Même si j'adore jouer avec les mots, ce n'est pas pour leur beau travail sur le titre de cet album que j'apprécie Sycomore puisque je ne me suis rendu compte de leur retournement de "i" sur Antisweet avant de vraiment bosser sur la chronique. Jusque-là, j'avais juste enfourné la galette un paquet de fois pour vérifier que mon audition des graves était toujours bonne. La pochette avait bien sûr marqué des points, ces petites fourmis noirs sur une sucette rose (à qui on donne un coup de langue avant "Drink water" ?), ça claque, le "zoom" sur la sérigraphie du CD est top aussi mais ce "Ant!sweet" n'est visible, pour la version promo, qu'à l'arrière du carton avec la tracklist. En coupant le mot en deux, on obtient donc "Fourmi / Sucré" et tout prend un autre sens. En cherchant un peu plus, le mot en entier et en anglais est peu courant et pourrait dire "qui contient du sucré" et non pas "à l'inverse de doux" qui convient bien mieux à la musique des Amiénois. Bref, tout ça pour dire que les gars se sont creusés la tête autant pour trouver un nom d'album que pour décliner leur artwork. Et ça, ce n'est pas leur job, ce qu'on leur demande, c'est des riffs gras, des rythmiques lourdes et un chant qui gratte le gosier. Tu te doutes bien que là-dessus, ils assurent aussi.
Si le fond de commerce est clairement sludge, du fait de l'accordage des instruments qui semblent vivre dans la boue, le groupe s'ouvre à d'autres influences et varie les rythmes et l'engagement. On se retrouve donc en territoire post-metal sur "Masquerader", certainement le morceau favori des responsables de leur label Source Atone Records, dans une zone de guerre où règnent violence et agressivité sur le très hardcore "Parallel lines", au milieu d'un désert speed-stoner-véner pour "Captain Vitamin", ou encore dans un marécage plus doom sur "Hear the wind" où le chant écorché chatouille les vertèbres procurant quelques soubresauts. Si les tonalités restent donc assez identiques tout au long de l'opus, ces idées et ces tempos assez différents qui viennent épicer les tracks font qu'on ne s'ennuie pas et qu'on peut rester des heures à écouter Antisweet, comme on peut rester des heures à regarder, comme hypnotisé, des fourmis former des routes pour aller chercher et ramener de la bouffe à la maison.
Publié dans le Mag #59