Rock Rock > Boris

Biographie > Disco bol (de riz)

Trio japonais sévissant depuis le début des années 1990, Boris est composé d'une femme, Wata (guitare) et de deux hommes : Atsuo (batterie et chant) ainsi que Takeshi (basse, et parfois chant et guitare). Appréciés dans les milieux autorisés, leurs précédents albums (Absolutego, Amplifier workship, Flood et Heavy rocks), drones naviguant entre stoner, noise, doom et psyché ne sont pas les seuls éléments à avoir permis d'asseoir la réputation du trio. Les nippons ont aussi collaboré avec The Dudly Corporation, Barebones, Haino Keiji ou, les plus reconnus Merzbow. C'est aussi à travers quelques compilations et, immanquablement, des concerts dans leur pays ainsi qu'en Europe que la formation s'acharne à promouvoir leur musique hybride, difficilement classable mais d'une qualité incontestable. Boris at last - feedbacker, a été commercialisé en Europe via Conspiracy Records il y a près d'un an, alors que sortait déjà un nouvel album : Akuma no uta. Mieux vaut tard que jamais pour plonger dans un de leur bouillon étonnement maîtrisé et d'une irréfutable originalité.

Boris / Chronique LP > Bright new disease

Boris & Uniform - Bright new disease En 2019, Boris, légende japonaise de la musique heavy, tourne aux USA avec Uniform, formation indus metal noise nord-américaine qui partage le même label qu'eux. Les deux groupes se lient d'amitié. Uniform est fan absolu de Boris, la réciprocité s'est vraiment concrétisée sur cette tournée au sein de laquelle les Japonais ont vu dans leurs camarades de jeu un point commun vraiment important à leurs yeux : celui de n'être cloisonné dans aucun style musical, tant qu'il est profond, violent, et sans concession. Mais ce n'est pas tout, puisque Boris apprécie également chez eux leur envie d'expérimenter et de repousser la limite de leur créativité. À l'été 2020, alors en pleine pandémie coupant court à toute possibilité de tournée, les deux formations décident de partager un studio à Brooklyn afin d'écrire et de mettre en boite un album collaboratif à six (voir plus, si l'on compte la présence de Randall Dunn, producteur et musicien de Master Musicians Of Bukkake, au synthé sur 4 titres, ainsi que de Steve Moore de Zombi et Titan à la basse sur 5 titres). Ce disque de neuf plages voit le jour le 16 juin 2023, grâce à Sacred Bones, et prend le nom de Bright new disease.

Ce "testament d'amitié et d'espoir face à un monde en feu", comme aime ainsi le décrire le vocaliste d'Uniform, Michael Berdan, reflète un peu toutes les émotions qui nous inondent lorsqu'on est isolé par un confinement. C'est au pire un univers qui peut se rapprocher de celui de l'asile, au mieux un brin d'espérance que le cerveau savoure pour ne pas sombrer totalement dans la démence. Quoi qu'il en soit, Bright new disease est, comme son nom l'indique, maladif. Et sombre. Et cette obscurité se manifeste de plusieurs façons. Le morceau d'ouverture et toute première composition née de cette collaboration, "You are the beginning", est un mélange de sauces heavy thrash qu'on retrouve autant dans les Melvins, Slayer ou encore Metallica. Une façon de montrer l'étendue de la technique musicale du mega-groupe. "Weaponized grief" pourrait s'apparenter à une reprise d'un morceau de Discharge par The Dillinger Escape Plan alors que la mystique "The look is a flame" alourdit de manière extrême le rythme pour faire ressortir ses guitares agonisantes. Quant à "Narcotic shadow", c'est un peu le rire nerveux de l'album : les gars lancent sans prévenir une dark (new) wave aux rythmes puissants et sautillants qui n'a rien à voir avec ce que le disque proposait jusqu'à présent. Un coup à perdre l'auditeur.

Plus les titres de Bright new disease se succèdent, plus les influences musicales et la créativité des groupes ressortent. Ce gloubi-boulga, qui peut s'avérer assez saisissant si on ne connait pas le pedigree des deux entités, n'est pas indigeste en soit. Il faut le voir plutôt comme un effet cathartique (Michael Berdan a une santé mentale fragile) où les idées sont désorganisées mais très bien retranscrites à l'image du dernier morceau, "Not surprised", très Earthien dans l'esprit, avec des hurlements en guise d'accompagnement. Si dans un même album, tu souhaites voir se télescoper drone, thrash, doom, sludge, punk hardcore, screamo, death-metal, dark ambient, ou bien new wave, sache que ce disque collaboratif est fait pour toi.

