Forwardback, il est aux environs de 21h15, Loan pianiste/chanteuse évoluant dans les eaux de ce que l'on appelle la "nouvelle scène française" termine une prestation des plus honorables en chauffant le public avec des textes piquants et un piano bondissant alors que le salle se remplit progressivement. Ce soir, Aaron est attendu et fait quasiment salle comble, comme du reste, pour la plupart des dates de sa tournée. Quelques minutes plus tard, les lumières s'éteignent, le duo monte enfin sur scène et là, surprise... Simon et Oliver ne sont pas seuls, une certaine Maeva va accompagner le duo au violoncelle. Et là, le concert commence et quelque chose se passe... un truc absolument énorme. Là où certains attendaient d'Aaron un concert intimiste, presque acoustique, c'est plutôt à l'inverse que l'on va avoir droit. Le groupe a largement réarrangé ses morceaux pour le live et du coup, les premiers titres vont défiler et alors que je perds le fil de l'ordre de la setlist (de toutes les façons tout l'album y passe...), on découvre un Aaron beaucoup plus orienté trip-hop que sur l'album. Les arrangements sont hallucinants et donnent une puissance démentielle aux titres de l'album. En témoigne notamment, le tectonique "Blow" emballé par un Olivier qui malmène son piano comme un forcené et des basses énormissimes pendant que Simon assure le show au micro. Intenable, il fait des bonds partout, se lâche complètement et, plaisantant avec le public, semble s'amuser comme un gamin dans une cour de récré.
Le groupe le dira d'ailleurs à plusieurs reprises pendant le concert, ils n'en sont qu'à leur troisième concert et voir autant de monde venir les écouter et une vraie bonne surprise et donc un plaisir sincère d'être là... Les deux se régalent et leurs morceaux prennent une ampleur complètement innattendue en live, bien aidé au passage par des orchestrations relevant presque du miracle et un violoncelle en phase avec le duo. L'énergie du groupe est largement communicatrice et, sans faire injure à la qualité évidente de l'album, les treize morceaux composant Artificial animals riding on Neverland interprétés en live transportent autant le groupe que l'assistance déjà conquise. Mais, ce soir, Aaron n'est pas venu uniquement jetter en patûre ses titres qui pulsent le plus, ils vont livrer quelques instants de mélancolie douce et envoûtante avec "Beautiful scar", "Le tunnel d'or", l'incontournable "U-turn" (Lili) ou la magnifique reprise de Billie Holliday qu'est "Strange fruit". Simon parle d'ailleurs quelques secondes de l'histoire de ce morceau, composé en 1935 en pleine ségrégation, à l'époque pas si lointaine où les afro-américains n'étaient autorisés dans les clubs que pour divertir les blancs. Un morceau certes déjà repris par des dizaines de groupe avant eux, mais une reprise à laquelle Simon et Oliver ont voulu humblement s'essayer... L'humilité, la classe d'un duo déjà grand mais également très pro, Aaron a déjà tout pour plaire mais n'hésite pas à se mettre en nu, à se mettre en danger, en interprétant également les morceaux les plus dépouillés de son album. Olivier passe du clavier à la guitare, puis de nouveau retourne à son piano, Maeva assure les choeurs pendant que Simon se démène au micro et les trois nous gratifient d'une petite surprise avec l'inédite reprise du "Bachelorette" de Björk. L'assistance est déjà sous le charme et le concert touche à sa fin... enfin presque. Car en guise de rappel, Aaron va carrément jouer les prolongations le temps de trois titres et demi, une moitié de "U-turn" avec l'aide du public évidemment heureux de se lâcher, puis notamment un autre inédit avec "Famous blue raincoat", une reprise de Leonard Cohen figurant sur le single "U-turn" avant de clôturer cette soirée avec un "Mister K" intimiste. En pleine communion, le duo semble avoir pris un pied monstrueux à être là et demande même à la technique de remettre la lumière pour prendre le public en photo... Un point final à un concert de haute volée et la confirmation qu'Aaron, malgré sa petite année d'existence seulement, est déjà un grand groupe. Chapeaux-bas.