Boris - W Je ne sais pas pour vous, mais Boris a toujours été pour moi un véritable cauchemar. Non pas parce que j'exècre la musique des japonais - bien qu'elle ne soit quand même pas à la portée de tout le monde, je vous l'accorde, sauf quelques trucs un peu nazes comme New album (coucou Aurelio, si tu lis ça) - c'est juste qu'il est difficile de suivre leur parcours tant le trio est prolifique (allez vérifier sur Discogs, c'est juste impressionnant !). Et comme je suis quelqu'un qui généralement aime prendre le temps de digérer les albums qui éveillent ma curiosité, j'ai eu pour conséquence d'avoir la malheureuse tendance avec le temps de louper une bonne partie des disques qu'ils ont sorti. Heureusement, certains amis me font partager de temps en temps des œuvres de Boris qui selon eux valent vraiment la peine d'y prêter une oreille. Mais qu'ils m'excusent, avec tout ce que j'ai à écouter pour nourrir le contenu de votre cher magazine aux grandes oreilles, il ne m'est pas facile de prendre le temps de me poser pour analyser les disques complexes, variées et aventureux de la bande de Takeshi, Wata et Atsuo. Sauf que là, grosse surprise, Modulor m'a envoyé W, leur dernier disque. Aucune excuse, je me suis donc attelé à l'écoute studieuse de ce nouvel opus avec une certaine appréhension tant le groupe, porté sur les expérimentations, est imprévisible.

Pour comprendre la sortie de W, il suffit de faire un petit retour en arrière. En juillet 2020, le groupe auto-produit No, un album écrit et enregistré dans la précipitation au moment du confinement dans lequel des chansons crust-punk, hardcore et sludge de courte durée reflètent une ambiance noire et violente. Ce dernier se terminait par un interlude laissant ainsi présager d'une suite. Cette suite est donc W, on découvre par la même occasion le nom du dyptique (No + W = Now), et son début reprend exactement là où a fini No. Là où on aurait pu penser que la seconde partie soit aussi violente que la première après cet interlude calme, on est finalement pris à contre-pied avec une partition à l'atmosphère opposée. En effet, W est un recueil de chansons plutôt planantes et reposantes dans son ensemble, clairement inspirée des vagues shoegaze, ambiant voire trip-hop, avec quelques réminiscence drone évidemment, venant parsemer le disque à partir de "The fallen", titre placé pile au milieu du disque.

W évolue progressivement par petites touches nuancées, à l'image d'un réveil difficile et brumeux dans lequel s'expriment conjointement la lourdeur et la lenteur dans un espace aérien dominé par des guitares expressives et la voix doucereuse de Wata. Pour ses 30 ans, Boris signe ici une œuvre concluante et (presque) surprenante.