Publié dans le Mag #59

Boris / Chronique LP > W

Boris - W Je ne sais pas pour vous, mais Boris a toujours été pour moi un véritable cauchemar. Non pas parce que j'exècre la musique des japonais - bien qu'elle ne soit quand même pas à la portée de tout le monde, je vous l'accorde, sauf quelques trucs un peu nazes comme New album (coucou Aurelio, si tu lis ça) - c'est juste qu'il est difficile de suivre leur parcours tant le trio est prolifique (allez vérifier sur Discogs, c'est juste impressionnant !). Et comme je suis quelqu'un qui généralement aime prendre le temps de digérer les albums qui éveillent ma curiosité, j'ai eu pour conséquence d'avoir la malheureuse tendance avec le temps de louper une bonne partie des disques qu'ils ont sorti. Heureusement, certains amis me font partager de temps en temps des œuvres de Boris qui selon eux valent vraiment la peine d'y prêter une oreille. Mais qu'ils m'excusent, avec tout ce que j'ai à écouter pour nourrir le contenu de votre cher magazine aux grandes oreilles, il ne m'est pas facile de prendre le temps de me poser pour analyser les disques complexes, variées et aventureux de la bande de Takeshi, Wata et Atsuo. Sauf que là, grosse surprise, Modulor m'a envoyé W, leur dernier disque. Aucune excuse, je me suis donc attelé à l'écoute studieuse de ce nouvel opus avec une certaine appréhension tant le groupe, porté sur les expérimentations, est imprévisible.

Pour comprendre la sortie de W, il suffit de faire un petit retour en arrière. En juillet 2020, le groupe auto-produit No, un album écrit et enregistré dans la précipitation au moment du confinement dans lequel des chansons crust-punk, hardcore et sludge de courte durée reflètent une ambiance noire et violente. Ce dernier se terminait par un interlude laissant ainsi présager d'une suite. Cette suite est donc W, on découvre par la même occasion le nom du dyptique (No + W = Now), et son début reprend exactement là où a fini No. Là où on aurait pu penser que la seconde partie soit aussi violente que la première après cet interlude calme, on est finalement pris à contre-pied avec une partition à l'atmosphère opposée. En effet, W est un recueil de chansons plutôt planantes et reposantes dans son ensemble, clairement inspirée des vagues shoegaze, ambiant voire trip-hop, avec quelques réminiscence drone évidemment, venant parsemer le disque à partir de "The fallen", titre placé pile au milieu du disque.

W évolue progressivement par petites touches nuancées, à l'image d'un réveil difficile et brumeux dans lequel s'expriment conjointement la lourdeur et la lenteur dans un espace aérien dominé par des guitares expressives et la voix doucereuse de Wata. Pour ses 30 ans, Boris signe ici une œuvre concluante et (presque) surprenante.

Publié dans le Mag #51

Boris / Chronique LP > New album

Boris - New album Jamais là où on les attend, les furieux nippons de Boris livrent avec New album, un... nouvel album (le troisième à sortir en cette année 2011 plutôt prolifique pour eux donc) d'électro-synthé-pop ultra-"commerciale". Enfin, c'est ce que laisse supposer l'inaugural "Flare" qui sonne comme une mauvaise blague faite par le groupe à son auditoire invisible. Sauf que "Hope" poursuit dans la même veine et que "Party boy" joue avec son electro putassière vs J-pop pour adolescentes en fleur. Là, on retire l'album du mange-disques et on se demande assez légitimement s'il s'agit bien du même groupe qui a signé quelques mois plutôt Attention please puis Heavy rocks.

