Steven Wilson - Insurgentes Insurgentes est cette rue infinie de Mexico. Une immense fuite linéaire, pavée d'influences extérieures, dans un chaos alentour. Aisé de comprendre la filiation. De ses horizons personnels, Steven Wilson a retenu les éléments les plus antithétiques, conceptualisant sa première pièce solo, en dix actes, riche en digressions lunaires et en sonorités alambiquées. Car l'objet est multiple.
Insurgentes, ou l'histoire d'un quasi-génie contemporain qui se met une nouvelle fois en danger, pour cette fois réaliser ses fantasmes. Insurgentes, ou la bande sonore d'un Homme laissé à la marge, paumé, mélancolique. Sinistres et mélodiques à la fois, les titres puisent dans une interminable liste d'influences, des bidouillages les plus effrayants ("Salvaging"), aux harmonies les plus subtiles ("Harmony korine", "Significant other"). Avec cette toute nouvelle liberté, Steven Wilson a trituré, parasité des lignes mélodiques épurées pour en sortir un maelström d'altérations inquiétantes ("Get all you deserve"). Le beau et le dérangeant sont réunis à la faveur d'un esthétisme puissant, noir et sinistre.
S'entourant de musiciens tels que Gavin Harrison (Porcupine Tree), Jordan Rudess (Dream Theater, Liquid Tension Experiment) ou le célèbre bassiste Tony Levin, Steven Wilson donne une suite logique à ses créations passées. "Harmony korine" est proche de Porcupine Tree, "Salvaging" diffuse un riff qui ne lui serait pas étranger, "No twilight" progresse à partir d'une simple ligne de basse. Mais tout le travail effectué "autour" du son propose une envolée transcendante, bruitiste ("Twilight coda"). Presque insoutenable. Presque dramatique. Au-delà de l'évidente intensité musicale, "international popstar" décline de larges ambiances vocales, aux textes sombres. "Significant other" est à cet égard une perle rare, aux chœurs lyriques frissonnants. Aussi intriguant soit-il, probablement trop opaque pour la plupart des étrangers du style, Insurgentes est aussi un plaidoyer. La création artistique se paie, et Steven Wilson s'offre en guise de promo une série de vidéos où il décrit, avec un certain entrain, comment détruire des Ipods. Explications à la clé.
Difficile à résumer, l'esprit d'Insurgentes est un complexe de musiques, (dés)intégrées, remaniées avec le talent que l'on connaît à son auteur. D'une perception assez simpliste aux premiers abords, Insurgentes prend tout son sens dans la longueur, dans ce voyage post-moderne, sombre et brut. Un subtil décor, tantôt nu, tantôt surchargé. Comme une rue. Longue et pesante.