bison bisou Bison Bisou a suscité un emballement médiatique très tôt sans véritable "album", tous les groupes n'en bénéficient pas, comment l'avez-vous vécu ?
Cette "couverture médiatique" dont tu parles, ça reste du bonus, un coup de pouce. Si ces petits coups de projos n'avaient pas eu lieu, on aurait tracé notre route quand même. On a tous eu des groupes avec lesquels on a tourné avant Bison Bisou, et on est plutôt autonome là-dessus, on sait comment ça fonctionne, on sait monter nos tournées etc, parce qu'on vient de cette culture indé, du "fais-le-toi-même", pas de celle des tremplins et des articles de presse élogieux alors que t'as pas 3 concerts dans le rétro, dont 2 à Paris devant le gratin de la presse musicale. Donc on s'est toujours dit que c'était super d'avoir une visibilité, mais on a le recul pour ne pas imaginer que ça suffira à faire le taf. Si tu n'es pas un minimum sur la route et que tu fais pas les choses avec une foi inébranlable, l'emballement médiatique ça reste des mots qui s'évaporent très vite. Surtout aujourd'hui, les choses bougent rapidement, avec le net, les réseaux sociaux. Le seul véritable emballement qui compte, c'est celui des gens qui viennent te voir, parce qu'ils n'ont eux aucun intérêt à dire aux autres que ton groupe est génial ou merdique, quand - et si - ils te le disent, c'est gratuit et sincère, c'est pas pour leur boulot, et c'est cet échange avec l'autre qui nourrit pas mal de nos actes.
Le petit emballement qui a eu lieu au début du projet nous a toujours posé question. Combien ont pu parler de nous parce qu'ils ont trouvé ça vraiment cool, et combien ont juste relayé parce que leur voisin disait que c'était cool et que du coup ils devaient faire de même. Bon là, on a l'air de dire que tous les journalistes ou bloggers sont des pourris, mais bien sûr que ça n'est pas ça. C'est juste que tu vois vite qui s'investit vraiment dans son papier et qui relaie pour la forme. On a eu la chance d'avoir dès le début de véritables soutiens et de l'intérêt de personnes engagées et sincères dans leur démarche, et forcément on doit beaucoup à ces personnes. Que ce soit des journalistes indés ou locaux pour la presse web et papier, des animateurs radios ou des directeurs d'antenne, c'est bon de constater que des nanas et des mecs se bougent encore et toujours le cul, en dépit de tout, et participent à véhiculer la musique indé, sans autre intérêt que ce pur plaisir de partager des choses avec les gens.

Est-ce que les modifications du line-up ont ralenti la croissance du groupe ?
Pas vraiment. On a toujours gardé nos objectifs, et nos envies. On n'est pas du genre à baisser les bras ni à se laisser envahir par des choses négatives. Si on sent que quelqu'un ou quelque chose risque de mettre en péril l'équilibre du groupe, ou le projet de manière générale, alors on se serre les coudes et on met les bouchées doubles. Le groupe a pris beaucoup d'importance dans nos vies ces dernières années, et toutes les épreuves qu'on a traversées nous ont fait gagner en cohésion, humainement parlant. Même si on a eu pas mal de changement de line-up, ça a chaque fois été bénéfique, ça nous a poussé à évoluer, à penser différemment, à se rendre compte de certains de nos défauts.

Ca a quand même retardé la sortie du premier album attendu...
Peut-être que l'album aurait pu sortir un an avant, mais il aurait sûrement été très différent, alors on n'a aucun regret. On a accouché de ces 11 titres dont on est très fier, on a le sentiment d'avoir avancé sur plein de niveaux et c'est ce qui compte. On n'a pas un tableau avec des dates et une médaille pour l'employé du mois. On a des envies à réaliser, on s'y colle en faisant en sorte de maintenir un cap, si quelque chose se met en travers de la route, on fait en sorte de garder ce cap sans endommager le bateau, et s'il faut prendre un mois ou plus pour y arriver, alors on fera ce détour nécessaire. On aime faire les choses bien, et on ne laissera rien ni personne nous empêcher d'y arriver.

