April 77 : le Decontrol (perefcto en coton waxé) Peux-tu nous expliquer qui est à l'origine du label ? Et la signification du nom ?
C'est Brice, qui fut batteur dans Elevate Newton's Theory et Rodeo Massacre. Il a monté la marque de fringues April 77 en 2002. April 77 parce que c'est sa date de naissance et que c'est une année qui lui tient à coeur musicalement avec toute la scène punk londonienne et new-yorkaise. Dans l'ensemble des produits proposés, la marque a toujours produit des choses dites "rock'n'roll" avec des coupes droites, des perfectos etc., et fait des partenariats musicaux comme un modèle de Jeans avec Gibson, ou en organisant des concerts, en sponsorisant des festivals indés... Il avait cette envie de label derrière la tête depuis un moment et m'a appelé en juin dernier pour finalement le lancer pour de bon : April 77 Records !

Et toi, quel est ton rôle dans la structure ?
Il a déjà été de mettre en place l'idée de base à savoir : rendre la musique disponible sur des vêtements. Trouver donc la solution technique pour que nos étiquettes de vêtements aient un code unique sous encre à gratter, permettant de télécharger deux chansons exclusives d'un artiste qu'on met en avant par mois. Le single sort aussi en vinyl, il a donc fallu s'occuper de tout le versant production, placement, distribution... Et le juridique et administratif super groovy dont je passe les détails pénibles, à ce sujet merci à Super Simon !. Après évidemment, la promo, la presse, le marketing ... Bref le bon vieux travail harassant d'un label indé à effectif réduit !

Vous "produisez" des fringues, des vinyls, de la musique numérique, vous êtes associé à une orgie de rock sur un bateau, j'oublie des trucs ?
Oui voilà on est un marque de fringues et un label en même temps. Donc il faut harmoniser le violons du design, de la presse, de l'univers artistique des groupes etc etc. Sortir et défendre des disques en vinyls, vendus dans plus de 300 magasins de fringues à travers le monde comme dans les magasins de disques, et en même temps les même singles en numérique sur des vêtements... C'est inédit et c'est un beau défi. Je pense que plein d'autres initiatives alternatives vont arriver de plus en plus. Le CD est en crise, mais pas la musique.
Après, les rapports entre mode et musique, c'est pas si schizophrène que ça. Tout mouvement "rock" a toujours eu une image et un univers artistique ou "mode" très fort. Le rock originel a déjà été une mode vestimentaire indissociable de la musique. Regardez juste la pochette du premier album d'Elvis et comparez aux pochettes d'un an avant lui. Et même ceux qui s'en défendent avec des cris épouvantés d'avoir un quelconque rapport avec la mode en ont toujours un : les punks notamment, qui ont été à l'origine autant un mouvement de mode qu'un mouvement musical. Le manager-pas-fou des Sex Pistols, et avant des New York Dolls, était Malcolm Mc Laren, qui avait ouvert la boutique mode d'avant-garde "Sex" à Londres avec Vivianne Westwood. La mode c'est juste des codes. Différents, mais des codes. Un fan de Heavy Metal comme moi dans les années 80, qui vomissait "la mode" en général, avait ses codes et sa mode, avec ses repères : le Jeans Elastis, les Adidas Americana, le blousons en jeans sans manche par dessus un perf .... bref regardez donc au dos de Ride the lightning ! Voilà, tout ça pour dire qu'on se sent autant dans la musique que dans "la" mode parce qu'à notre avis aussi les deux sont toujours intimement liés. Même quand on rejette la mode, finalement, on en crée une autre. Tu ne peux pas y échapper ! C'est entre autres pour ça qu'on a fait ce partenariat que tu évoques avec le Rock N Roll Baten, une espèce d'orgie démente sur un ferry, pendant deux jours non-stop. C'était en octobre dernier avec Henry Fiats Open Store, les Datsuns, UK Subs, The International Noise Conspiracy... Tout ça au milieu d'un ferry immense de type "la croisière s'amuse", sur la mer du Nord entre Suède et Finlande, hallucinant. Tu passes boire un coup au bar à 3 h du mat' c'est les mecs de Hellacopters qui mixent. Pour résumer l'ambiance quoi ! Ca ne se refait pas cette année car les organisateur suédois, des gars géniaux, responsables aussi de l'excellent magazine DenimZine et des festivals Where The Action is et Way Out West sont trop au taquet, mais on remet ça en 2009, avec bateau plus grand, et une affiche encore mieux ! Après, il ya plein d'autres trucs cools qu'on a fait et va faire avec April 77 Records...

