Will Haven - El Diablo Après un premier effort éponyme foudroyant, le groupe de Sacramento, accessoirement pote de longue date avec Far et les Deftones, sort son second album sous la houlette d'Eric Stenman (Far, décidément, mais également Thrice, Senses Fail et... les Deftones) et chez Revelation Records (Quicksand, RATM, Youth Of Today, Shelter...). La galette semble prometteuse alors qu'un an tout juste la sépare de l'éponyme : on se dit alors que ce dernier n'était peut être que la bande annonce de cet El Diablo.

Une mélodie dissonante envahit notre espace sonore, introduction oppressante, on commence à manquer d'air et c'est un riff puissant à la sonorité bien singulière et presque familière qui vient littéralement éventrer nos enceintes, la basse claque et résonne, la batterie martèle l'auditeur, là dessus Grady nous vomit sa rage : ça déchire au propre comme au figuré ! Les californiens viennent d'enfoncer le clou, la recette est la même mais va bénéficier de davantage de moyens : production moins brute de décoffrage, compos plus lourdes et puissantes, titres plus longs qui laissent le soin au groupe d'installer de nombreuses ambiances et de nous plonger dans une atmosphère particulièrement malsaine. Il y a quelque chose d'aliénant chez WH, la folie semble guetter l'auditeur à chaque morceau, c'est tendu et menaçant, la rupture est palpable : El Diablo est un disque qui ne marque pas les esprits, non, il les possèdent !

"Stick up kid" vient de nous rouvrir les cicatrices tout juste cautérisées du premier EP et c'est vacillant que l'on doit encaisser un pur morceau d'anthologie : "I've seen my fate", un riff bourdonnant se rapproche et s'arrête soudainement, le calme avant la tempête : une vague sonore d'une rare violence vient nous jeter par dessus bord, ces rouleaux infernaux nous entraînent inexorablement au fond ! Grady expulse sa colère et son désespoir, sa voix résonne même sous l'eau, on profite d'un creux entre deux vagues pour tenter de remonter à la surface et respirer mais en vain.il n'aura fallu que 3'48 à ce tsunami pour nous terrasser ! "Ego's game" nous sort brutalement de ce cauchemar pour nous y replonger illico presto, Will Haven nous offre une plongée abyssale dans les tréfonds de l'âme humaine et il en sera de même pour "Manson", les riffs de Jeff Irwin contribuant énormément à l'ambiance que nous impose le groupe, les sons qu'il diffuse donne le change à la voix d'Avenell c'est ce qui donne toute cette émotion, cette tension omniprésente. C'est criant sur "Climbing out this bottle", titre plus lent et lourd mais aussi plus ambiant laissant entrapercevoir un Grady plus fragile qu'écorché. Le couple basse-batterie n'est pas en reste et n'est pas à reléguer au second plan, il contient la tension et la rage, impose le rythme pour éviter l'implosion et donne cette puissance de percussion au groupe : écoutez "Extinguish" et son intro très "KoRnesque" qui nous renvoie au meilleur de Life Is Peachy, diablement efficace ! "Baseball theory" et "June" quant à eux sont deux titres qui ne font qu'un : sep minutes qui résument bien les qualités et le concept d'El Diablo.

Ce chemin de croix émotionnel se termine sur un magistral "Foreign film" , titre une nouvelle fois lourd et lent qui semble laisser s'échapper des enfers la voix d'une âme damnée.magnifique ! "!Escucha!" dernier assaut sonore avant une longue remontée vers la lumière, sorte de pallier de décompression nécessaire à notre esprit abasourdi, c'est là que l'on prend conscience du moment épique et singulier que l'on vient de traverser.