A l'approche de la sortie de ce premier album, vous avez ressenti une "impatience" de la part des médias ?
Plutôt de la part des gens qui nous suivent en fait. Mais des médias pas vraiment. Je crois que les médias étaient plus curieux quand on a commencé à plancher sur Regine, notre premier EP. Parce que ça faisait un moment qu'on avait annoncé la sortie d'un disque et que pour des tas de raisons ça tardait un peu. Finalement l'album est arrivé assez vite derrière l'EP, et après avoir tourné un an et demi Bodysick est venu sans période creuse.
On s'est vraiment collé dessus à partir d'avril/mai 2016, entre les dates, et on a travaillé très dur pendant 6 mois. Ça a été enregistré, mixé et masterisé dans la foulée entre novembre et début janvier 2017, puis ensuite juste le temps de lancer la fabrication et voilà.
Mais pour le moment on a plutôt de bons retours d'un peu partout et on est super content, c'est plutôt une belle surprise. C'était une période de travail intense pour nous tous, on a vraiment beaucoup donné sur ce disque, alors c'est toujours plaisant de lire de jolis mots à son propos. C'est aussi intéressant de lire des choses moins bonnes, parce que ça permet de garder du recul, et d'être constructif. Là on commence déjà doucement à se mettre à bosser sur de nouvelles choses.
L'expérience du studio sur ce disque nous a énormément motivé, on a beaucoup aimé travailler avec Amaury, et ça nous a laissé entrevoir de nouvelles choses qu'on a hâte d'expérimenter.

bison bisou Justement, pourquoi avoir choisi d'enregistrer avec Amaury Sauvé ?
On avait 2 critères quand on a commencé à réfléchir à l'enregistrement de Bodysick. La volonté d'enregistrer live en pouvant isoler les sources - ce qui n'avait pas été possible pour l'EP - et l'envie de travailler avec quelqu'un qui s'implique vraiment dans l'enregistrement et qui suive le projet dès les maquettes. Quelqu'un avec qui on puisse travailler réellement main dans la main, une sixième oreille, qui nous enregistre bien sûr, mais qui fasse aussi un travail de production, dans le sens où il nous accompagnerait à mettre en forme nos envies. De notre côté, on lui laisserait un peu de place en étant à l'écoute de ses critiques, ou de ses idées sur nos morceaux.
On nous a rapidement parlé de The Apiary Studio à Laval, dont Amaury Sauvé tient les manettes. On connaissait un peu son travail par le biais de certains groupes qu'il a enregistrés et nos amis de Corbeaux, avec qui on avait partagé une date pendant la tournée de Regine alors qu'ils venaient justement d'enregistrer là-bas, nous ont convaincus que c'était l'homme de la situation. On est passé le voir un jour où on jouait à Laval et on s'est bien entendu. C'était aussi important pour nous de travailler avec quelqu'un qui comprenne ce que l'on fait, là où on veut aller, et qu'il y ait une entente humaine. Quand tu passes du temps sur un projet qui implique d'être créatif, à l'écoute, et pour lequel tu sais que tu vas donner beaucoup de temps et d'énergie, physiquement et mentalement, c'est capital de baigner dans une atmosphère sereine.
D'ailleurs on a sorti une micro-édition avec plein de photos de nos potes Ronan Thenadey et Yannick Lagier où on raconte un peu tout ça. On voulait que ce temps soit documenté, garder une trace qui ne soit pas juste une vidéo perdue dans les chaînes Youtube. C'était important pour nous de raconter cette phase, cette partie de la vie d'un groupe qui reste souvent entre les murs et dont personne ne parle réellement.