Malheureusement la réponse est positive et alors que l'on se demande si Kylie Minogue va débarquer son mètre cinquante sept pour jouer les guests sur l'album, les japonais enchaînent. Tant que ce n'est pas Britney vous me direz... Mais quand même, à part son intro drone-rock intense, "Luna" se fout royalement de la gueule de l'auditeur et "Spoon" peut décimer des hordes entières de diabétiques. On est à des années lumières du cocktail rock dur/stoner/expérimental/sludge/drone auquel on a été habitué, mais là n'est pas vraiment le souci. Le problème, c'est que si une pseudo future "star" préfabriquée par les producteur de n'importe quelle émission de real-TV sortie du caniveau peut sortir un album pareil. A priori, pas Boris. Sauf là. A tel point qu'près six titres sur dix, on abandonne. Quand c'est Muse, on peut envoyer des vannes mais là on parlait d'un truc crédible. Non parce qu'il faut quand même se farcir une fois "Jackson head" pour se rendre compte de l'énormité du truc et comprendre qu'en fait, Boris a simplement de nouveau envie de venir aux soirées.

Boris / Chronique LP > Heavy rocks

Boris - Heavy rocks Heavy rocks ou l'album qui porte parfaitement bien son nom. Sortie en même temps qu'Attention please, toujours chez Sargent House, ce disque en est le pendant saturé, lourd et gorgé de rock dur jusqu'à plus soif. Plus question de sensualité et de séduction, ici le trio nippon fait parler la poudre et foudroie les amplis à coups de "Riot sugar" bien cinglant ou de "Galaxians" speedé et complètement halluciné. Joyeusement bordélique, l'album passe d'un titre suave et ténébreux ("Leak - Truth, Yesnoyesnoyes -") à un "Jackson head" furieusement testostéroné et bordé de quelques bizarreries psychées qui rendent l'ensemble bien déjanté. Frondeur aussi quand les guitares, opiniâtres, défoncent les cloisons pour retaper le studio du sol au grenier. Ou plus noise bruitiste sur un "Missing pieces", fleuve (treize minutes et des poussières tout de même), tantôt apaisé, tantôt extrême dans son approche drone hardcore monolithique.

Un formidable interlude, aussi bref qu'hypnotisant, plus tard ("Key") et revoici que les japonais repartent à l'assaut des enceintes, les guitares au taquet et l'envie d'un découdre qui crève le plafond ("Window shopping"). C'est rock, c'est punky, c'est heavy et ça pulse bien comme il faut. Et comme en plus ça fuzz dans tous les sens, on en prend plein les mirettes. Pop très électrique ("Tu, la la" > certes, ils ne sont pas trop trituré la soupière sur les titres), post-noise dantesque et fleuve ("Aileron") ou doom-rock power noise en roue libre ("Czechoslovakia"), Boris jongle avec les étiquettes musicales que l'on voudra bien lui apposer et se plait à ne jamais faire deux fois ce qu'il a déjà fait. Petite ironie de l'histoire, le groupe avait paradoxalement déjà sorti un album intitulé Heavy rocks il y a quelques années, mais qui n'a pour ainsi dire rien à voir avec le disque présentement chroniqué. Mais qui était déjà génial. Si ce n'est pas la classe ça quand même...

