When Icarus Falls - Aegan 3 années se sont écoulées depuis la bombe qu'était l'EP Over the frozen seas, sorti chez l'excellent Get a Life! Records qui renaît d'ailleurs de ces cendres après avoir quasiment disparu de la cartographie des labels européens pendant deux années. Mais là n'est pas le sujet puisque c'est en fait via Headstrong Music (Hathors, Houston Swing Engine, Songs of Neptune, Monkey3, Yverdoom...) que When Icarus Falls (dé)livre aujourd'hui son premier album long-format avec Aegan. Un manifeste post-hardcore que les lausannois emmènent sur des sillons émotionnels d'une suffocante intensité.

Intro au clavier discrètement, délicatement majestueuse, "A step further" annonce une Apocalypse imminente, un chaos sonore à venir et un véritable tsunami qui va retourner les enceintes comme le reste en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Et c'est effectivement ce qu'il se passe lorsque les suisses libèrent leur créature musicale dans tout ce qui fait sa bestialité crue, sa férocité animale et ses instincts les plus barbares. Mais pas que, car dans la violence épidermique qui jaillit au détour des lignes de chants et autres riffs cautérisant des plaies émotionnelles béantes, When Icarus Falls fait montre d'une maestria folle (l'éponyme "Aegan") comme d'une sensibilité à fleur de peau mais également d'une finesse rare ("Acheron / Eumenides"). On préfère prévenir, ce groupe-là a tout d'un (très) grand et va le prouver au cours de cet album.

La frappe de batterie, monstrueuse, rythme les déchaînements post-hardcore à l'extrême, cadençant l'ensemble musical des suisses avec une précision chirurgicale et les instrumentations parachèvent le travail. Lourd, puissant, dévastateur, le postcore des WIF n'a jamais été aussi abrasif ("Asphodel Meadows Part. I") et si la griffe est aisément reconnaissable, de part sa myriade d'influences (que ce soit ASIDEFROMADAY, Cult of Luna, Mono, Unfold ou The Ocean, sans oublier Isis et Sigur Ros), il n'y a rien à redire, le résultat est toujours aussi épique qu'éblouissant (un "What We know thus far (An inner journey)" absolument dantesque). Et là, c'est avant de lâcher le bijou qu'est "Tears of Daedalus" sur la platine, un titre qui ferait presque passer le My Own Private Alaska le plus douloureusement brisé pour une pop-song lumineuse de part sa fragilité déchirante et sa pudeur tout en retenue dévastée.

On est sous le choc, bouleversé, par cet avant-dernier titre, qu'il faut se remettre afin d'affronter l'ultime choc thermique signé When Icarus Falls. que l'on prend comme prévu en pleine face. "Hadès", c'est son nom, est là encore un monument de douleur viscérale concluant en apothéose cet Aegan emballé dans un élégant digisleeve qui n'enlève évidemment rien au plaisir du mélomane collectionneur, conscient d'avoir entre les mains un disque de (très) grande classe.