Embarqué à l'Xtreme Fest, j'avais prévu de faire une interview par jour. Le vendredi, mon choix s'est porté sur Brutus, trio Belge détonant de post-metal et quelque peu étonnant à l'affiche. Rencontre avec l'intégralité du groupe, Stefanie (batterie-chant), Stijn (guitare) et Peter (basse) avant la sortie en octobre de leur troisième album studio chez Sargent House.
Brutus
Vous jouez un style de musique qui est assez différent de la programmation du festival, principalement punk-rock et hardcore, comment abordez-vous cette soirée ?
Stijn : Je pense que ça va être spécial parce que c'est la musique avec laquelle j'ai grandi, que j'aime toujours. Ça va le faire...
Peter : Ça le fait toujours ! La musique des autres groupes n'est pas très importante car nous aimons un peu tous les styles. On peut jouer dans des festivals indie, punk-rock... il y a toujours des groupes qu'on connaît, qu'on aime, avec qui on a partagé une scène. Comme Stijn, Millencolin ou Satanic Surfers sont des groupes que j'ai écoutés ado, c'est trop chouette de me retrouver ici, avec eux.
Vous venez de confesser avoir un background punk-rock, vous avez joué dans d'autres groupes avant Brutus ? Et comment est né ce dernier ?
Stefanie : Oui, on a tous joué dans des groupes punk-rock, post-rock... un peu tout ce qui avait de la guitare amplifiée. On avait déjà un groupe avec Stijn quand on était jeunes et à la fin de celui-ci, on avait comme projet d'en remonter un pour jouer un autre style de musique. Plus tard, j'ai eu un autre groupe avec Peter et j'ai fini par faire le lien. Je connais un guitariste et un bassiste qui sont cools et qui jouent bien, faisons un groupe tous ensemble ! On n'avait pas défini à l'avance ce qu'on allait faire, juste j'ai rien de prévu ce dimanche, vous non plus, retrouvons-nous et voyons ce que ça donne. C'est comme ça que ça a commencé, sans qu'on se dise : faisons ce genre de musique car on écoutait plein de choses différentes.
Peter : Maintenant, on écoute peut-être davantage le même genre, mais à l'époque pas du tout.
Stijn : Au début, je voulais faire de la country mais les autres se sont moqués de moi, puis on s'y est mis sérieusement et tout s'est bien enchaîné.
Oui, le succès est arrivé assez rapidement depuis la fois où je vous ai vus live dans une cave (Olympic Café à Paris) en février 2018. Vous vous y attendiez ?
Stijn : Pas vraiment. On n'a jamais fait ce groupe en pensant au succès. Rien n'était prémédité, on a juste fait en sorte de prendre du plaisir ensemble, sortir des disques, écrire de la bonne musique.
Stefanie : La musique c'est de l'art. C'est un peu futile de dire ça mais le plus important est ce qu'il y a derrière, c'est-à-dire les chansons. Au début, on ne pensait pas aux concerts, c'était plutôt "faisons de notre mieux pour composer des morceaux, on verra ce qui arrive ensuite".
Et vous arrivez à vivre de votre musique maintenant, c'est votre job à plein temps ?
Peter (rires) : Houlala non ! Dans notre tête, oui, c'est ce qui nous occupe le plus mais on doit travailler à côté pour se faire de l'argent. On ne gagne pas assez pour subvenir à nos besoins, nos familles.
Le nouvel album arrive en octobre, vous avez eu plus de temps pour le concevoir du fait du Covid, est-ce que ça a rajouté de la pression ?
Stijn : Pour moi, non, justement car on a eu plus de temps en répétitions, plus de temps pour parler entre nous des chansons, de musique, de la vie en général. C'était plus confortable de composer ainsi. J'ai ressenti moins de pression que pour le précédent, qui a été écrit alors que nous étions sans arrêt sur la route.
Peter : On avait peut-être moins de pression de l'extérieur mais personnellement j'avais davantage d'attentes. Justement parce qu'on avait plus de temps pour composer, pas de concerts, de tournées, il n'y avait quasiment que ça à faire à cette époque et j'ai mis la barre plus haut en termes d'écriture.
Stijn : Oui, un peu des deux au final mais c'est une bonne pression quand on se retrouve ainsi, juste tous les trois, pour écrire.
Entre Nest et Unison life, vous avez sorti un album live...
Stefanie : Oui, ce n'était pas forcément prévu mais il y avait le confinement et il ne se passait rien pour nous. C'est un peu un concours de circonstances car il y avait ce live que quelqu'un avait filmé et on se disait au début que ce serait cool pour Youtube mais on ne pensait pas du tout à le sortir en live officiel. Puis on a écouté le mix plus attentivement et ça sonnait vraiment bien. On était aussi un peu nostalgiques de la période précédente, où on donnait plein de concerts, quand tout s'est arrêté brutalement.
Peter : C'était très dur, la musique live nous manquait et ce disque nous a permis de ne pas sombrer. C'était comme un médicament pour l'esprit.
Vous n'êtes pas les seuls à avoir sorti un album live pendant cette période, d'autres en ont aussi profité pour faire des disques de reprises. Quelles chansons pourriez-vous reprendre avec Brutus ?
