Grace for drowning Steven Wilson fait comprendre dès les premières notes que Grace for drowning et Insurgentes ne sont pas le fruit de la même démarche.
"J'aime l'idée qu'une ballade commence très doucement et soit ensuite contaminée par des couches successives de bruits", disait-il dans le documentaire, Insurgentes. Sur Grace for drowning, il n'en est rien. Et d'une manière générale, s'il est un album de musique amplifiée - aucun doute là-dessus - le son est plus épuré que sur Insurgentes, ce qui ne l'empêche pas d'être inquiétant ("Raider II").

Cette évolution entre le premier acte solo et sa réponse est résumée assez simplement par Wilson lui-même : "les racines d'Insurgentes, c'étaient les années 80. Pour Grace for drowning, c'est le début des années 70". Un retour progressif aux sources, voilà c'est ça...: 1969, Stand Up de Jethro Tull et In the court of the crimson king de King Crimson viennent de sortir et le jeune Wilson a à peine soufflé sa deuxième bougie.
On comprend l'importance qu'il porte à cette période historique de la musique rien qu'en fouillant dans les crédits de l'album: Tony Levin et Pat Mostelloto, font partie du "double trio" qui a ressuscité King Crimson en 1994 (Gavin Harrisson, le batteur de Porcupine Tree, y a sa place depuis maintenant cinq ans).

Ce rock progressif, Wilson s'en inspirera avec Porcupine Tree, mais c'est en 2011 que son hommage prend vie. Grace for drowning est beaucoup plus aérien ("Belle de jour", "Deform to form a star"), moins renfermé qu'Insurgentes, dont les accès bruitistes comblaient énormément d'espace, laissant peu de respirations. Wilson, l'ancien informaticien, l'introverti égocentrique, surprend alors en laissant improviser ses invités. L'impression laissée en est d'autant moins oppressante ("Postcard").

Il est difficile d'estimer à quel point le décès du père de Wilson, à qui est dédié l'album, a affecté l'intention du fils pour ce double disque. Les mots de "Postcard" peuvent y faire penser, mais on imagine mal Wilson rendre accessible ce genre d'hommage dans sa musique. Au lieu de cela, l'Anglais poursuit dans le même champ lexical que sur Insurgentes, mi-contrit, mi-révolté. Une ambiance largement exploitée par la mise en image de Lasse Hoile, le double visuel de Wilson. Pour le meilleur.