Une fois sorti du Tunnel, Gaëtan se retrouve dans une forêt où l'on distingue à peine les arbres tant la Brume y est épaisse. Une Brume toujours aussi froide et distante, chargée en émotions, une ambiance assez stressante où les seuls mots sont ceux de la tracklist et donnent le ton ("Exil", "Solitude", "Insomnia"... et "Hikikomori" : un terme japonais qui qualifie, pour t'éviter la recherche, une personne vivant "enfermée" chez elle qui évite tout contact et ne survit que grâce à l'aide de ses proches, une sorte de confinement extrême volontaire qui toucherait près d'un million de Japonais). À cette distance et froideur relative s'opposent des notes assez douces, claires, des sons qui s'alourdissent mais donnent un peu d'élan et de mouvement avec la saturation. Si les thèmes sont les mêmes que lors de la première production, l'atmosphère est un peu moins pesante, on trouve des séquences assez "classiques" pour du post-rock (avec Mogwai en référence principale) et je déplore un peu la production trop light à mon goût des parties saturées (sur "Exil", la couche de guitare qui reprend après le break semble un peu dissociée de l'ensemble) mais Gaëtan continue de tout faire tout seul, si c'est un avantage pour lui qui écrit beaucoup, c'est aussi un axe de progression pour le futur car avec autant de talent, ses compositions méritent le meilleur.
Même si je dois l'avouer, j'en suis déjà fan dans l'état... L'ensemble est excellent mais au-dessus du lot, je place encore la pièce centrale qu'est "Insomnia". Brume prend le temps de ne pas dormir et lutte contre l'éveil avec une patience folle, ralentissant au maximum le rythme pour tenter de sombrer mais finit par exploser de rage face à cette incapacité à trouver le repos. Rarement cette sensation pénible n'aura été aussi bien traduite en musique. Les autres titres sont plus courts mais tout aussi bien construits, Brume ne verse jamais dans la facilité et trace son chemin à travers le brouillard jusque la "Redemption", un territoire apaisé, dégagé, d'où émerge une certaine sérénité, un calme bienvenu porteur d'espoir. Après le noir Tunnel et ce gris brumeux, la prochaine étape ne peut être que d'un blanc étincelant.
Publié dans le Mag #54