Son nom résonnait autour de moi depuis la mi-2000 et la sortie de son St. Slide, repéré à l'époque par mon cercle de "blueseux", et voilà que presque "par accident" je tombe sur son treizième album studio nommé Heavy gauge. Le passé vous rattrape souvent et Bjørn Berge n'échappe pas à la règle. Le plaisir est non dissimulé, d'autant plus que j'ai toujours été passionné par les bluesmen en solo présentant un trait de caractère prononcé, à commencer par cette voix rauque en ce qui concerne le Norvégien. Un peu comme si Clutch passait en mode acoustique (tiens, encore un groupe qui m'a été présenté à la même période par mes "blueseux"), car Bjørn Berge est principalement connu pour jouer débranché même si son précédent disque (Who else ? sorti en 2019) ne l'était pas. Si Bjørn Berge n'est pas né sur la terre du blues et du heavy-rock, il en maitrise bien évidemment tous les codes si bien qu'on le confondrait presque naturellement avec un bluesman américain, et pourtant la Scandinavie compte un certain nombre de bluesmen (citons le suédois Bror Gunnar Jansson). Le pire, c'est qu'il connait un certain succès aux États-Unis, et ce n'est pas tant étonnant.
Pour les gratteux, le terme Heavy gauge a un sens puisqu'il s'agit de l'un des tirants (diamètre) de cordes le plus gros. Bjørn Berge annonce donc la couleur avant même que l'on découvre cette œuvre de neuf titres dépassant la demi-heure : c'est lourd et intense ! Cet album réalisé avec une 12 cordes m'a fait l'effet d'une œuvre composée pour une version électrique, tant il sonne "rock", un peu comme si ton pote te présentait ses compos heavy rock en acoustique avant de les enregistrer en studio. Ce n'est pas surprenant car jouer de la 12 cordes avec un tirant aussi gros et des attaques de bûcheron, comme lui seul sait le faire permet de jouer, quasiment pour deux. Ça résonne fort et "Rip off", joué avec un groupe (Kim Christer Hylland à la batterie et Kjetil Ulland à la basse), est un parfait exemple de la puissance du jeu du Norvégien. Ça tape du pied pour battre la mesure, tel un bluesman envouté par sa propre magie, mais Bjørn sait aussi la jouer relâché en mode crooner-folk avec "Bound to ramble" relevant toute la poésie du monsieur, ou sur la mélancolique et subtile "Straydog". Des titres permettant de libérer la nervosité pour mieux repartir sur les rails à fond la caisse. Les titres de ce Heavy gauge sont vraiment composés pour marquer les esprits, compacts et entêtants, ils sont dotés d'ambiances variées (blues, folk, métal acoustique, rock...) ce qui lui confère un charme absolu. À consommer sans modération.
Publié dans le Mag #49