Collaboration exceptionnelle réunissant le monstre incontournable de la scène drone au sens large et l'ex-icône black-metal des 90's devenue au fil des temps et de son évolution artistique naturelle, une exception au sein de la mouvance ambient/rock psychédélique/électronique, Terrestrials marque donc la collision créative entre Sunn O))) et Ulver. Soit une collusion des genres orchestrées par le poids lourd Southern Lord (Boris, Earth, Electric Wizard, Pelican.). Mais si elle voit le jour début 2014, cette création co-signée par les deux entités date à l'origine de 2008 et aura donc mis un peu de temps à émerger sur support discographique. L'attente en valait clairement la peine.
Le résultat tient en trois pièces improvisées lors des sessions studio réunissant les deux entités et qui se sont donc tenues il y a quelques années maintenant du côté d'Oslo (en Norvège pour les zéros en géo'). Pour trois mouvements fluides à la densité magmatique, des compositions amples, cosmiques comme enfantées dans un cocon de liberté, à l'écart du monde. Sunn O))) vs Ulver marque donc l'association d'idées réunissant pour ainsi dire deux courants de pensée artistique en matière d'architecture sonore à tendance expérimentale. L'un qui relève quasiment du romantisme idéaliste (Ulver), l'autre, retranché dans ses penchants que l'on qualifiera d'extrêmes sinon légèrement jusqu'au-boutiste. Et c'est cette conjugaison sensorielle qui donne tout son relief à Terrestrials, entre drone-doom expérimental et (post)rock séminal consciencieusement minimaliste, notamment le temps d'un "Let there be light"-fleuve (près de onze minutes trente au compteur) et fascinant.
Par leurs circonvolutions drone-doom magnétiques effleurant parfois les contours du doom-jazz, les deux entités réunies sur Terrestrials renvoient régulièrement l'auditeur aux travaux d'un Bohren & Der Club of Gore ou d'un The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble, ce avec une maestria évidente. Pourtant, peu à peu, la matière sonore proposée ici gagne en pesanteur, assombrit ses atmosphères de manière à laisser libre champ à ses velléités "expérimentales", jusqu'à envelopper le tout d'une noirceur résiduelle aussi palpable qu'envoûtante ("Western horn"). On s'attend dès lors à un dernier titre invitant à une visite guidée des enfers ou tout du moins de territoires sonores inhospitaliers et pourtant, Sunn O))) et Ulver livrent un "Eternal return" en forme d'ode à la mélancolie bruitiste douloureuse. Une ultime pièce longue de quelques treize minutes pour un voyage sans retour (pas comme son titre) vers les frontières de la dépression et de l'abandon psychique. Sans concession, à la fois beau et effrayant, jusqu'à une ultime poignée de secondes toutes en résignation décharnée.
Parce que la montagne annoncée a finalement accouché d'un monstre, un kraken sonore déflorant à l'envie des territoires immaculés avant d'imprimer sa marque, indélébile dans dans la psyché de son auditeur.
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