Blueneck - Repetitions En matière de post-rock anglo-saxon, derrière l'incontournable icône Mogwai, les formations contemporaines fourmillent depuis quelques années, s'éloignent de cette figure de marque incontournable et livrent quantité de disques tous plus réussis les uns que les autres. Jusqu'à faire du Royaume-Uni l'un des principaux pourvoyeurs de talents en la matière. Blueneck, Her Name is Calla, iLiKETRAINS, Yndi Halda et quelques autres sont de ceux-là. Les premiers-nommés, qui nous concernent aujourd'hui, ont déjà livré deux albums de haute volée (Scars of the Midwest et The fallen host), via Denovali Records, alors que sort ce Repetitions, toujours chez la même crèmerie, un disque à l'artwork sombre mais serti de deux cerfs dorés. La fameuse mode du cerf sur les albums, plutôt orientés postcore d'ordinaire, a encore frappé...

Que l'on se rassure, Blueneck n'a pas réellement changé ou plutôt s'il l'a fait, c'est pour aller plus loin vers les cimes du post-rock, déjà explorées par le passé, jusqu'à atteindre une intensité nouvelle. "Pneumothorax", première des neuf pièces que compte l'album, ne fait qu'en marquer l'évidence. Une longue intro au piano bercée par la voix brisée de son vocaliste, on vacille déjà et voici que le collectif anglais prend tout son temps avant de s'en aller tutoyer des sommets d'amplitude émotionnelle. Il a raison. Un crescendo d'une densité sensorielle incroyable, l'âme qui se déchire, traversée de parts en parts par ces torrents de mélancolie douloureuse et un climax étourdissant, Blueneck vient de marquer la scène post-rock de son empreinte. Et ne compte pas s'arrêter là. "Sawbones" le suit en promenant sa fragilité cristalline avant de s'offrir un nouveau grand-huit sur lequel les instruments s'entrechoquent pour aboutir à une nouvelle merveille de post-rock, maladif certes mais sublime.

Les morceaux se suivent et la formation anglo-saxonne poursuit cette exploration d'une âme qui semble s'être perdue dans un océan de larmes, hantée par ses fantômes intérieurs et au loin, à travers la grisaille, essaie de trouver des raisons d'entrevoir quelques motifs d'espoir à travers ce voile de déprime ambiante (le cafardeux "Venger", le très beau "Sleeping through a storm" et ses fulgurances lumineuses). "Una salus victus" fait figure de respiration minimaliste de par son ascétisme et l'économie d'effets qu'il procure, pour mieux s'effacer derrière l'un des bijoux de ce Repetitions : "Ellipsis", portée par des cordes qui emportent de nouveau l'auditeur vers son apogée, un zénith émotionnel que peu de groupes ont atteint jusqu'alors et qui ne fait que rendre le troisième opus de Blueneck plus précieux. Un album qui, avec le si bien nommé "Barriers down" et jusqu'à "The last refuge", malgré une orientation folk plaintive un peu trop appuyée sur ce dernier, réussit le coup de maître d'être un petit chef-d'œuvre quasiment de bout en bout. Et au moment de boucler cette boucle, les anglais livrent une ultime pépite avec "Lopussa"... énième preuve d'élégance d'un album à nul autre pareil. Merci.