Pas de bol pour Slipknot ! Alors que le groupe n'avait jamais laissé patienter ses fans autant entre deux albums, il faut que cette sixième livraison se fasse trois semaines avant la sortie du Fear inoculum de Tool qui squatte toute l'actu de cet été 2019. Le groupe connaît aussi des soucis judiciaires avec leur désormais ex-percussionniste Chris Fehn qui les attaque en justice jugeant que certains s'en mettent plus dans les poches que d'autres via des moyens détournés. Ajoute à ça les envies de départ de Corey Taylor, un fan qui meurt lors d'un concert, quelques échanges musclés sur Twitter à propos du streaming et un nom d'album (We are not your kind qu'on peut traduire par "on n'est pas ton genre") qui n'invite pas forcément à la rencontre et tu as une vue d'ensemble à peu près aussi excitant qu'un de leurs nouveaux masques.
Pas de bol parce que cet album est peut-être leur meilleur. Je n'ai jamais été fan de Slipknot pour de multiples raisons déjà exposées par ailleurs mais force est de constater que le combo propose ici une musique plutôt recherchée et intéressante. Des titres comme "Birth of the cruel", "Critical darling" ou "Spiders" apportent suffisamment de variétés pour en faire de vrais morceaux et pas de simples hits pour faire headbanger les maggots, ces derniers pourraient d'ailleurs ne pas s'y retrouver tant les mosh parts sont discrètes, mis à part "Solway firth", ils ont peu l'occasion de retrouver des parties simplistes, même le premier single "Unsainted" possède des plans qui le sauvent de son refrain un peu mielleux (par contre, on ne peut pas sauver grand-chose du clip à part son introduction). Des mélodies punchy, des guitares pimentées, des rythmes pas uniquement baston, des interludes qui donnent du corps, franchement, le gang a pris le temps de bosser et ça se ressent. J'adore les modulations de "Nero forte" (That's what you do best) au chant comme à la guitare, ça joue sur tous les tableaux et ça émoustille les sens. Même quand le combo débranche quasi tout pour "My pain", ils restent glauques avec des samples et une construction dérangeante plutôt post-industrielle, rien de tel pour faire sentir le malaise. En plus, ils ont la bonne idée de remettre leur jeu en place sans forcer avec l'intro de "Not long for this world".
Pas de bol pour moi, je dis du bien d'un des groupes que je préférais détester. Bon, je ne vais pas foncer m'acheter le sac banane à 27 euros mais je vais devoir nettement nuancer mes propos quand on me trollera sur le sujet, ce We are not your kind me correspond tout à fait, des titres sincères, tortueux, pas bourrins juste pour être bourrins et assemblés avec intelligence. Pour un peu, ce serait presque ce que je pourrais dire de Tool...
Publié dans le Mag #39