Bonbon Noir, c'est un collectif créatif qui propose un roman, des illustrations et bien sûr de la musique. Si les racines du groupe s'appellent Flying Pooh, il y a peu de points communs musicaux entre les deux entités, on est ici en plein territoire seventies où la douceur du psychédélisme a des effets psychotropes.
Le voyage commence dès la découverte de l'objet, un vinyle 10 pouces couleur "or" (dans l'intention du moins, car on peut aussi qualifier ce jaune de "caca d'oie malade") où Anita trône en maîtresse des flammes dans un New York dévasté par la crise de 1929, l'avarice et la folie. Le roman traite de la mort dès son introduction, ainsi soit-il, la ligne de vie d'Anita fricote avec la faucheuse mais son bonbon noir autour du cou, elle va découvrir de nombreux mondes (ceux des bijoux ou des livres étant plus enviable que celui du Borderline), les deux premiers morceaux sont plein d'allant, d'entrain, ce sont les mouvements qui portent l'héroïne jusqu'au Nord de Manhattan pour quelques chapitres qui ne sont pas ici mis en musique. Psyché-Pop garnie de quelques synthés, on flirte avec l'esprit des années 60. Le ton se durcit, l'atmosphère s'assombrit alors que l'histoire de notre incendiaire reprend en Irlande avec la douce voix de Stéphanie, cette île ("Bullrock island") battue par les vagues de l'Atlantique est un havre de paix puis l'épicentre du Bonbon Noir en tant que concept où sont conviés les artistes, un manoir hanté par des rescapées affranchies de toutes les règles de la vie sociale leur préférant la cuisine fine, la poésie, le whisky et la musique telle cette guitare qui domine totalement "Recknox's lament". Les instruments sont à la fête, Sat (pseudo derrière lequel se dissimule (un peu seulement) Laurent) les laisse exprimer leurs envies d'ailleurs, ils gonflent les voiles vers la fin de l'EP, une fin épique où les sonorités chères à Ennio Morricone remplacent celles prisées par Pink Floyd.
Pas de cow-boy s'éloignant face au soleil couchant pour terminer le récit, on est plus dans l'hallucination collective sur l'île irlandaise, mais un joli titre qui clôt ce premier chapitre des aventures d'Anita sur une note d'espoir (ce n'est pas forcément aussi réjouissant dans le roman) et l'idée que Bonbon Noir réussit à nous faire voyager, dans l'Histoire, dans l'histoire d'une jeune fille blackboulée par ses rêves, dans un monde où les influences cohabitent sans être mises en compétition, un monde ouvert à tous les vents, à toutes les excentricités qui dans ce décor deviennent la normale.
Publié dans le Mag #45