Dans la vie d'une formation musicale, nombreuses sont les évolutions qui la traversent. Elles peuvent être à peine décelables (Motörhead ou AC/DC sont les groupes qui me viennent spontanément à l'esprit), mais la majeure partie du temps elles sont bien présentes, c'est ce qui d'ailleurs peut diviser les fans (on les entend souvent d'ailleurs parler d'un "avant" ou d'un "après" suivi du nom de l'album qui marque le ou les changements). Ce n'est pas anodin, à vrai dire, c'est même tout à fait logique puisque l'être humain n'est pas chimiquement fait pour tout aimer. Et puis, il y a une autre catégorie d'évolution qu'on pourrait appeler, sans se casser la tête, une révolution. Soit parce que le groupe change ses membres, ses kits d'instruments, son style musical, son producteur, ou tout simplement sa manière de redéfinir sa créativité. C'est exactement là où se situe BRNS avec Celluloid swamp, son dernier album sorti en novembre dernier chez Yotanka.
Il y a quatre ans, Sugar high montrait déjà les signes d'une volonté de franchir un nouveau palier, de s'éloigner progressivement de cette pop sombre un peu monolithique pour expérimenter de nouveaux amalgames sonores. Et puis, les premiers singles de Celluloid swamp ont commencé à se montrer sur la toile, à commencer par "Familiar". Ce dernier est un morceau assez particulier puisqu'il s'agit d'un titre aux relents électro/hip-hop partagé avec Les Hommes-Boîtes, pas vraiment un registre habituel pour les Bruxellois. J'étais clairement perplexe à ce moment-là, "Suffer" a suivi ce processus de teasing et nous découvrions alors un groupe s'acoquinant avec le RnB. Encore une surprise qui laissait pantois. C'est véritablement avec "Money", troisième single, que j'ai retrouvé un peu le BRNS que j'avais laissé avec Sugar high. Et encore ! Ce morceau me plaît beaucoup car il me rappelle sur certains passages les travaux de Dirty Projectors, une formation qui elle aussi a considérablement changé de visage après Swing lo Magellan. Peu avant la sortie du disque, le superbe clip animé de "Get something" me convainc définitivement de découvrir la suite.
Celluloid swamp est un disque à part dans la discographie de BRNS pour plusieurs raisons qui sont plus ou moins importantes. La première, vous l'aviez surement deviné, c'est son style beaucoup plus coloré et bigarré qu'auparavant (pop, rock, Rn'B, electro, hip-hop...) qui est dû à la fois à la prise de liberté que s'est permis le quatuor et l'élargissement de ses influences. La deuxième raison, et non des moindres, c'est sa production. Enregistré à New-York par Alexis Berthelot, Celluloid swamp a énormément bénéficié du backline du studio G d'où cette mise en avant des claviers et des voix, et il s'agit objectivement du meilleur son qu'ait pu bénéficier le groupe à l'heure actuelle. La troisième raison n'a peut-être pas eu d'influences sur ce disque mais en aura à l'avenir, c'est l'arrivée d'une nouvelle claviériste, Nele de Gussem (Future Old People Are Wizards), dont on peut entendre le talent vocal sur trois morceaux.
Court, efficace et pétillant, Celluloid swamp déroute sur les premiers instants, puis ses couleurs nous charment progressivement. La variété de cette galette permet aussi de combattre une certaine forme d'ennui qu'on peut avoir quand les morceaux deviennent un peu trop consanguins. Mais il est regrettable de faire la fine bouche quand on se fait livrer dans nos écoutilles des superbes compositions tels que "Get something" (cette deuxième partie absolument frissonnante !), le dodelinant "Suffer", la touchante "Inverted", l'indomptable "Profound pressure" ou encore le morceau final entraînant "Off you go daddy".
Publié dans le Mag #50