Boris / Chronique LP > Attention please

Boris - Attention please C'est bien connu : l'asiatique est bosseur. Oui, c'est un cliché. Mais dans le cas de Boris, trio nippon aussi prolifique que doué, ce n'est pas un adjectif, juste un constat. Une petite cinquantaine de sorties (albums, rééditions, EP, splits, compilations de démo et autres collaborations avec Keiji Haino, Merzbow ou Sunn O)))), ça vous pose un groupe quand même. Pas étonnant donc que les japonais (attention vanne) refusent de brider leur créativité en se retenant de sortir deux albums en même temps. Attention please, présentement chroniqué est donc sorti le même jour que Heavy rocks, lequel porte d'ailleurs le même nom qu'un autre album de Boris sorti quelques années plus tôt mais qui n'a rien à voir avec celui de 2011 (c'est bon tout le monde suit ?).
Jamais à une particularité près, le trio aime donc varier les plaisirs comme les participations diverses et variées et à ce petit jeu-là, Attention please se distingue des autres productions du groupe puisque c'est le seul enregistrement sur lequel Wata, officie réellement comme chanteuse. Et le résultat est plus que remarqué, l'inaugural morceau-titre regorgeant de sensualité rock en même temps qu'il distille quelques fugitives mélodies pop psychédéliques, intemporelles et électrisantes. 5'13 d'un pur bonheur sonique auxquelles succèdent des tubes super-noïsiques au riffing aussi abrasif que salvateur, sur lesquels Boris place des claviers qui donnent un côté electroclash qui retourne les enceintes ("Hope", "Pary boy"). Mais jamais avare en expérimentations et autres petites bizarreries originales, le groupe aime aussi dérouter l'auditeur en proposant des pièces aussi étranges que "See you next week", enveloppé d'un brouillard bruitiste intrigant au travers duquel la voix de Wata résonne comme un lointain écho.
Et lorsqu'ils reviennent aux fondamentaux rock, les nippons saturent l'atmosphère à coups de guitares déglinguées et de mélodies triturées dans tous les sens (implacable "Tokyo wonder land"), comme un The Dead Weather sous acide, le psychédélisme narcotique en plus. Vénéneux autant que fascinant, Boris reste alors fidèle à ses principes de base : surprendre, électriser, attiser les braises de son inventivité et lâcher les chevaux quand bon lui semble : sur "Les Paul Custom 86'" par exemple où ça envoie du gros rock bien tranchant dans les esgourdes, ou au contraire joue le jeu de la séduction avec "You". Le pire, c'est que ça marche et c'est donc complètement hypnotisé que l'on se laisse séduire par cet Attention please, littéralement habité par un trio qui conclue l'album avec douceur et élégance, sur "Spoon" d'abord, sur "Hand in hand". La grande classe.

Boris / Chronique Split > BXI

Boris | Ian Astbury - BXI Vous connaissez le point commun entre le trio drone-doom-rock nippon Boris et la vieille gloire du rock qu'est le chanteur de The Cult ? Oui, non, peut-être ? Pourtant il y en a un : BXI, soit un split EP composé à 8 mains. Ben oui, pourquoi pas ? OK bon sur le papier, ça paraît hautement improbable, surtout s'il s'agit de le sortir chez Southern Lord mais quitte à oser un truc un peu farfelu, autant y aller vraiment. 4 titres au total, dont trois compositions "originales" et une reprise de... The Cult (ben oui...) enregistrées à Tokyo au printemps dernier et voici donc BXI pour un résultat fatalement attendu au tournant. Verdict ?

"Teeth and claws", premier titre de ce split calme d'entrée les ardeurs : ce que l'on craignait d'entendre se réalise malheureusement sous nos yeux. Boris vs Ian Astbury dans ce que cette association artistique quelque peu impromptue a de plus pénible. Soit un mélange d'indie noisy poussif à tendance expérimentale et de rock boursouflé à la grandiloquence crasse. Pas grand chose à sauver, c'est plat, sans âme et le chanteur de The Cult en fait des tonnes pour rien (qui a dit "comme d'habitude ?"). "We are witches" maintenant : le gros riff à la nippone des Boris soulage un peu les tympans légèrement euthanasiés par le premier titre et démontre que les japonais ont définitivement ce sens inné de la marave rock dure, tout comme ils maîtrisent les nappes drone-doom hypnotique. Conclusion : c'est pas mal du tout, mais ça pourrait être carrément brillant si quelqu'un avait quelque part eu la bonne idée de bâillonner tonton Ian.

Et là, alors même que l'on s'attend à subir l'innommable (ou presque), "Rain" : la reprise de The Cult est paradoxalement l'excellente surprise de ce split. Une voix féminine complètement habitée au micro, un son volontairement sous-mixé qui donne un côté cru, DIY et abrupt au riffing des Boris, un son atypique insufflant tout au long du morceau une énergie brute qui met valeur la mélodie en même temps qu'elle contamine son auditoire. On l'a compris, le trio fait très fort et alimente un peu plus sa légende d'iconoclaste de la scène rock expérimentale (mais pas que). On aura au moins eu droit à un titre magistral sur quatre... et ce sera tout. "Magickal child" se chargeant d'enterrer cette collaboration dont on espère ne jamais avoir de suite. Revoici donc Ian Astbury qui vient geindre au micro pendant que les nippons la jouent minimaliste. Au départ, ça chatouille un peu, à la fin ça agace sérieusement. Heureusement au milieu, quelques éclairs post-rock viennent densifier l'ensemble et lui donner une consistance qui tend à démontrer qu'avec un autre chanteur, le rendu final de ce BXI aurait pu être tout autre. Boris Ok, mais Ian peut retourner bêler au micro de The Doors pendant que Jim "Dieu" Morrison se retourne sous sa stèle.