Vous accordez beaucoup de soin au son, il y a eu des changements importants une fois en studio ?
On a surtout bossé en amont justement. Pour avoir un son qui soit défini, "prêt-à capter" une fois arrivé en studio. Du moins pour le son du groupe, parce que c'est la base, la source qui servira de matière au disque. Après bien sûr en studio il y a une deuxième étape : comment on affine ce son, et comment en faire un disque. Et ça c'est le gros travail que l'on a fait avec Amaury.
Durant l'année qui a précédé l'enregistrement, on s'est pas mal penché sur notre son, on a pas mal expérimenté au local à essayer ce qui conviendrait le mieux pour ce qu'on voulait faire. Donc ça passe par des changements d'amplis, de guitare, des tas de pédales qu'on a essayées, remplacées... Jusqu'à ce que le son de chacun soit meilleur, plus affirmé, et que l'ensemble forme un tout cohérent. Et c'est important d'avancer là-dessus en gardant toujours en tête l'équilibre global, un peu "chacun pour soi tous ensemble" quoi.
Donc quand on est arrivé au rec, on avait déjà travaillé sur comment ça doit sonner. Le taf d'Amaury a été de capter le son du groupe, et parfois de modifier des choses pour aller encore plus dans le sens que l'on avait défini. Ça va de changer une peau de grosse caisse pour avoir plus d'ampleur, à opter pour telle cymbale pour gagner en définition, en passant par une pédale pour exagérer un caractère. Ça passe par des petites choses comme ça, mais c'est cet ensemble de détails qui fait qu'à la fin tu n'as rien négligé, de l'instrument à la captation sonore, et que tu as mis les meilleurs ingrédients que tu pouvais pour ton album. On a beaucoup appris de cette exigence. Ça touche aussi à la façon dont tu joues, et on a dû corriger certaines mauvaises habitudes pour se rendre compte de l'impact que cela pouvait avoir sur notre son, et par conséquent aussi sur le rendu de la performance que tu dois donner pour rendre au mieux l'intention des morceaux.

Vous avez ajouté des prises que vous ne pourrez pas faire en live ?
Tout a été enregistré live, même le chant, sans aucun overdub. Après il y a quelques ajouts, mais de l'ordre de l'arrangement, c'est plutôt des textures que des parties autres qui viennent se doubler ou apporter une nouvelle ligne mélodique ou harmonique. Tout ce que tu entends a été joué à cinq, en même temps. C'était le gros challenge de ce disque. C'était déjà le cas sur l'EP, mais là on a poussé l'exigence beaucoup plus loin. L'idée c'était vraiment de capturer une performance, de prendre le meilleur de nous cinq quand on est ensemble, et c'était hors de question de rattraper un foirage d'untel après une prise en enregistrant par dessus. Donc on a joué et joué les morceaux, jusqu'à ce qu'on soit satisfait et qu'ont ait le meilleur. Enregistrer comme ça en live inclut que tout le monde donne tout, à chaque prise. Donc la fatigue se fait vite sentir, et tu es parfois tenté de dire "c'est bon" par manque de recul. C'était hyper important de travailler avec Amaury pour ça, parce qu'on pouvait compter sur quelqu'un en qui on avait confiance, et qui serait en mesure de nous dire quand il fallait s'arrêter parce qu'on avait ce qu'il fallait, mais aussi de nous pousser dans nos derniers retranchements quand il estimait qu'on pouvait mieux faire.
Il n'y a qu'un morceau, "Cinephilia", qui a échappé à ce processus. Pour nous c'était un morceau différent dans l'écriture et on voulait que ça le soit aussi dans la façon de l'enregistrer. Donc on est entré en studio avec ce titre encore volontairement en chantier, on voulait voir ce qui allait se passer sur place et comment on pourrait le mettre en boîte. On savait aussi qu'on voulait un son différent pour chaque instrument. C'était hyper stimulant de finir ce morceau en studio, d'autant plus qu'on était limité dans le temps et ça nous donnait une contrainte supplémentaire. On a utilisé des amplis différents, on a énormément expérimenté sur le son de batterie au mixage, traité la voix d'une autre manière... À l'inverse des autres titres, ça n'avait aucune importance de jouer ce titre entièrement live, même si le squelette du morceau a été fait comme tel. On pensait davantage au son qu'on voulait lui donner, et à son caractère un peu à part. On s'est dit "s'il est différent, alors faisons-le différemment, ça ne pourra que lui donner plus de caractère."

