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Biographie > The (stoner) doom generation

Sleep L'histoire commence à la fin des années 80 du côté de la californienne cité de San José et s'est depuis nourrie de nombreux rebondissements façons 24 Heures Chrono ou presque... A cette époque se forme alors le groupe Asbestos Death autour de Chris Hakius (batterie), Al Cisnesros (basse/chant), et Tom Choi (guitare). Notamment influencé par le l'incontournable Black Sabbath, le trio est rejoint un peu plus tard par un second guitariste, le géant Matt Pike (depuis devenu membre à part entière de High on fire, et enregistre plusieurs EP's, histoire de se faire la main en taillant du riff qui bétonne. Après un petit remaniement interne, exit Choi welcome Justin Marler.

Résultat indirect, dommage collatéral, Asbestos Death devient Sleep. Remarqué par le label indépendant Tupelo Records, Sleep sort dès 1991 son premier album, sobrement intitulé Volume 1 et qui compile notamment quelques morceaux écrits du temps d'Asbestos Death. Après un nouvel EP l'année suivante (Volume 2 EP), Justin Marler quitte le groupe qui redevient trio et signe chez Earache Records, chez qui le groupe sort Sleep's holy mountain. On est alors en 1993 et Sleep vient de poser une énorme mine au coeur de la scène metal/ stoner de l'époque. Doom crasseux, stoner metal massif, southern rock burné, le groupe accède au rang de culte et c'est avec le producteur de Holy mountain que Sleep compose et enregistre alors un album composé d'un seul et unique titre de plus de 60 minutes ! Effrayé par le côté hermétique et le faible potentiel commercial d'un tel disque, London Records chez qui le groupe a entre-temps signé refuse unilatéralement de sortir le disque, entraînant de fait, le split pur et simple du groupe.

Mais, parce qu'il y a un rebondissement dans cette histoire, Lee Dorian (Cathedral), fondateur du label Rise Above (Electric Wizard, Capricorns, sHeavy, Firebird, Orange Goblin et quelques autres...) récupère les masters de l'album et le sort dans une version amputée d'une dizaine de minutes, divisée en 6 segments et baptisée Jerusalem. L'initiative louable, ne fait pourtant pas oublier que l'album n'était en réalité composé que d'une seule piste audio, mais (oui, encore un), en 2003, Tee Pee Records rend enfin grâce au travail de Sleep en sortant Dopesmoker dans sa version intégrale, agrémenté d'un morceau live. Cette fois, l'histoire du groupe semble terminée, sauf que... en 2005, Al Cisneros (resté silencieux pendant pas mal de temps) et Chris Hakius (qui a entre-temps formé The Sabians), deux des membres de Sleep de la première heure reforment un duo baptisé Om et préservent ainsi l'héritage de l'un des groupes fondateurs du mouvement stoner/doom.

Sleep / Chronique LP > Dopesmoker [réédition]

Sleep - Dopesmoker [réédition] Dopesmoker : l'album "ultime" par définition méritait-il une réédition ? Sur le papier, l'intérêt mercantile est évident (et du reste confirmé par le succès de cette re-sortie outre-Atlantique), notamment pour un Southern Lord qui s'est imposé depuis quelques années comme LA figure incontournable de l'underground "métallique" sludge/doom/drone/black avec à son catalogue des groupes comme Earth, Goatsnake, Pelican, Pentagram, Om, Khanate, Sunn O))) ou Wolves in the Throne Room. En ces temps si difficiles pour l'industrie du disque, un beau petit succès commercial permet de verrouiller un budget, un bilan et d'assurer le coup pour les quelques sorties à venir. D'un point de vue artistique, une édition remasterisée et (très bien) repackagée, oui, pourquoi pas après tout, si ça peut faire (re)découvrir le groupe. Enfin ça, c'était avant d'écouter ledit objet.

Parce qu'une fois l'album sur la platine, force est de constater que le rendu une fois remasterisé est assez redoutable dans son genre. Et que le stoner-doom superlatif des américains prend une ampleur assez inédite en son genre malgré les cris d'orfraie que ne manqueront certainement pas de pousser les puristes. Toujours est-il que si le résultat sonne monstrueusement bien, les fondements de Sleep n'ont pas été souillés par ce nouveau mastering et l'album est au final ce qu'il a été depuis des années et sera toujours : un énorme trip initiatique Sabbathien emmenant l'auditeur jusqu'au tréfonds de la mouvance stoner, doublé d'un manifeste doom hyperbolique dans lequel on s'abandonne sans savoir pourquoi ni comment. Une manière assez unique de prendre des riffs et de les faire léviter entre ciel et Terre, un psychédélisme puissamment enfumé et une lourdeur écrasante qui fait des apparitions régulières lorsque le groupe revient piétiner la rocaille, le vocaliste-lui s'économise assez largement mais l'effet produit relève quasiment du prodige : la grosse heure de musique que réserve la première piste de Dopesmoker, qui est rappelons-le à toutes fins utiles un seul et unique morceau à la base, s'offre quelques mouvement doom/stoner complètement hallucinants. Et si l'autre "titre" figurant au tracklisting de cette réédition est une captation live d"Holy mountain" au rendu sonore là pour le coup assez médiocre (l'enregistrement date de 1994 en même temps...), la remise au goût du jour de l'un des disque fondateur de cette vague musicale dans laquelle s'ébroue Sleep est des plus honorables. Et puis l'album vieillit toujours aussi bien ce qui n'est pas non plus donné à tout le monde.

