Metal Métal > Soen

Biographie > SoTool

Avec un acte de naissance "officiellement" daté à 2004, Soen peut surprendre par sa faible productivité mais c'est surtout parce que le groupe n'est réellement entré en activité qu'en 2010. Formé à l'initiative de l'ex-batteur d'Opeth Martin Lopez (également dans Amon Amarth) et d'un certain Kim Platbarzdis (guitariste de son état), le projet ne prend donc forme qu'à l'arrivée d'un vocaliste, en l'occurrence Joel Ekelöf (actif dans le groupe Willowtree) et connaît un coup d'accélérateur médiatique lorsque Steve DiGiorgio, bassiste de notamment Death puis Testament vient se greffer au trio comme quatrième larron.
Le quartet se met alors au travail et enregistre entre 2010 et 2011 un premier abum, intitulé Cognitive, qui sort finalement début 2012 via Spinefarm Records.

Soen / Chronique LP > Memorial

Soen-Memorial Je renoue avec Soen avec ce Memorial (le groupe a sorti Lotus puis Imperial depuis Lykaia) et j'ai comme l'impression d'avoir raté un truc tant le groupe a évolué depuis quelques années. Tu ne verras donc pas de comparaison avec "le" groupe auquel les Suédois ont longtemps été comparés dans cet article. Le chant a quelque peu changé (il semble encore plus clair), les compositions semblent plus "simples" (et pourtant certains plans nécessitent une belle technique) et si l'ensemble reste soigné (digipak cartonné, superbes photos...), c'est certainement moins fouillé que par le passé. En enchaînant les sorties, Soen occupe le terrain et trie certainement un peu moins ses idées. Le résultat me laisse donc un sentiment mitigé tant ils sont capables d'écrire d'excellents titres alors que d'autres manquent de saveur.

Parmi les morceaux qui auraient mérité un peu plus de travail, je liste "Fortress", "Memorial", "Icon" et "Vitals", ils ont bien des petits trucs intéressants (la fin d'"Icon" par exemple) mais le combo joue sur la facilité bien trop souvent, se refusant à tenter des choses complexes et plus inattendues. Quelques plages sont de bonne facture mais quand on s'appelle Soen, on doit proposer davantage que cet "Incendiary" au break sympathique mais trop long, ce "Tragedian" aplati dont on ne retient que le beau solo à la Pink Floyd ou "Hollowed" sauvé par le renfort d'Elisa au chant. Finalement, les trois compositions les plus éclatantes sont les trois premières, comme si la suite ne pouvait rivaliser avec cette débauche d'énergie et de bonnes idées. Ce n'est peut-être pas un hasard si ce sont donc "Sincere" (quel délice que ce break central Porcupine Tree dans l'âme, alors que le reste est assez vindicatif), "Unbreakable" (la tonalité du chant, plus grave, et les chœurs lui donnent une identité forte) et "Violence" (et son introduction qui hérisse les poils) qui entament cet opus.

C'est le souci quand on a sorti d'excellents albums, à la moindre petite défaillance, on vous tombe dessus. Quand pas mal de groupes aimeraient avoir la créativité de Soen, je les trouve très vite moins fringants quand quelques passages ne procurent d'émotions aussi intenses que celles auxquelles j'ai été habituées. Mais comme on dit : "qui aime bien, châtie bien" et "qui aime trop mal étreint".

Publié dans le Mag #57

Soen / Chronique LP > Lykaia

Soen - Lykaia Début 2017, Soen nous offre un nouvel album de très grande qualité, avec en sus, un digipak méga classe qui mélange gravure et dessin pour toucher une autre corde sensorielle que celle de l'audition. Lykaia est leur troisième opus depuis 2012 (Cognitive puis Tellurian en 2014), pour rappel 10,000 days date de 2006, sans connaître son histoire à venir le groupe aura au moins fait une carrière exceptionnelle le temps que d'autres n'écrivent qu'un album (peut-être un double mais bon, putain, c'est long !). Sans faire exactement du Tool (ce qui est impossible et/ou peu intéressant sur le plan créatif), les Suédois ont l'art de, régulièrement eux, nous rappeler ô combien Tool nous manque.

Et l'une des meilleures alternatives à notre besoin d'être emporté dans des mondes parallèles avec une voix magique et des structures complexes reste Soen. Pour autant, le quintet est bien plus "pop" que les Américains, leur musique est plus douce, plus aérienne, plus chaleureuse, à uniquement écouter "Lucidity", certains ne verront même pas pourquoi citer Tool. A l'instar de son thème principal, le jeune et docile éphèbe peut se transformer en bête sauvage, les lykaia étant un antique rituel visant à la mutation en loup-garou. Normal donc de trouver des titres avec davantage de mordant comme "Sectarian", "Orison", "Opal", "Sister" ou "Stray", math metal ou métal prog sont alors au programme. Mélangeant les genres avec délice, Soen dompte et caresse le lycanthrope avant de le relâcher.

