Rock Rock > Brume

Brume / Chronique LP > Brume

Brume-Brume Une fois sorti du Tunnel, Gaëtan se retrouve dans une forêt où l'on distingue à peine les arbres tant la Brume y est épaisse. Une Brume toujours aussi froide et distante, chargée en émotions, une ambiance assez stressante où les seuls mots sont ceux de la tracklist et donnent le ton ("Exil", "Solitude", "Insomnia"... et "Hikikomori" : un terme japonais qui qualifie, pour t'éviter la recherche, une personne vivant "enfermée" chez elle qui évite tout contact et ne survit que grâce à l'aide de ses proches, une sorte de confinement extrême volontaire qui toucherait près d'un million de Japonais). À cette distance et froideur relative s'opposent des notes assez douces, claires, des sons qui s'alourdissent mais donnent un peu d'élan et de mouvement avec la saturation. Si les thèmes sont les mêmes que lors de la première production, l'atmosphère est un peu moins pesante, on trouve des séquences assez "classiques" pour du post-rock (avec Mogwai en référence principale) et je déplore un peu la production trop light à mon goût des parties saturées (sur "Exil", la couche de guitare qui reprend après le break semble un peu dissociée de l'ensemble) mais Gaëtan continue de tout faire tout seul, si c'est un avantage pour lui qui écrit beaucoup, c'est aussi un axe de progression pour le futur car avec autant de talent, ses compositions méritent le meilleur.

Même si je dois l'avouer, j'en suis déjà fan dans l'état... L'ensemble est excellent mais au-dessus du lot, je place encore la pièce centrale qu'est "Insomnia". Brume prend le temps de ne pas dormir et lutte contre l'éveil avec une patience folle, ralentissant au maximum le rythme pour tenter de sombrer mais finit par exploser de rage face à cette incapacité à trouver le repos. Rarement cette sensation pénible n'aura été aussi bien traduite en musique. Les autres titres sont plus courts mais tout aussi bien construits, Brume ne verse jamais dans la facilité et trace son chemin à travers le brouillard jusque la "Redemption", un territoire apaisé, dégagé, d'où émerge une certaine sérénité, un calme bienvenu porteur d'espoir. Après le noir Tunnel et ce gris brumeux, la prochaine étape ne peut être que d'un blanc étincelant.

Publié dans le Mag #54

Brume / Chronique EP > Tunnel

Brume - Tunnel Certains diront qu'on aperçoit la lumière au bout du Tunnel mais à l'écoute de ce premier EP, on est encore loin de se réchauffer au soleil, on reste au cœur de ce sombre passage proposé par Gaëtan, une ambiance lourde et assez peu réjouissante qui correspond totalement à son humeur lors de l'écriture de ces compositions en 2020. Guitariste chez First Came The Shadow, le Niçois a traversé des moments particulièrement difficiles et un isolement oppressant, transférer ses sentiments dans sa musique l'a certainement aidé à sortir de ce couloir obscur et à voir se dissiper la Brume qui s'était abattue tout autour de lui. Totalement maître de son œuvre (il compose, enregistre, mixe et masterise tout seul), il n'a pas de compromis à faire, pas de limite à respecter, il peut donc laisser libre cours à ses pulsions et pousser au maximum la tension (la deuxième partie de "Labyrinthe") ou terminer par une piste ambiant loin des structures post rock du reste ("Halo"). Si la tonalité d'ensemble des 5 titres est plutôt dans le grave, c'est avec légèreté que l'histoire commence, le "Tunnel" éponyme est posé, les notes sont assez claires et lumineuses, en tout cas, bien plus que la suite qui nous plonge rapidement dans un souterrain de riffs lourds et distordus presque Post Hard Core (dans la lignée des débuts d'Omega Massif). Ce "Labyrinthe" est entrecoupé par "Mirage", une illusion sonore qui laisse croire à un mieux mais où la basse, cardiaque, nous laisse près du sol. Comme les titres sont assez courts, l'EP connaît de nombreux virages et au final, n'est peut-être pas aussi sombre que mon premier ressenti, mais voilà les deux pistes qui équilibrent le tout sont tellement fortes que je suis davantage marqué par ce parcours dans ce dédale plus que par l'entrée, la sortie ou l'entracte. Et alors ? Ici, ce ne sont pas tant les extrémités dont il est question mais bien d'un Tunnel dont on n'est pas certain de sortir. Il a dû falloir beaucoup de force à Gaëtan pour partager ses douleurs avec nous, merci.

Publié dans le Mag #47