la veille, et seul l'ordre de passage diffère entre Hateful Monday et Sleeppers. Le matos équipant la salle est flambant neuf, et notamment le système light dont le technicien n'est pas peu fier. Ses explications sur le fonctionnement de la console sont assez clairs, jusqu'au moment où Thomas le fait fumer dans son vaporisateur d'herbe portatif. Le pauvre en ressort complètement amoché mais garde le cap pour terminer ses explications qui deviennent plus ou moins incohérentes. Encore une victime du jouet de Thomas. Tout va bien dans le meilleur du monde.

Burning Heads à la Maroquinerie Burning Heads à la Maroquinerie Après les balances de Sleeppers et de Hateful Monday et un repas succulent « fait maison », il est temps pour moi de prendre possession de la console pour dépanner les copains de Hateful Monday. Ce concert se révèle être un excellent divertissement, et les brûlots punk-rock font mouche à tous les coups. Les quelques dizaines de spectateurs présents en prennent plein les mirettes, et ce n'est que le début. Car quand Sleeppers débarque sur scène, c'est encore la grosse claque. Mais comment font-ils ? Laurent le bassiste arbore fièrement un tee-shirt des Burning d'origine, et les musiciens prennent énormément de plaisir sur scène. La setlist est inchangée et la perfection pointe son nez à chaque riff. Juste du grand art.

Les Sleeppers lèvent le camp juste avant le début du set des Orléanais (les bougres vont rouler jusque à un hôtel de Clermont Ferrand avant de terminer la route jusque Bordeaux le dimanche, les petits joueurs !) puis les Burning Heads prennent possession de la scène. Line-chek des familles, mise en bouche avec un morceau reggae, montée rapide en puissance, voyage musical à travers toute la discographie du quatuor. Ni plus ni moins. Encore un concert de haute volée, son digne de Wembley, attitude irréprochable, set list du tonnerre, que du bon. Mais vraiment du bon ! Dans le public, ça pogotte, ça applaudit à tout va et ça rend hommage comme il se doit aux vétérans qui ont encore leur mot à dire !!! Jean-Rem viendra de nouveau envoyer quelques morceaux à l'arbalète six-cordes et ça termine en beauté avec une excellente reprise de « The guns of Brixton » des Clash. La classe !

L'after à l'étage est quelque peu enfumé, ça raconte des grandes histoires et buvant de grands godets avec les copains présents ce soir-là. Et des copains, les Burningen ont dans chaque ville. Il y a toujours dans la salle un type qui les a fait jouer il y a quinze ans, un mec qui a passé un de leur morceau sur sa radio il y a dix ans ou un gus qui a écrit un papier sur eux il y a vingt piges. Y a même un éclairagiste amateur fan depuis vingt piges, c'est pour dire !

Il est pas loin de 2 du mat' quand on charge le van et qu'on lève le camp direction Orléans bien sûr ! Et oui, plutôt que de passer des dimanches glauques sur la route, le groupe a pris le pli de rentrer dans la nuit. N'arrivant pas à fermer l'œil durant le trajet (ou presque), je passerai du temps à discuter avec Pierre qui me racontera avec un certain agacement les conditions de leur dernière tournée US. Ça sera certainement évoqué dans le livre qui sera consacré au groupe et dont le projet est mené par Nasty Samy et Guillaume Gwardeath.

La route défile, le jour se lève, et Jbé qui a pris le volant depuis un bon moment, me dépose non loin de Troyes. Il est 8 heures du matin, je suis décalqué mais encore euphorique d'avoir partagé un long week-end avec mes héros !