Stijn : C'est peut être mieux si on choisit chacun une chanson.
Peter : Oui, voilà, faisons un EP de trois reprises.
Stijn : Ok, je vais choisir "There is a light that never goes out" de The Smiths.
Stefanie (rires) : Tout ça parce que je l'ai déjà prise dans une autre interview.
Stijn : Oui et surtout parce que tu l'as déjà reprise, seule, au piano et ta version est la chose la plus belle que j'ai jamais entendue. En plus, j'ai même pas besoin d'y contribuer (rires).
Stefanie : Bon alors, je vais prendre un autre morceau. Disons "Pet semetary" des Ramones.
Peter : Hum, moi aussi je vais changer alors. Ça sera une chanson de Deftones (NDLR : le groupe a fait une tournée en première partie du groupe Californien en 2019). Une vieille comme "Root" ou "7 words".
Brutus
Il m'a l'air très bien cet EP, je vous le sors en 45t si vous voulez !
Allez, une question pour vous titiller un peu. J'ai un ami (Bir du Wallabirzine, vidéaste officiel de l'Xtreme Fest) qui m'a dit qu'en plus des photographes limités aux trois premières chansons seulement, il lui était interdit de filmer votre prestation. Je peux vous demander pourquoi ?
Peter : Pour ce qui est des photos, la limitation aux trois premières chansons est quelque chose qui est assez standard en festivals. Sinon ça flashe de partout, tout le temps et ce n'est pas très agréable quand tu joues pour te concentrer ou bien tenter d'établir une connexion avec les gens venus nous voir, quand il y a toutes ces personnes qui fourmillent entre nous et le public. C'est pas pour contrôler notre image, ça on s'en fiche un peu. Après on ne sait jamais à l'avance comment cela se passera sur un concert ou un festival. Des fois, ça peut être top, d'autres fois plus gênant et du coup, on a fait ce choix. Ah et puis aussi ce soir, on va jouer plusieurs nouvelles chansons.
Stijn : Oui, on va tester quelques morceaux inédits ce soir, qui seront sur le prochain album. Si un fan filme, il n'y a bien sûr aucun souci mais si jamais ça se retrouve en qualité pro sur Youtube demain, ça nous ennuie un peu. J'espère que tu comprends.
Oui oui, c'est même la première raison qui m'était venue à l'esprit... Vous êtes en tournée actuellement ou c'est une date unique ce soir ?
Peter : On est venus spécialement pour vous. La date était calée depuis 2020 et on a essayé de maintenir tout ce qui était prévu puis reporté. Très souvent ça a fonctionné, d'autres fois non, comme ce festival en Allemagne, mais on a tenu à honorer nos engagements au maximum.
J'en suis le premier ravi. Il y a eu cette longue période d'inactivité en termes de concerts, pas de problèmes particuliers pour vous y remettre ?
Stefanie : Non, au contraire. On n'a jamais vraiment arrêté de pratiquer, en en profitant pour répéter parfois trois fois par semaine, notamment avec l'écriture du nouvel album. J'ai l'impression de mieux connaître et maîtriser les morceaux car on a eu plus de temps, contrairement à la fois précédente où on a enchaîné tournées, composition, enregistrement et tournées à nouveau. À l'époque de Burst, on avait fait une pause de quelques mois sans jouer et quand on avait repris, j'avais l'impression d'avoir les bras en spaghettis. Là, je n'ai pas du tout cette sensation. (rires)
Je trouve certaines similarités dans l'artwork de vos trois albums studios, avec ces lignes. Est-ce fait exprès ?
Peter : C'est une bonne question parce que ce n'est pas du tout volontaire mais c'est vrai qu'il y a des sortes de lignes sur les pochettes de tous nos albums.
Stefanie : Il y a deux albums pour lesquels nous avons fait l'artwork nous-mêmes, le premier et le dernier. Le second a été confié à quelqu'un d'autre mais c'est cool que tu aies remarqué cela, ça veut dire qu'il y a une certaine cohérence.
Deux chansons de Unison life ont été dévoilées et sonnent comme du Brutus, le reste sera dans la lignée ou on doit s'attendre à quelques surprises ?
Stijn : Je ne sais pas. Ça reste du Brutus. Après, ça fait plusieurs années maintenant que le groupe existe, on essaie de ne pas refaire exactement le même album. De mon point de vue, il y a des choses sur le disque qui m'ont surpris, des chansons où je me suis dit : "Tiens, c'est différent, on peut aussi faire ça et c'est toujours nous".
Peter : On a essayé d'élever encore notre niveau. On continue sans arrêt de peaufiner, sculpter ce qu'est Brutus, on travaille toujours dessus et Unison life est notre prochaine étape.
Merci à vous pour m'avoir accordé ce temps et j'ai bien hâte d'entendre ça.
Stefanie : Merci à toi et on espère qu'il te plaira.
Merci à Brutus et Vincent de l'Xtreme Fest.
photos live : Junk WBZ (bleu) et Vincent 8 ans et demi (rouge)
Publié dans le Mag #52