L'activité de label s'arrête aux "singles" (2 titres) où vous prévoyiez de sortir des albums complets ?
Pour l'instant on focalise sur les singles. Je crois que les gens en ont soupé des albums où finalement il n'y a que trois singles et du remplissage autour. Au départ, les albums ont été faits pour être des compilations de singles existants. Si on sort un album, ça sera dans cet esprit, ou alors en construisant un projet bien spécifique, hors du commun. Sortir un album pour sortir un album est encore un vieux schéma, un vieux réflexe considéré "obligatoire". Combien de groupes, et même des grands groupes ont réellement sorti de bons album, de la première à la dernière seconde, depuis le début des années 2000 ? J'en compte même pas une dizaine sur mes petits doigts boudinés. Et la consommation accompagne ce processus : les gens achètent du single, et découvrent des groupes par les titres MySpace. Pas parce que ils n'ont pas le choix, mais je pense que l'album n'intéresse plus autant qu'avant. C'est un vent de fraicheur, un retour aux sources. Ce n'est pas un bon album qui fait un groupe, ça le consacre juste. Avant ça, il faut de bonnes chansons.

Stuck In The Sound - Nevermind the living dead Dans les signatures à venir, il y a par exemple Stuck in the Sound, ce sera le premier groupe français, pourquoi avoir commencé par sortir des groupes américains, anglais ou suédois ?
D'abord bêtement parce que la marque de vêtements marche beaucoup plus à l'étranger qu'en France où on nous considère encore seulement comme "la marque qui fait des slims", ce qui gave un peu. Donc on n'a pas eu le réflexe "groupe français à trouver". Et de toutes façons, on écoute, et on ne regarde pas forcément d'où ça vient. Il n'y a pas de réelle stratégie sur le choix des groupes. Si les chansons proposées créent un univers fort, à part, ok on fonce. Il pourra y avoir demain du Heavy Metal de Roumanie ou du Free-Jazz-Punk argentin. Il se trouve que la scène scandinave et très dynamique, et pas seulement en high energy rock. Et pour les USA, beaucoup de choses arrivent, de Brooklyn et des environs notamment, des choses beaucoup plu fraiches que ce que nous sert l'Angleterre depuis un moment, cette espèce de post-new-rave complètement chiante... désolé je viens de lire le NME (rires).

Est-ce que April 77 Records pourrait signer un groupe "gros vendeur" pour un single ?
Difficile de répondre. Des propositions ont été faites en ce sens par des managements. Mais c'est compliqué des deux cotés. Pour le groupe ça peut donner une image de "ils ont besoin d'une marque de fringues pour vivre". Même chose pour nous, ça serait : "Oui mais c'est facile avec un gros groupe". D'où une confusion sur l'image, le positionnement... Signer un gros groupe ça peut te couper de plein de gens finalement, qui se retrouvent surtout dans notre coté indé et défricheurs. Et je ne parle pas des problèmes de territoires et de contrats... Les gros noms que pouvons avoir étant pieds et poings liés avec leur éditeurs/managers/labels de toute façons... On ne s'interdit rien, ça dépend de la pertinence du projet. Faire un truc avec un gros groupe pour faire un truc avec un gros groupe ça serait une belle erreur pour tout le monde. Là on a un projet, rien n'est encore signé, avec Black Acid, de Richard Fearless (ex-Death In Vegas). C'est pas Metallica en notoriété, mais c'est le truc le plus gros qui risque de se faire pour l'instant. Et ça se fait parce qu'on a un vrai projet de collaboration artistique dans lequel Richard s'investira dans des crééations de vêtements avec nous. Pour répondre à ta question, la réponse est "oui", mais ça dépend juste des termes et du projet !

Créer et vendre une collection de fringues rock ou signer un groupe, c'est pas forcément le même boulot et les mêmes réseaux, quelle proportion à l'activité "musique" au sein de la marque ?
Activité en terme de personnes ? Tout est plus ou moins lié car la communication et la promotion passe par la musique. Je pense que le travail sur la musique représente 25%. Mais c'est vraiment dur de déterminer en ces termes. concrètement, on est deux sur la musique exclusivement. Mais les postes d'attaché de presse ou de responsable web par exemple ont forcément à voir avec la musique à partir d'un moment.
Et que ça buzz un peu autour d'un ex-Death In Vegas, ça peut faire vendre des fringues, ce qui reste l'activité principale, t'as pas peur qu'on vous taxe de pro du marketing ? C'est un peu un cercle vicieux non ?
Il faut être réaliste : oui c'est les fringues qui nous font vivre, et c'est pas deux chansons qui vont pousser les gens à acheter un vêtement qui coûte bien plus cher qu'un album CD actuel. Mais on vend aussi des disques, d'une.
Un buzz sur un ex-Death In Vegas, ça fait peut-être jaser dans les milieux autorisés et chez les nerds du XIème arrondissement, mais honnêtement les kids de France n'attendent pas ce projet comme le messie, et ont même surement jamais entendu parler de ce groupe. C'est pas comme si on faisait avec un truc avec Muse ou je ne sais pas qui. Pour le côté marketing, oui on assume, évidemment c'est du marketing, il n'y pas de honte ! Les gens font souvent les vierges effarouchées devant ce qui apparaît comme un gros mot en France, mais regarde par toi-même : tous les groupes font déjà leur marketing. Regarde donc la page MySpace de n'importe quel groupe français qui fait même juste 20.000 visites, ils font déjà du marketing, vendent leurs T-Shirts, leur CD, font de partenariats avec des marques, font de la communication virale, ciblent leur public et travaillent leur image... Nous on est juste un outil en plus pour des groupe qui veulent bien travailler avec nous, on ne force personne. On permet à des petits groupes inconnus comme Pets par exemple, un groupe totalement inconnu perdu au fin fond de la Suède, de se faire vendre dans plus de 300 boutiques de vêtements dans 35 pays, et une quarantaine de points de vente disquaires indé aussi à travers le monde (les vinyls du réseau musique étant distribués par Discograph), d'avoir de la presse et de la radio dans tous ces pays, et accessoirement de gagner en royalties largement le double de ce qu'ils gagneraient avec un album chez un autre label. Donc que ça soit du marketing, oui, mais heureusement, les groupes en ont bien besoin. Et en plus tout le monde est gagnant. Non ?

