Bon Iver - 22, a million Si Bon Iver est certes un groupe, c'est avant tout une formation incarnée principalement par le charismatique Justin Vernon. Dix ans après des débuts sur les chapeaux de roue (le raz-de-marée For Emma, forever ago), le chanteur, et auteur-compositeur exclusif du groupe, a cependant choisi d'attendre cinq années avant d'offrir ce troisième album.

Très marqués par la religion, dans leurs thèmes ou leurs atmosphères, les titres surprennent d'emblée par leur grande richesse instrumentale : cordes, cuivres, synthétiseurs, percussions, programmations, tout y passe. Bien difficile, donc, d'apposer une étiquette globale et définitive sur ces dix pistes qui oscillent entre folk orchestrale (« 29 #Strafford APTS »), performance a cappella (« 715 - CR∑∑KS »), ballade très 80's (« 8 (circle) »), ou simple piano-voix (« 00000 Million »). Le tout à chaque instant magnifié par la voix de Vernon, profondément vocodée, mais jamais robotique ; c'est (aussi) là le génie de cet album.

Assez vite on commence à apercevoir la belle ambition de 22, a million : le disque pose un nouveau jalon sur la route de l'expérimentation grand public. En vérité, et au risque d'avancer des comparaisons bancales, on a presque l'impression d'écouter le « The dark side of the moon des années 2010 ». Soit une production très actuelle et subtile, qui semble avoir volontairement pioché dans les techniques à l'oeuvre au sein des dernières productions de Kanye West notamment. Un mélange de sampling et de sons plus agressifs qui ne doit rien au hasard, Justin Vernon ayant collaboré sur Yeezus, entre autres, en 2013. Cette volonté de collage bruitiste connait d'ailleurs son apogée sur « 33 "GOD" » (un clin d'oeil à « I am a God »?), titre évoluant sans complexe entre synthétiseurs évanescents et rythmique lourde et saturée.

C'est clairement cette recherche sur le son, assez extrême, qui peut dérouter de prime abord. À l'image de sa pochette ou de ses titres, l'album se veut ouvertement énigmatique, donc parfois dur à déchiffrer (« 21 M◊◊N WATER », « 10 d E A T h b R E a s T ⚄ ⚄ »). Il n'en reste pas moins qu'en dépit des (rares) critiques ou des éloges parfois démesurées qu'on a pu lire ça et là depuis sa sortie en septembre dernier (oui, on a un retard monstre !), 22, a million s'avère terriblement addictif, et franchit aisément le cap des 5, 10, 15, 20 écoutes... La marque d'un très grand disque.