La pochette et le titre du troisième album de Buñuel ne te surprendra pas, si tant est que tu connaisses ce projet d'Eugene Robinson, artiste-performeur-écrivain dont la liste des expériences s'élargit d'année en année (frontman d'Oxbow, Whipping Boy et Black Face ayant déjà collaboré avec Old Man Gloom, Xiu Xiu, Zu, Ken Mode, Ultraphallus ou encore Dead Kennedys), accompagné ici d'un trio italien de heavy noise avant-gardiste italien plutôt expérimenté en matière de musique. Killers like us est donc le troisième et dernier volet d'une trilogie débutée en 2016 avec A resting place for strangers, et qui poursuit son devoir d'expérimentation sonore lourde, sombre et intense.
Bien qu'il soit relativement difficile de présenter Buñuel par l'expression d'un genre particulier, il est en revanche beaucoup plus aisé d'en décrire ses composantes et les ressentis que nous en avons. Sommairement, ce nouvel album alterne le combo lourdeur/lenteur, qu'on retrouve aussi bien dans la noise-rock que le doom, avec des déflagrations punk noise totalement imprévisibles. Il y a dans ses dix compositions à la fois une certaine forme de magie stimulante et une sensation de cauchemar ultra tourmenté. Et si on parle de tourment, c'est bien parce que la voix d'Eugene Robinson est le cœur de cette œuvre. L'artiste américain est presque tout sauf un chanteur, il utilise ses cordes vocales pour vociférer, chuchoter, parler, hurler, il est un instrument complet à lui seul ! Il impose son rythme au groupe qui fait corps avec lui.
On connaissait déjà ça avec Oxbow, rien n'est surprenant au final, sauf que la petite différence ici est peut-être l'apparition de sa femme, la photographe Kasia Meow, auteure de la fameuse pochette du disque représentant un revolver 44 Magnum appartenant au chanteur, sur l'excellente "Crack shot". Cette chanson fait figure de contraste avec ce refrain chanté de façon très naturel et soigné. Pour autant, Buñuel dessine ici des paysages lugubres, crades, subtils à l'excès, vallonnés et Killers like us pourrait se définir comme un album collaboratif que Sleep ("Hornets"), The Jesus Lizard ("A prison of measured time") et pourquoi pas Motorhead ("Roll call") aurait pu écrire et réaliser ensemble dans un lointain passé.
Publié dans le Mag #52