Sunn O))) - Kannon La relation que j'entretiens avec Sunn O))) est quasi inexistante, nourrie par quelques mauvaises expériences d'écoutes approfondies piochées ci et là dans la riche discographie du duo, seul ou avec les copains die-hard fans qui d'ailleurs ne comprennent pas toujours pourquoi on ne se délecte pas d'un bon drone-métal expérimental, et qui aiment toujours te raconter leurs oppressantes et étonnantes expériences live avec le groupe.

Et puis pas mal de ressentis frustrant (des préjugés ?) ont émergés au fil des écoutes, comme par exemple :
- beaucoup de bruit pour pas grand chose (alors que j'aime le bruit)
- des morceaux sans début, ni fin (oui, oui ! Mais pourquoi pas ?)
- des enregistrements de réglages de guitares (WTF ?!?)
- un délire d'initiés mystico-occulte qui peut malheureusement être mal compris/interprété, être assez repoussant voire saoulant à la longue, surtout lorsque les morceaux atteignent parfois les quasi 20 minutes...

Bref, autant de raisons qui ne facilitent pas l'adhésion au drone-doom de Stephen O'Malley et Greg Anderson. Et puis en 2014 sort Terrestrials, un split avec Ulver, une formation que je respecte au plus haut point. C'est le moment de la réconciliation, surtout que l'album n'est pas loin du coup de maître. En 2015, j'ai l'occasion de voir Sunn O))) pour la première fois à Dour en condition festival, alors que la nuit n'est pas encore tombée. A aucun moment, je ne rentre dans cette énergie libératrice tant vantée par les afficionados. Pire, j'ai juste l'impression d'assister à la plus grosse arnaque artistique du siècle ! Encore une occasion perdue d'apprécier cette messe noire.

Kannon, le petit nouveau, est sorti l'hiver dernier. C'était annoncé quelques mois avant. Après une occasion ratée de les voir au Palais de Tokyo à Paris entouré de bons bobos parisiens élitistes (annulation post-13 novembre), et de profiter de ça pour me plonger dedans en avant-première, je reçois le disque. Juste le disque, ni pochette, ni boitier. Ca commence bien. L'album se compose de 3 pièces (Kannon 1, 2 et 3), élaborées par O'Malley, Anderson, tous deux accompagnés du chanteur hongrois de black métal Attila Csihar, déjà présent auparavant sur plusieurs œuvres de Sunn O))), qui vient poser pour l'occasion ses grognements, hurlements et incantations sur des plages fortes en saturation et larsens.

Ce septième album, dont le nom fait référence à une déesse bouddhiste de la compassion qui entend les cris du monde, est un hymne supplémentaire au bourdon vibrant de basses ascendantes et descendantes. Une atmosphère à la fois tendue et méditative où il est difficile de discerner les différentes teintes sonores qui le composent, tant l'ensemble qui transparaît se veut monolithique. A la limite, seule la voix se démarque quand elle n'est pas trop dissimulée par les ondes galopantes des guitares et basses. Au sein de ses 35 minutes, Sunn O))) travaille toujours sur la recherche d'un minimalisme plombant doté de répétitions tel un râga indien dévoilant sa propre expérience mystique. Il vous faudra de nombreuses écoutes pour éviter de passer à côté du lot de subtilités que contient la tension permanente de ce Kannon. Si le résultat reste pour le moins non surprenant, hormis peut-être le fait qu'il soit le plus accessible de sa discographie (mais ça reste à prouver), le duo de Seattle reste néanmoins toujours autant digne de curiosité.