L'histoire de Bigger, groupe franc-comtois ayant propulsé depuis 2016 quelques EP avant de se dévoiler en longue durée en février dernier avec Les myosotis, est née de la rencontre entre le chanteur Kevin Twomey, un irlandais exilé dans le Jura et membre de Monsieur Pink, et le guitariste Damien Félix de Catfish. Lorsqu'il a fallu porter leurs compositions en concert, le duo a été rejoint par Benjamin Muller aux claviers (The Washing Machine Cie, Mike Prenat à la basse, et Antoine Passard à la batterie (Clara Yucatan, Alexandrie, Les Fils du Facteur). À partir de ce regroupement musical, la pente est devenue ascendante pour Bigger qui, avant la pandémie de Covid 19, a quand même posé ses valises dans de prestigieux festivals tels que les Transmusicales et les Eurockéennes de Belfort. Rien que ça ! Désormais, Les myosotis est le troisième album le plus diffusé sur les radios de Férarock. Mais pourquoi donc ces petits gars de l'Est sont-ils en train de réussir leur coup ?
Upton Park n'est surement pas étranger à cela, le label indépendant a déjà comme fer de lance des formations bien implantées dans le paysage musical français tels que Stuck In The Sound, The Hyenes, Svinkels ou encore les célèbres brestois de Matmatah. Cela avantage le groupe de façon indéniable sur sa visibilité à l'échelle nationale et, dans une moindre mesure, internationale. Mais la raison est plutôt à chercher du côté de sa pop élégante d'ascendance british qui a cette capacité à envoûter les masses de manière presque spontanée. Ce qu'on appelle "indie" dans le jargon journalistique n'a pas vraiment sa place ici, le son de Bigger est ultra soigné (certains utiliseront le terme "lissé") et les bisontins ne s'aventurent guère vers les sentiers non battus. C'est d'ailleurs avec l'anglais Jim Spencer - producteur et ingé-son pour New Order, Johnny Marr, The Charlatans, Liam Gallagher, et j'en passe - que le groupe a passé du temps entre l'Allemagne, l'Angleterre et la France pour enregistrer ce premier album. Petite anecdote (pas cool) : Bigger a été mis en quarantaine au Castle Studios de Dresde puis Kevin s'est retrouvé confiné à Manchester lors de l'enregistrement de sa voix.
Plutôt insensible au rock mainstream ultra balisé, Les myosotis m'a pourtant conquis de belle manière par sa sensible écriture ("Brother"), ses mélodies graciles ("Les myosotis"), ses envolées pop frissonnantes ("Salty tears"), ses moments légers ("Even with lies", "Fucked up paradise") et sa faculté à nous toucher au plus profond, notamment sur des titres soyeux comme l'immanquable et touchante "The game". Très cinégénique par moments, cet album m'a rappelé un peu les travaux d'Alex Turner (Arctic Monkeys, The Last Shadow Puppets), notamment dans les vocalises, et certaines similitudes plus ou moins marquantes avec des chansons de formations diverses (les claviers d'"Infectious joker" m'ont ramené vers les guitares de "Constant now" de dEUS), là où d'autres vont citer Nick Cave ou Anna Calvi. Peu importe, c'est le résultat qui compte, et dans ce cas précis, il est bon.
Publié dans le Mag #51