La rentrée 2017 nous a réservé de belles surprises comme Sugar high de BRNS. Les Belges se sont à cette occasion décomplexés pour sortir un album de pop hybride à l'esthétique travaillée. Antoine, leur bassiste-claviériste, étant mieux placé que nous pour vous en parler, on lui a laissé la parole, et on a bien fait !
Juste avant de commencer, je voudrais confirmer avec vous la signification et la prononciation de votre pseudo : Brains ou Burns ? D'où ça sort ce nom ?
Je ne vais pas te faire le coup des prénoms, comme quoi on s'appellerait Boris, Robert, etc... BRNS c'est tout simplement Brains sans les voyelles. On s'appelait initialement Brains mais il y en avait déjà des tas sur la toile ! On a choisi ce nom à une époque où on regardait un nombre incalculable de films d'horreur : de Sam Raimi à Peter Jackson en n'oubliant pas Verhoeven et Cronenberg dont on est d'énormes fans. Toutes ces références, on les retrouve dans notre imagerie, tu n'as qu'à regarder le clip de "Pious platitudes" pour t'en convaincre.
Bon, en tout cas, bravo pour cette tuerie qu'est Sugar high. Est-il si riche en sucre que ça cet album ? Faut que je fasse gaffe à mon diabète. Plus sérieusement, c'était une manière de définir le côté plus pop de cette nouvelle sortie ?
Oui, c'est vraiment la teinte de l'album qui nous a inspiré ce nom ! Patine était un album nettement moins fun, l'heure était grave, ça ne rigolait pas des masses ! Ici, on a voulu quelque chose de plus varié, de plus décomplexé. Aller à l'essentiel aussi, parce que par le passé on passait toujours pas mal de temps à "poser le décor" sur chaque chanson. Ça donnait un format toujours un peu long, entre 5 et 6 minutes. C'était à la fois une envie et un énorme challenge d'arriver à boucler un morceau de moins de 3'30. Pari réussi sur deux chansons ! Malheureusement, même si on correspond au format radio, ça ne nous rapporte pas un radis ! Broquette, que dalle ! Je crois qu'on pourrait jouer des pieds et des mains, on arriverait jamais à faire un truc réellement mainstream.
César, votre claviériste a quitté le navire en cours, il a quand même participé à la composition ? Comment vous avez géré ça au niveau de la finalisation du disque ?
César a participé à toute l'élaboration du disque : composition, enregistrement, mixage. On a fait quelques concerts avec notre nouveau set, puis se profilait une longue pause indéterminée jusqu'à la sortie du disque, du coup de diable de Crupet s'est fait la malle pour créer son nouveau band, Mortalcombat ! On était déçus, forcément, mais je pense que ça arrive dans la vie d'un groupe, c'est très similaire à la vie de couple.
Lucie (ex-Arch Woodmann) est arrivée au moment de la finalisation du disque ? Comment s'est passée la transition ? Vous l'avez choisie pour qu'elle puisse reproduire les chants féminins sur quelques nouveaux morceaux ? Pourquoi elle et comment s'est-elle adaptée ?
Lucie est arrivée début 2017, quelques semaines après le départ de César. La transition a été plutôt limpide, César est venu lui montrer ses parties en répétition, l'ambiance était à la cool. On l'a choisie avant tout parce que c'est une pote depuis un certain moment, et parce qu'on ne voulait pas trop prendre un mercenaire juste là pour faire ses heures. Selon ses dires, elle était assez flattée par cette proposition, du coup elle n'a pas eu le cran de refuser !
La voix féminine sur "Rumors", c'est qui ? Ça fait du bien d'entendre un peu de chant féminin, dommage qu'il n'y en ait pas plus. C'était une volonté à la base ou un pur hasard ?
Il y a trois voix féminines : la sœur de Tim, la copine de Diego ainsi qu'une autre amie de Diego. Tu peux les entendre également sur "Mess" de notre EP Holidays. Par contre, je ne vois pas vraiment comment elles auraient pu arriver dans le studio par hasard ! Sur l'EP et le disque, on voulait juste apporter des sonorités différentes. Je crois qu'au cap du troisième disque, ça se tente. On a donc quelques invités sur le disque : Patricia de Balthazar au violon sur "Home", mon père au sax sur "Forest" et "Mess", et ce choeur féminin sur deux titres.
Du coup, on peut dire avec ce disque que la comparaison avec Wu Lyf est définitivement terminée ? Vous en avez d'autres de nouvelles comparaisons depuis le nouvel album ?
