Beak> Enregistré en douze jours et partiellement improvisé, le premier album du projet Beak> est de ces disques qui oublient l'aspect marketing et "business" de la production d'un album pour privilégier le plaisir instantané et compulsif de sa création. Avec les qualités et les défauts inhérents à ce type de démarche. Beak> est de fait un premier opus à la fois envoûtant et immédiat, mais qui malgré un songwriting plutôt affirmé n'évite pas toujours l'écueil du brouillon encore imparfait. Des titres krautrock dans l'âme, nappé d'arrangements synthétiques et de rythmiques métronomiques, tantôt arrangés et interprétés avec brio ("Battery point"), tantôt plus déroutants sinon complètement abscons (le franchement agaçant "I know"). La musique "régressive" (c'est eux qui le disent...) prônée par le trio Beak> se nourrit assurément de ses paradoxes, dans ce qu'elle a de plus hypnotique et aventureux ("Ham green") ou délirante et anticonformiste ("Pill"). L'expérimentation, la liberté totale d'improviser est certainement à ce prix. Au milieu de ce maelström trip-rock/électro/bruitiste, on trouve quelques pépites puissantes et fiévreuses qui ne sont pas sans évoquer les derniers travaux sonores d'Oneida ("Iron action", "Blagdon lake"), mais également du grand n'importe quoi jeté en vrac dans les tympans de l'auditeur ("Barrow gurney", "flax bourton"). Parfois incompréhensible, d'autres fois intrigante puis fascinante, l'échappée expérimentalo-spectrale de Geoff Barrow et de ses acolytes fabrique des images et prend le parti, jusque-boutiste, de nous emmener dans un univers fait d'étrangeté primale et de panoramas abstraits. Original, à la fois jouissif et décevant... une vraie curiosité.