Pets Et vendre du son numérique sur un T-Shirt, c'est pas réduire la musique à un "plus produit", à une sorte de cadeau Bonux ?
C'était le cas si on prenait le premier groupe qui buzze dans le NME histoire d'être dans le coup et de se la péter grave avec le dernier truc dans le vent. Je rappelle aussi qu'on sort des vrais disques vinyls qu'on travaille comme un vrai label : on presse et on vend entre 2 et 3000 vinyls, à l'heure où vendre 3.000 albums pour un groupe c'est sortir le Champagne. Pour ces disques physiques déjà, il ne s'agit pas de plus produit, on défend le disque en tant que tel et le groupe aussi. Encore une fois je ne crois pas qu'on se serve des groupes. On travaille ensemble. Oui on a besoin d'eux, mais eux y sont gagnants, financièrement et en retour d'image et en retour des média. Les vieux schémas de l'industrie du disque s'effondrent, on essaye juste quelque chose d'autre et on y croit vraiment. Mais il y aura plein d'autres initiatives, c'est une période très excitante et pas du tout déprimante de mon point de vue.
Pour revenir sur le cadeau Bonux, autant Brice, le boss, que Simon ou moi, sommes musiciens en activité dans des groupes : un projet sans nom pour l'instant pour Brice, Rhesus pour Simo et Firecrackers pour moi. On se sent proches des groupes qu'on signe parce qu'on parle le même langage, on a les même problèmes, et sans te sortir les violons sur "la grande famille des musiciens", honnêtement, je ne me verrais pas me lever le matin en me disant "bon, quel groupe je vais entuber aujourd'hui et m'en servir pour vendre des fringues comme je vendrais des frigos ?!". L'attitude de certaines Majors avec des comptables en guise de directeurs artistiques, qui poussent leurs artistes à vendre des appareils photos numériques ou des portables ou des forfaits téléphoniques etc., directement ou indirectement ... ça ,oui, je trouve ça vulgaire et putassier.

April77 semble avoir des visions "futuristes" mais sort des vinyls plutôt que des CDs, c'est pour coller à l'image un peu rétro de la marque ?
Sur tous nos vinyls il y a un code qui permet de récupérer les chansons présentes sur le disque au format mp3, en se connectant sur April 77 Records. Donc c'est à la fois rétro et actuel. Et puis le vinyl se porte plutôt pas mal ! La progression en volume sur 2007 en Angleterre par exemple est de 200%. C'est un bel objet, on y est très attaché, c'est le support de notre belle jeunesse ah!ah!. Alors que le CD bon, c'est dur de tomber amoureux d'un CD, non ? Le CD c'est la poupée gonflable du support audio. Un vinyl, ça se tripote, ça se cajole, on en prend soin on l'entretient... c'est très sensuel un vinyl ... Donc voilà on assume notre côté fétichiste ! Quand je vais aux stands des groupes en fin de concerts, il y a de plus en plus de 45 tours ou de 33 en vinyls, et quand j'ai le choix j'hésite même pas, je prends ça à la place du CD. Si on peut aider quelques personnes à ressortir la platine des parents qui moisit au garage, c'est génial. Comme ça ils ressortent les vieux disques, et découvent plein de vieilleries oubliées ou jamais rééditées.

Quelque chose à ajouter ?
Je ne sais pas par où commencer la fin de cette interview... Aucun animal n'est maltraité pour faire nos vêtements : pas de cuir, rien !
Et longue vie au W-Fenec!