Bilal - Bilal Si la musique adoucit les mœurs, celle de Bilal (non, pas Hassani, voyons) les agite aussi bien volontiers. Ce quatuor math-rock, formé par des membres de groupes divers et variés (A Far-Off Reason, Triceratops, Garmonbozia et A Shrimp Case) sur la Côte d'Azur en 2014 et désormais installé à Lyon, a pris trois bonnes années pour parfaire les six titres de son premier disque éponyme. Il lui a fallu également moins de trois ans avant de le sortir via plusieurs structures que sont Araki Records, Atypeek Music, Winslow Records et Decagon Records. Autant dire que Yann (batterie), Raphaël (basse, voix, claviers), Uriel (guitares) et Louis (guitare) n'ont pas une vision court-termiste de leur projet musical majoritairement instrumental, et cela se ressent instantanément à l'écoute de leur première œuvre. Une véritable leçon donnée à tous les groupes qui veulent brûler les étapes, on ne le dira jamais assez : apprenez à jouer de la musique (ou à défaut, à savoir jouer avec vos camarades) avant de sortir un disque, bordel de merde ! À ce titre, chapeau bas à Bilal pour ce rappel primordial.

Au menu de ce premier album, tu trouveras une trentaine de minutes de musique rock vagabonde et fondamentalement (très) vivante, même si la voix n'apparaît qu'à de simples occasions pour ajouter la dose utile en harmonies au moment opportun. Chaque titre de Bilal est une narration, une bande sonore digne d'un paysage cinégénique bien amplifiée par le pouvoir mélodique des guitaristes qui ne s'acharnent pas à montrer l'étendue de leurs techniques, bien que le tapping déployé ci et là égaie merveilleusement nos oreilles. Les airs couvrant les plages de ce disque éponyme nous rappellent autant Totorro que Lite (mais pas que), mais peut-être avec plus de flegme. Non pas que Bilal renonce aux grandes envolées, mais son jeu plein de justesse et de subtilité domine le degré de volume et la saturation plus ample que l'on peut percevoir chez d'autres musiciens pratiquant un style similaire. D'ailleurs, les Lyonnais n'hésitent pas par moment à explorer d'autres possibilités pour s'exprimer comme cette surprenante "V. (Soufre)", chanson acoustico-électronico-percussive dont le début aurait très bien pu être un morceau de Radiohead époque Hail to the thief (ça marche avec d'autres albums aussi). L'album se termine par un morceau très dansant qui calme progressivement ses ardeurs pour s'octroyer une lourdeur étouffante très post-rock/post-hardcore accompagnée des délicieuses notes de violoncelle de Manon Louise Rudant, seule invitée du disque. Une délicatesse qui parsème ce disque fort de ses progressions hautement maîtrisées.