C'est un post sur la page FB de Et mon cul c'est du tofu ? (quel nom trop cool !), ex agitprop et activiste de la scène punk DIY parisienne (on lui doit des disques de Chafouin, Litovsk, Les Louise Mitchels, Jessica93 et plein d'autres mais aussi la traduction française de l'excellente bio de NOFX), qui m'informe de l'existence de ce groupe et la sortie de cet album. Je clique sur le lien bandcamp, aime beaucoup, échange 2-3 mails et reçois le disque quelques jours après, accompagné d'une bio qu'on croirait tapée à la machine, à l'ancienne.
La parole est d'argent mais le silence est d'or et parfois, comme ici, il peut être en colère. Et c'est un sentiment plus que normal de l'être quand on voit l'actuelle involution du monde. À défaut d'une musique agressive, le quintet breton exprime et manifeste sa colère dans ses textes parlant d'amour, de solidarité mais aussi de conscience de classe ("The battle still rages", "Our place called future") dans laquelle je me retrouve complètement. This is Le Vieux-Marché (22), not Le Bon Marché ! Ça ne suffit évidemment pas pour faire un bon disque. Non, pour faire un bon disque, il faut des bonnes chansons et ça tombe bien, Angry Silence en ont à revendre. Pas cher, on est dans le circuit indépendant et puis il s'agit d'être cohérent entre les paroles et les actes. Ils le revendiquent d'ailleurs, ce n'est pas leur métier, ils sont ouvriers, intérimaires, brasseurs, correcteurs, électriciens et chômeurs... working class quoi ! D'où quelques parallèles pouvant être faits avec The Clash ou bien Woodie Guthrie. Pas forcément sur la musique en elle-même mais sur l'ambiance générale.
À la première écoute (et très bonne impression qu'elle a suscitée chez moi), le morceau qui est ressorti tout de suite était "Dark end of the street", une reprise. J'étais certain de la connaître mais j'ai eu beau fouiller dans le dark web (l'originale date de 1967), je n'ai pas retrouvé où j'avais pu l'entendre. Elle est peut-être tout simplement très efficace pour accrocher l'oreille et rester en tête dès les premières secondes. Bon choix quoi qu'il en soit. Au cours des écoutes suivantes (et elles ont été nombreuses), plein d'autres chansons se sont révélées en plus des précédentes citées, comme les émouvantes "My mate Jeffrey", "Brother", les excellentes "The best place in the sun", "Time to get real" ou encore ma préférée, "Pissing rain". La Bretagne, ça vous gagne. Cette dernière me fait irrémédiablement penser à un obscur (mais non moins talentueux) groupe Stéphanois, Boxing Elena, auteur d'un magnifique LP fin 2000's. Avec ce côté punk dans l'accent, le chant un peu limite parfois, le son plutôt lofi, DIY, sans grosse prod' clinquante, l'intensité et la sincérité brute qui s'en dégage mais qui n'oublie pas pour autant d'être au service de réelles et belles chansons pour le versant pop.
Bref, j'éprouve vraiment un certain réconfort en écoutant cet album, qui me fait l'effet d'un disque doudou et je suis bien content qu'ils ne soient pas restés complètement silencieux.
Publié dans le Mag #51