Franchement, cette comparaison avec Wu Lyf a toujours été un peu poussive, et, ayant moi-même pratiqué la chronique musicale via RifRaf, un fanzine de musique malheureusement disparu trop tôt, je me permets de me prononcer sur le journalisme d'aujourd'hui : la presse musicale est quand même au plus bas ces temps-ci : tout le monde parle des mêmes disques, toutes les chroniques se ressemblent, on dirait des dépêches d'agences de presse remaniées avec deux-trois mots en plus (ou en moins, parce qu'il faut faire très court dans la presse hein ! Sinon ça fatigue les lecteurs!), c'est assez affligeant ! Alors voilà, cette comparaison bien merdique (même si on aime bien Wu Lyf - attention ! - ce n'est pas là que le bât blesse) est ressortie à tout bout de champ après qu'un journaliste des Inrocks ou je-ne-sais-quoi a évoqué cette référence dans un papier. Après, on s'est tapés 150 moutons qui nous ont pondu le même article bourré de superlatifs (certains sont même allés jusqu'à utiliser des phrases de notre bio, mot pour mot !), alors voilà à la fin ça nous énerve un peu. C'est pourquoi notre bio actuelle raconte tout et rien à la fois, avec pas mal de touches d'humour : celui qui en copiera des phrases se tirera bel et bien une ogive dans le pied. Sinon pour revenir à ta question, pour ce qui est des comparaisons sur ce disque-ci, ça ne pleut pas, mais on a spoilé le truc en lâchant deux trois de nos références, comme Beck, Suuns, ou les Flaming Lips. On avait trop peur que tous les journalistes se mettent à nous comparer à Bryan Adams ! J'espère que tu n'es pas journaliste, tu me l'aurais dit quand même ?
Est-ce que vous avez composé cet album en pensant à une ouverture vers d'autres continents, pour y jouer notamment ?
Pas vraiment... On compose de la musique en pensant au fait de ne pas faire trop de la merde ! Pour ce qui est des tournées, ça ne guide pas vraiment le sens de nos compositions. On espère juste que les dates vont tomber une fois le disque sorti. On ne va pas se mentir, les dates un peu exotiques sont clairement les plus excitantes !
Les titres de votre EP Holidays, font-ils partie de la même session studio de Sugar high, ou rien à voir ? C'était une manière de faire patienter les fans ?
Oui, on a tout enregistré en deux sessions de dix jours. On avait 15 titres, au final. On voulait faire un EP, mais pas le sortir après le disque. On trouvait ça plus marrant d'avoir ce petit "appetizer" pour les fans, effectivement ! Les 4 titres qui s'y trouvent sont un peu différents, pas moins bons, mais ils se distinguaient un peu du reste, ça nous a permis de faire un disque plus cohérent, je crois.
Pouvez-vous nous parler de l'artwork ? Est-ce que c'est le même dessinateur que l'EP Holidays ?
Oui, c'est mon père qui a réalisé les deux pochettes, même si ce n'était absolument pas la destinée première de ces dessins. On est retombé sur un fanzine auquel il participait à la fin des années 70, avec deux amis à lui. Le truc s'appelait Vanille-Framboise et proposait de la BD inventive et rebelle (et pas du tout classique pour l'époque !) toujours traversée par un ton extrêmement caustique. L'affiche de Holidays a été réalisée avec un de ses acolytes, Christian Staquet, et la pochette de Sugar high était initialement une couv' d'un numéro de Vanille-Framboise. Elle représente le Plan K, une salle de concerts historique à Bruxelles qui a accueilli Joy Division, Cabaret Voltaire, Bauhaus... Tout le gratin de la scène post-punk/new-wave de l'époque, mais aussi d'autres disciplines, comme la danse ou la littérature. William S. Burroughs y est passé à l'époque, par exemple. C'était un lieu ultra arty et assez fascinant qui est très vite entré dans la légende, pas au même titre que l'Hacienda mais on en n'est pas loin.
Les clips qui sont sortis récemment sont vraiment bien travaillés, vous scénarisez tout ?
Les clips de "Hurts" et "Encounter" ont été réalisés avec Manou Milon, un pote à nous. Comme on le connait très bien, le contact était vraiment facile, on a pu « écrire » ça conjointement même si, on ne va pas se mentir, tout ça relève plutôt de l'improvisation. Jusqu'au clip de "Hurts", on n'était jamais apparu très distinctement dans nos vidéos, c'était une manière de sortir du bois avec nos belles gueugueules et de mettre la main à la pâte ! Les clips précédents étaient vraiment des commandes, des cartes blanches laissées à certains réalisateurs.
Y a-t'il des chansons de votre répertoire que vous ne jouerez plus en live ? Et pourquoi ?
Il y a quelques chansons de Patine qu'on n'a quasi jamais jouées, tout simplement parce qu'elles supportaient mal l'épreuve du live. Sinon, on joue de tout : du Patine, du Wounded, du Holidays. Et le set risque de bouger dans les prochains mois, histoire qu'on ne se fasse pas trop chier sur scène ! (rires)
Est-ce que vous êtes interconnectés avec le reste de la Belgique, des groupes de Liège, de Bruges ou même d'Anvers ? Je discutais l'année dernière avec les membres de Dan San, et ils me disaient qu'en Belgique, que les groupes soient Flamands ou Wallons, il y a une vraie entraide, pas de jalousie.
On est surtout en contact avec les groupes bruxellois. Je pense à Robbing Millions, Carl & les Hommes-Boîtes, Animal Youth, Le Colisée, Zoft, Monolithe Noir, Fabiola... Il y a des tas de bonnes choses ici ! Pour ce qui est des groupes des autres villes, il y a une certaine entraide, c'est sûr, mais on se connaît moins bien, on ne se croise pas par hasard au café du coin.
Dernière question qui commence à devenir une habitude chez nous : La suite, c'est quoi ? Les prochaines échéances pour BRNS ?
La suite, c'est toujours pareil : se remettre à composer et tenter de sortir un disque. Et tourner à côté de ça, bien entendu.
Merci à Antoine et à Vincent de Yotanka
Photos : © Geert De Taeye
Publié dans le Mag #31