Soulfly : Dark ages C'est en ces âges plutôt sombres (catastrophes naturelles, crises socio-économiques, émeutes) que débarque le nouveau Soulfly. Un an et demi après un Prophecy assez réussi, mais que beaucoup n'auront pas manqué de descendre sous prétexte que ce n'était pas du Sepultura (forcément), Max Cavalera et sa tribe, exceptionnellement inchangée, reviennent pour nous livrer ce Dark ages. Un disque dont on ne savait trop à quoi s'attendre, mais avec Soulfly, ne doit-on pas quelque part, s'attendre au meilleur comme au pire ?
Petite mise au clair, on pourra gloser longtemps sur les choix musicaux de Max Cavalera, quoiqu'on en dise, reconnaître cet homme a quand même en partie changé la face du monde du metal ne semble pas discutable. Parce qu'en jetant un coup d'oeil sur les 20 ans de carrière du bonhomme, on se rend compte qu'entre Sepultura, Nailbomb et Soulfly, le charismatique brésilien s'est forgé une carrière taillée à la main dans le marbre et dispose d'une aura incontestable. Dark ages était annoncé par Max en personne, comme l'album du retour aux sources. Aux sources de quoi ? Voilà bien une expression souvent galvaudée ces temps-ci et ce, par nombre de groupes cherchant surtout à faire monter le buzz autour de la sortie de leur nouvel album. Mais que voulez-vous, quand quelqu'un comme Max Cavalera dit ça, on se tait, on s'assoit et on écoute. Et on a raison, parce que, brutale surprise, là où l'on était un peu sceptiques de voir aussi rapidement un nouvel album de Soulfly, Dark ages envoie le gros son. Du lourd, massif et sans concession, écrit dans la fureur et dans le sang. 15 titres de métal sévèrement burné où le groupe pousse le concept, neo-metal + relents thrash old-school + sonorités traditionnelles brésiliennes, à son paroxysme pour nous offrir, après Roots et Chaos A.D, l'album de tribal metal ultime. L'introductif "The dark ages" nous fait pressentir la déflagration, parfaite mise en bouche languissante et moite, quelques dizaines de secondes qui préfigurent ce qui sera la première claque de cet opus : "Babylon". Un titre qui a un arrière goût de "Roots bloody roots" et dans lequel Soulfly passe la seconde, envoie les décibels en atomisant les tympans de l'auditeur non averti, celui-là même qui a fait l'erreur de pousser le son un peu trop fort [expérience personnelle (sic)]. Un premier coup de semonce de la part des brésiliens, une déflagration qui ne sera pas sans suite. La bête est lâchée et Soufly enquille sans sourciller un "I and I" à l'odeur de souffre et aux influences purement thrash. Une vitesse d'exécution assez remarquable, une puissance de feu assez impressionnante et quelques lignes de gratte virtuoses, Max et ses hommes remettent l'église au milieu du village, Soulfly est venu pour jouer du métal, du vrai, du pur et dur. Mais ça, c'était avant d'envoyer sur la platine le monumental "Carved inside", une tuerie, que dis-je, une véritable boucherie taillée dans le roc et la haine. Arme de destruction plus que massive, pilonnage massif de Joe Nunez derrière ses fûts, bien aidé par son alter-ego de la section rythmique, Bobby Buns, maîtrise formelle hallucinante de Marc Rizzo (pourtant ex-Ill Niño) à la gratte; et, enfin mais non des moindres, un Max Cavalera plus en forme que jamais.
Dark ages est exactement ce que l'on était en droit d'attendre de Soulfly et, conscient de l'effet produit, le groupe ne se prive pas pour nous lâcher des titres aussi monstrueux que l'impitoyable "Rise again" ou les détonants "Molotov" et "Frontlines". Conformément à ce qui avait été annoncé, la musique du groupe est effectivement revenue à ses racines. sauf que le groupe à malheureusement toujours tendance à retomber dans ses travers avec notamment un "Innerspirit" bicéphale et assez déroutant. Un titre mélangeant le gros métal qui déboîte avec des passages flamenco, signés Marc Rizzo, pour un résultat qui ne convainc pas vraiment. A l'inverse d'un "Corrosion creep" aussi compact que addictif, ou d'un "Riostarter" à l'intro quasi identique à celle de "Tribe" (titre présent sur le tracklisting du premier effort du groupe). Décidé à en découdre avec les dieux du metal, Soulfly en rajoute encore une couche avec l'apocalyptique et glacial "Bleak", ou l'industriel et post-Nailbomb "(The) march". Et si Max se sent obligé de nous infliger encore une fois un duo avec son fils Richie ("Staystrong"), c'est pour mieux conclure sur le traditionnel morceau éponyme "Soulfly V". Planante, fiévreuse et ennivrante, cette ballade influencées par la musique traditionnelle brésilienne et le flamenco conclue sur une note de douceur un album pourtant brutal, agressif et saignant. On n'est plus à un paradoxe près.
A l'heure de son cinquième album, Soulfly nous offre avec Dark ages le disque que l'on attendait plus, une véritable bombe souterraine furtive, un album sombre et racé, d'une moiteur presque palpable, un nouvel opus à l'artwork renvoyant aux grandes heures de Sepultura, normal le designer est celui qui s'est chargé de faire les pochettes de Arise et Chaos A.D notamment. Qu'on se le dise, cette fois Max Cavalera est définitivement de retour et le fait savoir.

A noter que la version collector de l'album contient 3 pistes bonus avec un titre inédit "Salmo-91" ainsi que deux morceaux live "Prophecy" et "Seek'n'strike".