Alice in Chains - The devil put dinosaurs here De tous les groupes estampillés Seattle que l'on a pris sur la gueule au début des années 90 (tu étais né ?), Alice In Chains faisait partie de mes préférés. Je reste toujours en admiration à l'écoute des brulôts rock de Pearl Jam, Nirvana, Stone Temple Pilots ou Mudhoney, mais étrangement, ce sont les albums acoustiques ou de ballades d'AIC (les monumentaux Sap et Jar of flies) qui m'ont le plus bouleversé. Et alors qu'on croyait le groupe à jamais perdu (discographiquement parlant) après la sombre disparition de Layne Staley, Alice In Chains a fait un retour remarqué dans les bacs à la fin des années 2000 avec le gigantesque Black gives way to blue d'une noirceur difficilement descriptible. J'ai eu du mal à me remettre de la claque phénoménale que m'a procuré cet album puissant et déboussolant, et dire que The devil put dinosaurs here était attendu, pour ma part, est un doux euphémisme.

On prend les mêmes et on recommence : la colonne vertébrale quasi originelle est toujours de la partie (Jerry Cantrell à la guitare, Mike Inez à la basse et Sean Kinney à la batterie), tandis que William DuVall s'impose encore un peu plus, non pas comme remplaçant du regretté Staley (ça ne pourra jamais arriver, jamais), mais comme membre à part entière du quatuor de Seattle. The devil put dinosaurs here, dernière cuvée en date, est un album surprenant dans la continuité. Proche de Black gives way to blue, ce nouvel opus rassemble toutes les qualités de son prédécesseur : lourd, pesant, puissant (mon Dieu, ces guitares !!!), dérangeant, lent, noir (quoi qu'un peu moins), et tout simplement génial. Les voix de Jerry Cantrell et DuVall (dont la ressemblance avec le défunt charismatique chanteur est saisissante) se complètent toujours à merveille, ajoutant à la dureté du basse/batterie et aux sonorités dérangeantes des guitares une atmosphère pesante et presque flippante. Ce n'est donc pas une surprise si le groupe balance trois bombes atomiques en ouverture du disque ("Hollow" , "Pretty done" et le sombre "Stone" dont le riff de guitare au beau milieu du morceau mérite à lui seul l'achat de cet album).

Ce disque est toutefois surprenant, car Alice In Chains arrive encore à tenir en haleine son auditeur pendant plus d'une heure, sans que l'on ne puisse lutter devant cette débauche d'énergie et de talent. Les arrangements sont splendides, les émotions intenses, que les morceaux soient lourds et pesants ("Lab monkey", l'énorme "Phantom limb") ou joués avec des sonorités acoustiques à la manière des chefs-d'œuvre composant Sap et Jar of flies ("Voices", "Scalpel", "Choke)". Alice In Chains prend le temps de poser les ambiances caractéristiques à chaque morceau, dévoilant lentement son jeu que l'on sait d'avance imbattable comme pour mieux nous faire languir de plaisir et nous faire succomber à leur folie douce. Je ne dois pas être le seul à être hypnotisé par l'écoute des morceaux composant ce nouvel album, même si les ambiances torturées de la première partie du disque évoluent en une sorte de légèreté toute aussi envoûtante.

Le poids des années et les événements que l'on connaît n'ont pas ébranlé ce monstre qu'est Alice In Chains, sorte de rouleau compresseur toujours actif et au sommet de son art. La puissance des morceaux et la beauté des mélodies vocales démontrent (mais était-ce nécessaire ?) qu'Alice In Chains n'a toujours pas déposé les armes, et que son âme est toujours pure et intacte. L'immense respect que j'éprouve pour ce groupe n'en est que renforcé.