Révélé sur les planches européennes depuis son premier disque Wounded sorti en 2012, suivi de près d'un premier album ambitieux à l'allure sombre nommé Patine, le quatuor Belge BRNS passe sereinement la troisième phase de son aventure pop à haute teneur en surprises avec un Sugar high magique et sensitif. Largement assez pour le faire rentrer dans la catégorie des meilleurs albums sortis en cette année 2017, cette nouvelle œuvre est la première depuis le départ de César, leur claviériste, parti fonder Mortalcombat avec Sarah Riguelle, son acolyte dans Italian Boyfriend, son side-project établi depuis 2013. Bien qu'ayant participé à la composition de ce dernier disque, il a été remplacé depuis par Lucie, ex-claviériste/guitariste chez feu Arch Woodmann, ainsi BRNS reste paré pour porter haut la voix de la pop harmonieuse et fantasque belge.
Soigné aux petits oignons avec le support de Tommy Desmedt (The Tellers, Girls In Hawaii), les dix titres de Sugar high défrichent les sentiers pas encore assez battus de la musique pop hybride, celle qui ose les patchworks gracieux et distingués (au pif : électro, synth-pop, rock bricolé, post-rock), celle qui aime rebattre les cartes en se permettant de rendre délectable des structures qui pourraient s'avérer casse-gueule à la première écoute. BRNS a retenu visiblement la leçon de son exigeant et (trop ?) homogène Patine pour choisir le parti pris d'une formule plus rentre-dedans, plus directe et limpide en quelque sorte, de façon à éveiller les sens de chacun tout en offrant cette chance de pouvoir se dandiner sérieusement sur leur musique.
Et dès les premières minutes du disque, on est déjà comblé par la force de frappe émotionnelle de "The rumor" (oh, tiens, des voix féminines ! Dans le mille, ce choix) puis de la trépidante "Pious platitudes". Ça démarre très fort, la suite n'est que confirmation : "Ishtar" mêle imaginaire romantique, harmoniques crues, et effets excentriques ; "The missing" respecte les formats pop plus classiques tout en restant intensément vibrante ; "Damn right" sommeille en mettant en œuvre les claviers du groupe ; les sons de synthés et la voix de tête agaçante à la longue d'"Encounter" font de lui l'un des titres les plus tourmentés avec "Sarah", sorte de Bon Iver version 22, a million ; "Forest", rituel pop divin, éclaire le génie de BRNS qui enchaîne en versant toute sa mélancolie sur "Sunday afternoon", à en chialer, puis vient clore Sugar high par des mélodies cristallines disparates ouvrant "So close" qui se mutent en magma sonore bourdonnant donnant la parole à des chœurs perdus dans l'espace. C'est purement jouissif et le pire c'est qu'on ne s'y attendait pas. Imprévisible de bout en bout, ce troisième album de BRNS est éblouissant et devrait s'imposer comme une évidence auprès d'un public averti.
Publié dans le Mag #30