Les offrandes d'Unfold sont rares, il faut donc savoir en profiter... Le plaisir procuré par Banshee o beast est d'abord oculaire, l'artwork est somptueux, avec ce qu'il faut de clair et d'obscur, de sombre et de lumineux pour émoustiller et capter l'attention, forçant le spectateur à réfléchir à ce qu'il voit. Être attentif, voilà le pré-requis pour s'attaquer à un album des Suisses, sans quoi tu vas passer à côté de quelque chose ou être totalement happé par la puissante vague de décibels qui te tombe dessus.
Pas d'introduction, pas de mise en place sonore, pas de prélude, le vif du sujet est au cœur des oreilles dès la première seconde consacrée au chant écorché de Louis Jucker (Coilguns, Autisti...) qui remplace Danek (excusé pour des soucis de santé) nous attaque les oreilles, passé au filtre d'effets, comme le son en règle générale sur plusieurs titres, on gagne en grain mais perd en précision, le côté clinique de la destruction organisée par Unfold est partiellement mis de côté au profit d'une certaine chaleur éraillée qui, brouillée, redonne de la couleur à leurs influences noise. Avec des frappes et des hurlements plus étouffés, les Helvètes s'humanisent, l'épaisseur du son lui donne davantage d'ampleur et nous rapproche d'eux alors que dans le passé, on subissait les assauts sans espoir de trouver un peu d'humanité et de pitié. La rage explosive peut désormais laisser la place à un moment de calme (pas de quiétude, faut pas déconner non plus) même s'il ne fait que renforcer le poids donné à la suite (l'enchaînement "Admirals dissono" / "Cursed commanders"). Parfois complexes, les compositions restent jouissives car capables de toucher à leur but à chaque fois, quels que soient les sentiments transmis, ils arrivent à bon port et nous touchent tant physiquement que mentalement. Il faut accepter d'être malmené ("Aussitôt dit, aussitôt mort"), d'être préoccupé (le lancinant instrumental "They had wolves in their eyes and knives in their mouths"), de ne pas interagir avec le reste du monde environnant durant l'écoute mais qu'il est bon de se faire labourer les tympans par la brutalité d'Unfold.
Publié dans le Mag #31