Year of No Light - Live at Roadburn 2008 Il est parfois difficile pour nous autres, citoyens français, d'avoir le plaisir de découvrir en live des groupes que l'on a réellement apprécié sur CD, même s'il s'agit de compatriotes. La frilosité des programmateurs, le manque de culture (et d'ouverture) musicale dans un paysage culturel parfois, sinon souvent, sclérosé par un sectarisme forcené, la rareté du groupe en concert (il y en a aussi comme ça) et plus généralement le désintérêt croissant du public pour les musiques un tant soit peu "originales" (difficile de mettre de côté les considérations économiques...) font que tout le monde ne peut pas voir un groupe comme Year of No Light au moins une fois dans sa vie en concert. Alors pour peu que l'on réside dans une région culturellement sinistrée... on ne parlera même pas ici de la "difficulté" pratique que suppose le fait d'aller voir jouer le groupe au cours de la grande messe annuelle des musiques sombres et expérimentales (mais pas que...) de qualité qu'est le Roadburn. Distance géographique, planning chargé et autres détails sans intérêt ici, la simple idée d'avoir pour "palliatif" un objet témoignant de ce que peut être YONL en live... et qui plus est dans les meilleures conditions qui soient, étaient quasiment inespérée. Et pourtant après avoir vu le jour en LP+DVD, le Live at Roadburn 2008 de l'entité bordelaise est également disponible en CD via Burning World Records, autrement dit le label du... Roadburn. CQFD.

On a beau ne pas avoir l'image, la tension qui ressort de l'écoute de ce set de YONL est absolument palpable, la férocité d'un chant encore plus sur la corde raide ("Cimmeria") que d'ordinaire n'en est également que plus marquante. Et l'auditeur de découvrir que le groupe bordelais est également une sacrée machine de guerre en live : pas une seule fausse note à l'horizon, le sentiment permanent de se faire écraser par un rouleau-compresseur métallique ("Tu as fait de moi un homme meilleur"), une performance d'une maîtrise formelle incomparable pour un collectif de musiciens qui semble communier littéralement avec son art. Que l'on appelle ça "postcore", "metal" ou simplement "hard", ce que fait Year of No Light est d'un niveau de qualité rare, une constante qui plus est, surtout quand le groupe s'offre une "Traversée" complètement démente vers un "Metanoia" à la beauté noire suffocante, avant de se trouver en proie à "L'angoisse du veilleur de nuit d'autoroute". Solitude oppressive, errance introspective traversée par des éclairs psychotiques, un esprit tourmenté lentement mais inexorablement dévoré par ses démons intérieurs, on se laisse séduire par la bête, cette hydre métallique qui nous conduit au royaume des ombres, avant de nous laisser entre "Les mains de l'empereur", un (presque) épilogue élégiaque et abrasif de quelques douze minutes d'une symphonie du chaos, qui trouvera son climax dans un final à la fois épique et magnifique de noirceur saturée. Une apothéose... prolongée par un final dépassant le quart d'heure d'une collaboration entre YONL et Fear Falls Burning ("The golden horn of the moon"), parfaite alliance naturelle entre le post-core déchirant des uns et l'ambient/drone industriel monomaniaque de l"autre", le belge Dirk Serries (aka FFB). Indispensable pour les amoureux des musiques sombres et expérimentales... Et comme en plus l'objet est livré dans un élégant digipak, difficile de ne pas se laisser tenter, avant d'aller "réellement" (re)découvrir le groupe en live... en vrai cette fois.