Bison Bisou - Bodysick A quel moment, décidez-vous de figer un titre et de ne plus lui apporter de folies ?
En général c'est quelque chose qui se fait assez simplement. Quand tout le monde est content en gros ! On a une façon très collégiale et démocratique de travailler, ce qui fait que si quelqu'un trouve qu'un truc n'est pas encore à sa place, on se dit qu'il a sûrement raison et on continue à essayer des choses, à peaufiner. Si c'est ok pour tout le monde, alors c'est que le morceau roule. Mais là encore, au studio, on s'est rendu compte que certains morceaux qu'on pensait terminés ne l'étaient pas. D'avoir l'avis d'Amaury, qui mettait le doigt sur certaines choses, ça met ton travail en perspective et tu te dis que oui, peut-être que ça, ça pourrait être mieux, que cette partie n'est peut-être pas utile, que ce morceau est trop court, ou trop long, etc.
Un mois avant d'enregistrer, on a passé trois jours au studio en pre-prod. On a enregistré tous les titres de manière très simple, un micro par instru, et on a passé ça au peigne fin avec Amaury. On est rentré à la maison avec quelques devoirs ! Mais ça nous a permis d'appréhender encore mieux la façon d'aborder les structures, et d'analyser la manière dont on jouait ensemble, de se comprendre mieux. Après, pendant l'enregistrement, on a laissé libre court à certains petit accidents et imprévus, qui sont devenus des composantes à part entière d'un morceau. À la fois dans l'écriture des morceaux, mais aussi certains sons, surtout pour les guitares et la voix, on ne voulait pas que tout soit figé, si une idée arrive au dernier moment et qu'on se dit qu'elle peut avoir du potentiel, alors on prend le temps de voir où ça peut mener. Ça permet de garder une spontanéité, chose qui nous est chère, même dans ce moment de très grande concentration qu'a été l'enregistrement de Bodysick.

Ce qui n'est pas spontané, c'est ce choeur de bonnes soeurs... dites-moi que ce sont des bonnes soeurs !, qui chantent Sartre, comment a-t-on une idée pareille ?
(Rires) Ce que tu entends sur l'intro de l'album, ce ne sont pas des bonnes sœurs mais un gang de super nanas de Lille qui s'appelle Chauffe Marcelle et qui sévit sous la forme d'une chorale où elles peuvent parfois être jusqu'à 60 ! C'est le premier truc de l'album qu'on a enregistré, à Roncq, là où on avait enregistré l'EP. D'ailleurs ce titre s'appelle "Regine", comme l'EP, c'était une manière de boucler la boucle. Cette petite plage, c'est une chanson qu'on nous a une fois chanté, une vieille dame qu'on avait rencontrée dans la rue à Paris après un concert. Cette rencontre c'est un souvenir très fort dans le groupe. C'est notre private reference, mais on s'est dit que ça pourrait être parlant et que ça ferait une belle introduction à l'album, c'était une façon de le graver, dans tous les sens du terme. Je ne sais pas qui de Sartre ou des paroles étaient là avant, c'est une chanson populaire, et la mélodie est tirée d'une bourrée auvergnate, un truc tradi' aussi. On voulait lui donner une dimension un peu céleste, et on a tout de suite pensé aux copines de Chauffe Marcelle, elles ont fait un super taf, et c'était un bon moment passé avec elles.

