Year of No Light - Tocsin On aurait pu croire qu'en rejoignant les rangs de la discrète (médiatiquement parlant) mais puissante écurie Debemur Morti Productions, plutôt orientée black-metal à la base (cf : Blut Aus Nord notamment), Year of No Light allait opérer un virage artistique l'emmenant sur des sentiers créatifs voisins de la ligne éditoriale de son label. Mais celui-ci s'étant ouvert ces derniers temps à un spectre artistique, disons plus large qu'auparavant (en témoignent les signatures récentes de Dirge ou Rosetta), il n'en est finalement rien. Quoique en fait si un peu quand même. mais pas comme on s'y attendait. On va y revenir plus loin.

Mais d'abord, avec sa griffe post-metal/doom/post-rock sentencieuse et transcendantale, YONL délivre un morceau-titre inaugural qui pose son univers. Introspectif, profond, immersif. résolument cinégénique (on connaît l'amour du groupe pour le 7ème art depuis le ciné-concert Vampyr). 13 minutes et des poussières d'une symphonie du chaos en un seul et unique mouvement. Suffisant à l'heure de faire étalage de toute sa classe. Car comme à son habitude, le six-majeur bordelais œuvre dans un registre post-metal/heavy-doom/shoegaze majestueux et immersif, proposant une mixture sonore à l'intensité obsédante comme à la noirceur claire/obscure palpable. On est ici en territoire relativement connu, l'inspiration constante du groupe faisant le reste afin d'en métamorphoser les contours. Et surtout magnifier sa puissance évocatrice en termes d'impact émotionnel.

On comprend à peu près où ils semblent vouloir en venir, puis surprise, les Year of No Light livrent avec "Géhenne" un morceau comme on n'en attendait pas de leur part. Surtout pas à ce moment de l'album. Pourtant, le résultat est d'une implacable efficacité formelle doublée d'une réelle créativité en termes de fond. Avec un titre qui lâche les chevaux, échappe à la grisaille pour s'en aller vers la lumière, emportant avec lui son auditoire dans un tsunami sonore au tempo enlevé mais à la densité toujours aussi saisissante qu'à l'accoutumée, le groupe n'hésite pas à oser casser un peu caractère potentiellement prévisible de son oeuvre. Une rupture de rythme et d'atmosphère pour un collectif qui revient rapidement à ses premières amours pour une musique (relativement) lente et ténébreuse ("Désolation"), des pièces-fleuves aux développements subtils qui semblent vouloir nous emmener vers une inexorable fin des temps musicaux ("Stellar rectrix").

Trois guitares, une basse, deux batteries et autant de possibilités infinies pour un projet en évolution perpétuelle, quelque part au croisement entre le sludge-doom à l'épaisseur lithosphérique, le post-metal onirique et le Hard originel, Year of No Light sonne avec ce Tocsin les premières mesures d'un éloge funèbre en forme de catharsis désespérée. Un dernier adieu enveloppé d'une mélancolie décharnée et d'une poésie aussi noire que vénéneuses ("Alamüt"), que les sorciers du doom et post-metal frenchy psalmodient en étant comme à l'heure habitude, littéralement habités par leur Art.