Bosnian Rainbows Printemps 2012, l'hyper-productif Omar Rodriguez-Lopez rentre chez lui à El Paso (Texas, USA) après une énième tournée avec The Mars Volta. Mais la passion a disparu. Le feu sacré ne brûle plus et quelques dissensions internes sont apparues avec notamment Cedric Bixler-Zavala, son compère de toujours (ils jouent pourtant encore ensemble dans la reformation d'At the Drive-In) mais surtout et c'est là le pire, lui qui est capable de produire pas moins de sept albums solo en moins de quinze mois, s'ennuie. Une seule solution s'impose : dire au-revoir (au moins un temps) à TMV et se lancer dans une nouvelle aventure artistique, avec notamment un autre ex-Mars Volta, Deantoni Parks. Le nom Bosnian Rainbows.

Un album est composé et enregistré en quelques semaines (Rodriguez est du genre productif on l'a dit mais également plutôt rapide, ce qui va souvent de pair) et le projet signe chez Sargent House, le toujours excellent label indé californien hébergeant notamment And So I Watch You From Afar, Boris, Chelsea Wolfe, Daughter, Russian Circles... Un an après la naissance du projet, le premier effort éponyme du groupe paraît, non sans avoir été au préalable précédé par quelques extraits plutôt prometteurs. Et les promesses naissantes se vérifient dès les premières pistes de Bosnian rainbows, entre pop-shoegaze noisy, lunaire et magnétique ("Eli"), indie-rock habité ("Dig right in me") et mix stoner-pop aux effluves punky qui envoient l'auditeur sur orbite ("I cry for you"). Surprise, là où l'on s'attendait à un énième album d'un Omar Rodriguez-Lopez Band ou d'Omar tout seul, le résultat est le fruit d'un vrai travail collectif.

Les morceaux se suivent, ne se ressemblent que peu, mais surtout (et à la différence de nombres de productions du prolixe chevelu), l'album reste étonnamment accessible. Sans pour autant jamais céder aux grosses ficelles du mainstream. Et parfois atteint même des sommets d'efficacité charnelle (le sensuel "Worthless" porté par la voix de Teri Gender Bender (du groupe de punk garage mexicain Le Butcherette), tout en se ménageant quelques espaces de discrètes expérimentations aux circonvolutions psychédéliques ("Morning sickness" ou "Torn maps"). Oublié le joyeux boxon prog' et ses labyrinthes indie légèrement égocentriques surtout quand ils se plaisaient à régulièrement dépasser la barre des dix minutes, Rodriguez s'efface derrière l'identité Bosnian Rainbows est le résultant n'en est que plus étincelant. Même si parfois le groupe en fait un peu trop, surtout quand il se la joue un tantinet trop old-school ("Turtle neck"), il rattrape assez facilement le coup quelques instants plus tard ("Always on the run", "Red"). Très bonne et salutaire "surprise".