PS : oser sans cesse, prendre tout les risques comme le fait le label Southern Lord (Black Cobra, Sunn O)))), Masakari), c'est plus que louable, ça en devient même salvateur en ces temps d'uniformisation généralisée où règne en maître absolu et incontesté l'art aseptisé pour les masses. Et même si parfois, le résultat est un peu bancal (ou beaucoup), la démarche mérite au moins d'être soulignée. Merci à eux.

Boris / Chronique LP > Boris at last - feedbacker

Boris : Boris at last - feedbacker Boris, groupe nippon ("ni mauvais" s'aventureront les boute-en-train les plus suicidaires) nous a lâché il y a plusieurs mois (en Europe, et deux ans auparavant dans leur pays) une galette cosmique, ébouriffante et ahurissante qui tend à tirer le rock'n'roll vers ce qu'il y a de plus divin. Cette monumentale apoplexie de près de trois quarts d'heure, découpée en 5 pistes, vous bouleversera sûrement de part l'énergie et la maîtrise exceptionnelles qui transparaissent de ce trio peu connu dans nos contrées.
Wata, pendant une dizaine de minutes, explose les conventions, on est au bord de l'anti-musique. Elle inaugure l'album en plaçant son instrument, seul, au centre de toutes les attentions ; larsens frémissants chevauchent vrombissements telluriques, images de canopées succèdent à celles de terres brûlées : le petit bout de femme fait très forte impression. Ensuite arrive la deuxième piste, et l'apparition en filigrane de la batterie d'Atsuo puis de la seconde guitare : celle de Takeshi. C'est alors que le trio se met tranquillement en marche. Un sentiment de faux calme enveloppe l'espace, la douceur est là, c'est certain, mais combien de temps résistera-t-elle ? Impossible de déterminer quand elle cèdera sa place au déchaînement du combo, puisque Boris parvient, pas à pas, à développer un tohu-bohu sans pour autant créer de réelle rupture avec l'instant précédent. Ceci est vrai jusqu'au milieu du mouvement, aux environs de la vingt-cinquième minute (non, vous n'êtes pas devant un match de football !), moment où, comme un seul Homme, le trio fait jaillir quelques effluves venues d'une planète proche de celle de Tool, venant démontrer, une fois encore, le talent des japonais. La basse dont s'est emparé Takeshi vous renverse les viscères, la guitare hurle à la mort, la batterie martèle ses envies d'auto-destruction : le "chaos organisé" est foudroyant de justesse et d'émotion. S'en suit un léger passage, a nouveau aérien, avant de replonger dans une succession d'explosions multiples éclairant la performance, jusque là servie sur un ton très solennel. Les déflagrations de fins de concert de Nirvana ou Sonic Youth font bien pâle figure à coté de ce que jette Boris à nos oreilles lors de la partie suivante.
Les deux dernières pistes servent au groupe à se retirer progressivement, inversement à la manière dont il est apparu, laissant s'échoir larsens improbables et nappes distordues afin de ne laisser filtrer qu'une fine écume inoffensive. Les ultimes minutes que délivre Boris, une sorte de travelling arrière musical, rappellent l'ouverture de l'album, évoquant de cette manière une boucle se fermant sur elle-même et se répétant à l'infini.
Ne croyez pas qu'il s'agisse ici d'une oeuvre exclusivement instrumentale, parfois Takeshi et Atsuo lâchent quelques bribes ou couplets, distillant un chant vaporeux mais persuasif, complétant l'oeuvre d'une touche sensible.
Pour qui la description n'aurait pas vraiment provoqué d'effet, sachez qu'entre Sunn O))), Kyuss, Pink Floyd et Earth, Boris, talentueux combo n'en a pas fini de divaguer sur des terres sacrées, frontalières d'improvisation, d'expérimentation et de contrôle total de déluge sonique.
Toujours est-il que leur drone musical est splendide, on attend que l'appareil se pose dans le jardin pour embarquer avec lui vers des cieux d'une pareille perfection...