La pochette est encore une fois assez énigmatique, d'où vient cette idée ?
Pour nous c'est la suite logique de l'EP. On voulait rester dans le "corps" parce que c'est l'enveloppe de "l'humain" qui est quelque chose de très important chez nous, l'idée du rapport à "l'autre" mais aussi au corps directement, sa matière, l'amas de chair et de nerfs dont tu te sers sur scène, que tu articules ou qui s'articule tout seul, on ne sait plus très bien, et avec quoi tu "performes". Parce que la scène pour nous c'est ça. Tu es dépendant de ton corps. On fait pas un putain de spectacle, on ne répète pas un truc identique tous les soirs, millimétré. On a un concert à donner et on doit le faire avec tout notre corps, et quand tu n'es pas dans la réserve, tu es forcément dépendant de son bon fonctionnement, autant dire que tu ne sais jamais comment ça va se passer, si ce n'est que ça sera différent de la veille, et du lendemain. C'est la part possible d'accident qui distingue l'humain de la machine.
La pochette de l'EP montrait un corps, cadré à partir des épaules et jusqu'à la taille, de manière plutôt frontale, et nu, mais avec une certaine sensualité. Néanmoins il y avait cette forme de suggestion, une sorte de "regarde-moi". On voulait ça. On voulait que ça interpelle. Et ça a marché, les gens ont beaucoup réagi. Internet aussi d'ailleurs. Facebook nous a censuré, et pour la distribution digitale plusieurs plateformes nous ont demandé de retirer ou modifier l'image car l'évocation de ce qui s'apparentait à un "pubis de femme" n'était pas "correct".
Pour l'album on s'est dit que ça serait bien de montrer la tête, ou plutôt "une tête". Et le meilleur moyen de montrer une tête, c'est de faire un portrait. Mais on ne voulait pas montrer un visage, qui aurait trop raconté. Donc montrer un portrait - un visage -, et sans montrer le visage, il faut le masquer, avec quelque chose qui lui appartient, en l'occurrence ici des cheveux. Ça nous permettait aussi de rester un peu dans le "poil", ce truc qui passe pas bien dans la société d'image d'aujourd'hui. C'est plutôt un truc qu'on enlève justement. Et nous ça nous intéresse vachement parce que du coup ça pose la question de la représentation "correcte" ou pas du corps, et du genre aussi. C'est à la fois montrer la nudité, mais à l'opposé des canons idéalisés et sexistes du rock'n'roll, et puis mettre l'ambiguïté sur le genre de ce corps qui est montré. Dès que tu sors du dictat imposé de "les hommes ont des poils, les femmes non" ça devient plus compliqué, et ça devient aussi et surtout plus intéressant. En fait tu montres la vraie normalité, les gens comme ils sont dans la vie, et pas la représentation qu'on essaie de leur faire croire qu'ils doivent être.

Jouer dans le contre-pied, c'est une obligation ?
C'est une gymnastique naturelle qui nous pousse à faire ce qu'on fait. Je pense que c'est une des raisons qui fait que l'on fait de la musique. Tu la fais par nécessité, viscérale, mais aussi par réaction. Dans tout acte de création, il y a forcément un moment où tu crées par réaction. Si tu n'es pas en désaccord avec un minimum de choses, avec quoi tu peux interagir alors ? Et puis c'est une motivation commune qui nous fait évoluer. Sinon tu t'engouffres dans un engrenage facile qui mène à la routine, puis tu finis sûrement pas t'ennuyer, et s'ennuyer est bien la dernière chose dont on aurait envie en faisant de la musique, c'est-à-dire en allant jouer, taper des bornes dans un camion, rencontrer des gens, donner des interviews, etc. Quand tu as cette chance d'avoir la parole, que ce soit sur disque, sur scène, ou dans un canard, la moindre des choses c'est de ne pas regarder uniquement ton nombril, c'est de se positionner sur ce qu'il y a autour de toi et d'agir/réagir en prenant compte de tout ça. C'est l'intérêt et le but de la culture, du moins c'est le sentiment qu'on a de ce qu'elle devrait tout le temps être. Ça ne devrait pas pouvoir être un divertissement soporifique, pourquoi faire ça ? Prendre la parole par le biais d'un acte "artistique", de codes esthétiques, qu'ils soient musicaux, picturaux, verbaux ou autre et verser ça dans le quotidien, c'est là où tu peux interagir avec les gens, confronter les avis, ouvrir les esprits, les agacer ou les rendre amoureux, en tout cas ne pas les laisser indifférent. On préfère mille fois jouer devant une salle ou la moitié se casse parce qu'elle n'aime pas ce qu'on leur propose, que de jouer devant un parterre ramolli, les bras croisés, qui te regarde sans conviction et le regard vide de tout.
Jouer le contre-pied comme tu dis, c'est être perpétuellement sur le qui-vive par rapport au milieu qui t'entoure, c'est être là, en vie, parmi les autres.

bison bisou Un clip est prévu ? Comment choisir le titre qui en fera l'objet ?
On songe à un clip pour la rentrée oui. On a déjà une petite idée du morceau. Justement quelque chose qui soit différent du premier extrait qui était "Hypersects". On veut proposer autre chose, faire découvrir aux gens un autre aspect de l'album.

