En 2019, Boris, légende japonaise de la musique heavy, tourne aux USA avec Uniform, formation indus metal noise nord-américaine qui partage le même label qu'eux. Les deux groupes se lient d'amitié. Uniform est fan absolu de Boris, la réciprocité s'est vraiment concrétisée sur cette tournée au sein de laquelle les Japonais ont vu dans leurs camarades de jeu un point commun vraiment important à leurs yeux : celui de n'être cloisonné dans aucun style musical, tant qu'il est profond, violent, et sans concession. Mais ce n'est pas tout, puisque Boris apprécie également chez eux leur envie d'expérimenter et de repousser la limite de leur créativité. À l'été 2020, alors en pleine pandémie coupant court à toute possibilité de tournée, les deux formations décident de partager un studio à Brooklyn afin d'écrire et de mettre en boite un album collaboratif à six (voir plus, si l'on compte la présence de Randall Dunn, producteur et musicien de Master Musicians Of Bukkake, au synthé sur 4 titres, ainsi que de Steve Moore de Zombi et Titan à la basse sur 5 titres). Ce disque de neuf plages voit le jour le 16 juin 2023, grâce à Sacred Bones, et prend le nom de Bright new disease.
Ce "testament d'amitié et d'espoir face à un monde en feu", comme aime ainsi le décrire le vocaliste d'Uniform, Michael Berdan, reflète un peu toutes les émotions qui nous inondent lorsqu'on est isolé par un confinement. C'est au pire un univers qui peut se rapprocher de celui de l'asile, au mieux un brin d'espérance que le cerveau savoure pour ne pas sombrer totalement dans la démence. Quoi qu'il en soit, Bright new disease est, comme son nom l'indique, maladif. Et sombre. Et cette obscurité se manifeste de plusieurs façons. Le morceau d'ouverture et toute première composition née de cette collaboration, "You are the beginning", est un mélange de sauces heavy thrash qu'on retrouve autant dans les Melvins, Slayer ou encore Metallica. Une façon de montrer l'étendue de la technique musicale du mega-groupe. "Weaponized grief" pourrait s'apparenter à une reprise d'un morceau de Discharge par The Dillinger Escape Plan alors que la mystique "The look is a flame" alourdit de manière extrême le rythme pour faire ressortir ses guitares agonisantes. Quant à "Narcotic shadow", c'est un peu le rire nerveux de l'album : les gars lancent sans prévenir une dark (new) wave aux rythmes puissants et sautillants qui n'a rien à voir avec ce que le disque proposait jusqu'à présent. Un coup à perdre l'auditeur.
Plus les titres de Bright new disease se succèdent, plus les influences musicales et la créativité des groupes ressortent. Ce gloubi-boulga, qui peut s'avérer assez saisissant si on ne connait pas le pedigree des deux entités, n'est pas indigeste en soit. Il faut le voir plutôt comme un effet cathartique (Michael Berdan a une santé mentale fragile) où les idées sont désorganisées mais très bien retranscrites à l'image du dernier morceau, "Not surprised", très Earthien dans l'esprit, avec des hurlements en guise d'accompagnement. Si dans un même album, tu souhaites voir se télescoper drone, thrash, doom, sludge, punk hardcore, screamo, death-metal, dark ambient, ou bien new wave, sache que ce disque collaboratif est fait pour toi.
Publié dans le Mag #59