Il arrive parfois que l'on rate l'immanquable. Sûrement qu'en 2004, tu étais occupé(e) à faire tourner American idiot de Green Day et tu as raté la sortie de The pirate's gospel, ce deuxième album autoproduit d'Alela Diane, enregistré sur CD-R avec confection D.I.Y. de la pochette. Mais pour ce coup-là, c'est un peu normal, tant la distribution a dû être cantonnée à la Californie et les alentours de la ville natale d'Alela, à savoir Nevada City. Et puis en 2006, rebelote, Tool vient de sortir 10 000 days, et tu es tellement obnubilé(e) par cette toujours attendue production de la MJK team que tu zappes complètement la réédition de The pirate's gospel, cette fois distribué par le label Holocen Music. Si c'est quand même pas dommage ça ! Heureusement, Alela Diane pense aux distraits et ressort en 2018 une édition deluxe de ce chef d'œuvre folk, accompagné de 10 nouveaux titres, inédits ou versions alternatives. Et cette fois, il n'y a plus aucune raison de passer à côté. Aucune raison de faire l'impasse, car cette réédition étant agrémentée de 10 titres supplémentaires, nouveautés ou réorchestrations, si tu n'avais pas raté les premières sorties de The pirate's gospel, tu ne rateras pas non plus ce supplément d'âme.
Alors sur le papier, cet album d'Alela Diane ne semble pas révolutionner le folk puisqu'elle en reprend les sacro-saint principes : une voix et une guitare acoustique. En tendant l'oreille, on pourra certes discerner un banjo, quelques percus très légères et tout autant de chœurs diffus et légers, mais la base est là : juste une chanteuse et sa guitare. Et si cet album est aussi réussi, cela tient évidemment dans les musiques, subtiles et diaphanes, mais surtout dans la voix d'Alela Diane. Une voix très personnelle, douce mais de caractère, libre et shamanique. J'ai lu quelque part qu'à ses débuts, Alela n'était pas du genre à écouter beaucoup d'autres artistes (même si elle a depuis participé en 2008, à un album de reprises (Nick Cave, I Am Kloot), imaginé par les producteurs Eddie Bezalel et Hugo Nicolson). Cela se ressent tant son interprétation est personnelle et dénuée de tics et autres gimmiks d'autres artistes. Pas influençable pour un sous, Alela Diane balance ses sentiments comme un orage sur un paysage d'automne. Ni trop sucré ou trop amer, on est dans le parfait dosage. Une chansonnette délicate sur "Piece of string", une ballade fédératrice sur "The pirate's gospel", une complainte sur "heavy walls". Alela Diane a capté des instants simples de beauté et les a insufflés dans cet album qui est simplement une merveille de poésie et de mélodie Folk.
Après, si tu penses que je suis un peu trop dithyrambique, ...c'est que tu dois avoir raté la troisième édition de The pirate's gospel et que tu t'es focalisé(e) sur la sortie du dernier Muse en cette année 2018. Alors là, tant pis pour toi !
Publié dans le Mag #36