Rugosité et délicatesse restent les maîtres mots de Soen dont la capacité à nous émouvoir est intacte. D'abord sympathique, Soen est vite devenu indispensable pour rendre l'attente moins insupportable, aujourd'hui, ils mettent la pression car depuis une dizaine d'années, ce sont eux qui occupent le terrain et le font sacrément bien.

Soen / Chronique LP > Tellurian

Soen - Tellurian Forcément toujours dans la veine prog/métal avec une voix claire, Soen revient en cherchant à se démarquer un peu plus de la référence obligatoire qu'est Tool. A commencer avec un artwork très coloré qui, malgré la présence du rhinocéros, n'a rien à voir avec celui d'Ionesco, il s'agit juste d'une oeuvre du peintre mexicain Jose Luis Lopez Galvan, auteur de peintures à l'huile dans lesquelles les animaux prennent souvent la place des humains, une oeuvre qui forcément nous fait réfléchir. Les textes sont eux aussi assez instrospectifs avec la relation à l'autre comme fil conducteur, Soen affirme ainsi davantage sa personnalité et existe par lui-même dans le fond comme dans la forme.

Car, si on parlait forcément de Tool lors de la sortie de Cognitive, les douces mélodies et la voix cristalline tout comme les parties en guitares non distordues appellent d'autres noms comme Porcupine Tree ou Empty Yard Experiment. Sur certains titres, on passe d'ambiances "classiques" pour ce registre à des moments bien plus rares comme la fin a capella de "Kuraman" ou le style religieux du chant de "Void". Et si le timbre de voix permet d'identifier (et donc de différencier) Soen, le groupe met également en avant une basse qui sait se faire ronde et chaude ("Koniskas"), des rythmes dont la multiplicité force l'admiration (passant du quasi néant de "The words" au déluge de "The other's fall") et des guitares incisives aux distorsions parfois un peu passe-partout ("Tabula rasa") qui séduisent surtout quand elles sont assagies ("Pluton").

Par différents aspects, Tellurian semble bien plus spirituel que terrestre, derrière quelques déflagrations on trouve beaucoup de sagesse et d'émotions. D'ailleurs s'il ne fallait retenir qu'un maître mot de cet album, ce serait celui-là : émotions. Tant Soen arrive à nous les transmettre avec délicatesse.

En attendant toujours et quand même le nouveau Tool...

Soen / Chronique LP > Cognitive

Soen - Cognitive Ça a l'esthétique de Tool (clairement), la griffe artistique de Tool (quand même...) et pourtant ce n'est pas Tool. Mais Soen. Précédé d'une réputation à la fois flatteuse et potentiellement problématique selon de quel point de vue on se place : émule doué ou vague clone dépersonnifié, Cognitive est donc l'attendu premier album de ce quartet au casting plutôt attrayant d'autant plus qu'il réunit des personnalités qui, a priori, n'évoluent pas vraiment dans la même sphère musicale que la bande de Danny Carey & Maynard James Keenan. De fait, c'est avec un mélange d'attraction inévitable et d'appréhension finalement compréhensible que l'on enfourne l'objet dans les mange-disques.

Et là double surprise : une fois passée sa poussive introduction ("Fraktal"), les Suédois prennent leur envol sur un "Fraccions" qui, dans un registre à la fois rock et metal alternatif, fabrique d'élégantes constructions harmoniques, distille de savoureuses mélodies en exploitant un potentiel dès plus évidents. Même si l'ombre de Tool (on y vient) plane régulièrement, sinon constamment, sur des créations sonores qui manquent un peu de personnalité comme de souffle ("Delenda", "Last light"), Soen parvient à sortir du lot. Car, au fil des titres, on distingue quelques éléments instrumentaux et passages vocaux qui font que le groupe parvient à se suffire par lui-même (le mélange de douceur et de puissance sur l'envoûtant "Canvas", "Oscillation" porté par une mécanique rythmique de haute précision).

Tout cela pour finalement ne plus ressembler que d'assez loin (du moins par rapport à ce que l'on en redoutait) à l'évidente et incontournable figure de marque évoquée précédemment (on ne va pas encore la citer), même si évidemment, il y a toujours ce rapprochement si aisé à faire entre l'icône et un Soen qui ne sort là que son premier album studio. En l'état, Cognitive est un disque mêlant habilement rock progressif et metal alternatif pour proposer bien mieux qu'un simple sous-Tool (on n'y aura pas échappé bien longtemps), une sorte de produit dérivé idéalement servi par une poignée de titres très bien ficelés (un "Purpose" salvateur, l'excellent "Slithering" à l'intensité contaminatrice) un peu à la manière du Riverside des débuts. Même s'il le fait manquant parfois de cohésion artistique et/ou souffrant de quelques baisses de tension pas toujours heureuses.

En attendant le nouveau Tool (?).