Le futur proche, c'est quelques dates en Belgique et aux Pays-Bas, c'est dû à la proximité géographique ou il y a autre chose avec nos voisins ?
Il y a un peu plus d'un an on a commencé à travailler avec Björn de chez Ampersand Music (It It Anita, The Guru Guru...) qui gère le booking pour le Benelux. Avant ça, malgré la très grande proximité avec la Belgique notamment, c'était compliqué d'y tourner. C'est un autre territoire, un autre réseau, une autre mentalité. On adore aller jouer là-bas, idem pour les Pays-Bas, ce sont nos voisins mais c'est vraiment autre chose, le rapport à la musique est plus décontractée, que ce soit le public ou les orgas, et puis on se reconnaît aussi davantage dans certains aspects de leur culture, on a grandi dans le Nord, on se sent souvent plus proche de ces territoires que du reste de la France. Même si c'est "notre" pays, ça reste des putains de traits sur une carte et il y a des tas de choses qui voyagent et qui ne s'arrêtent bien heureusement pas à ces frontières.
Le point positif c'est de pouvoir rencontrer des gens et de partager des expériences. Par exemple lors de notre toute première date au Pays-Bas, à Breda, on a rencontré Meis qui nous a sorti sur son label Bagdaddy Records quelque mois plus tard. Il y a pourtant eu une très petite affluence ce soir-là, mais il suffit d'une rencontre. C'est pour ça aussi que pour nous chaque concert compte. Il n'y a pas de "petite" date. On ne fait pas de distinction entre un bar et une salle de 600 ou 800 personnes. On joue de la même manière, qu'il y ait 5 ou 500 personnes, ça ne change rien. Des gens sont venus te voir, tu joues d'abord pour chacune de ces personnes, pas pour une masse. Si tu fais de la merde, tu gâches la soirée de ces gens qui se sont déplacés et ont donné de leur poche pour assister à ton concert. Le jour où on commencera à s'économiser au pro rata du nombre de personnes dans le public, on sera sûrement devenu des sortes de petits connards prétentieux et ça sera un signe qu'on s'éloigne de la raison pour laquelle on fait de la musique.

Vous avez pas mal de dates pour l'automne, assez peu pour l'été, les programmateurs de festivals vous évitent ou c'est un manque de réseau ?
C'est déjà un problème de timing. On aurait adoré faire plus de festivals cet été, mais l'album a été prêt pour la promo fin janvier début février, c'est déjà presque trop tard pour toucher leurs programmateurs. Aussi, on fait énormément de choses nous-mêmes, et à cette période il y avait beaucoup à gérer dont des priorités dues à la sortie de l'album. C'était compliqué de se mettre en même temps à fond sur le booking du printemps et des festivals et préparer la sortie pour que tout se passe bien au niveau de la com', de la fabrication etc.
En décembre on a eu la chance de pouvoir commencer à collaborer avec À Tant Rêver du Roi (Mnemotechnic, It It Anita, Blacklister...), un chouette label basé à Pau mais qui rayonne sur toute la France grâce au travail acharné et passionné de Stéphane qui s'en occupe depuis plus de 10 ans. Il nous file un petit coup de main sur une partie du booking du coup. D'ailleurs il organise un super festival en avril chaque année, mais là encore, le timing était juste pour nous sur 2017, donc ça sera pour 2018. On aime beaucoup travailler avec lui parce qu'on vient de cette même culture d.i.y., où tu fais d'abord les choses par passion plus que par souci de rentabilité financière, tu places la création et le résultat artistique avant tout. Si tu persévères et que tu fais les choses bien, ça finit par porter ses fruits. Stéphane est de cette trempe-là, alors on se comprend, et du coup ça donne lieu à une vraie collaboration, pas à des échanges de gens de bureau tu vois. Et les groupes qui sont sur le label viennent aussi de cette école, donc c'est un tout cohérent, il a réussi au fil des années à forger quelque chose de solide, et c'est le travail de gens comme ça qui permet d'aider une scène et de pouvoir la faire mûrir et émerger.
Mais pour en revenir aux festivals, oui clairement, c'est aussi un réseau que l'on a beaucoup moins. Ceci dit on ne recule devant rien et on se met ça dans le viseur pour l'année prochaine. On va faire pas mal de dates à l'automne effectivement, ça va faire voyager l'album et ça sera peut-être l'occas' de trouver de nouveaux concerts, dont des festivals on l'espère !