Sleep / Chronique LP > Dopesmoker

sleep_dopesmoker.jpg S'il y a un terme que je déteste voir dans les chroniques d'album, c'est bien "Ultime" (avec un grand U, ou en majuscule pour les die-hard fans). En effet, il est souvent vrai que le chroniqueur, une fois venu à bout de tous les adjectifs dithyrambiques de son répertoire pour qualifier son disque préféré, a tendance à nous balancer du "Ultime" à toutes les sauces. Il y a donc bien longtemps que j'avais banni ce mot de mon vocabulaire pour décrire un disque. Oui mais voilà, quand on se tient à des principes à la con comme celui-là est que l'on se retrouve face à un disque pareil. et bien on est tout embêté. Parce que oui, ce Dopesmoker est un génial pavé extatique avec des airs d'absolu, de perfection, de définitif, de... (non je le dirai pas !).

Bon, je vais tout de même essayer d'étayer un peu mon propos, commençons donc par une mise en situation historique. Nous sommes à San José, Californie, au milieu des années 90 (pile 1995) et nous avons trois glandeurs complètement stone (Matt Pike (guitare), Al Cisneros (basse et chant) et Chris Hakius (Batterie)) qui décident, en rigolant bêtement, de composer la plus longue chanson jamais enregistrée en guise de troisième album. Ainsi naquit la bien nommée "Dopesmoker", chanson de 63 minutes et 31 secondes. Seulement voilà, nos gaillards n'ayant pas vraiment leur label à la bonne (ils avaient plutôt tendance à dépenser tout leur budget en herbe médicinale que pour faire des chansons), la réponse de ce dernier sera un refus catégorique et non négociable de sortir le disque. L'amertume qui en découla entraînera directement le split du groupe. Fort heureusement, 3 ans plus tard Rise Above, label du bon Lee Dorian (Cathedral, Napalm Death...), acceptera de sortir l'album . amputé de 10 minutes et sous le nom de Jerusalem. Cool, mais pas top. Il faudra finalement attendre 2003 (soit 8 ans après l'enregistrement tout de même !) pour que sorte Dopesmoker, tel que l'avait voulu le groupe. Entre temps, Matt Pike sera parti fonder High on fire (très bon mais dans un style carrément différent, soit heavy-métal stoner teinté de thrash), Chris Hakius lancera The Sabians avec son pote Justin Marler (ex-Sleep justement) tandis que Al Cisneros arrêtera la musique pour un temps (voir biographie).

Mais bon qu'en est-il de la musique dans tout ça ? Et bien on est face à un doom/stoner mystique et écrasant, fleurant bon la verdure et le sable chaud (non non, ce n'est pas antinomique). Un riff d'une lenteur et d'une lourdeur abrutissantes est répété inlassablement, puis évolue en douceur tout au long de cette heure. On pense forcément à Earth pour le jusqu'au-boutisme vrombissant (même si on est bien loin du drone de Earth 2) ou à Electric Wizard pour l'épais nuage de fuzz et de fumée. Le grain de la guitare de Matt Pike est superbe, chacun de ses coups de marteau nous enfonçant un peu plus profondément dans le sable rougeâtre. Le jeu tournoyant de Chris Hiakus convient parfaitement à l'exercice de style, rajoutant à l'état de transe dans lequel vous plonge cette galette. Et le tout est accompagné périodiquement par la voix shamanique de Cisneros, excellent dans son rôle de troll des cavernes sous champis ne connaissant qu'un note (mais quelle note !), et dont la basse omniprésente et bourdonnante vous remue délicieusement les entrailles et vous envoie encore un peu plus haut dans les nuages, contempler d'un air distant cette misérable humanité qui n'est décidément que peu de chose face à la puissance des éléments. Vos tympans se liquéfient, votre cerveau explose et vous atteignez enfin l'éveil au milieu de la destruction vous entourant de toute part (au choix : une pluie de météorite, l'Apocalypse, le Ragnarök, la station Mir, ou n'importe quelle autre fin du monde.).

Un disque forcément à part donc, dont on se relève difficilement (voire pas) pour peu qu'on se laisse prendre dans ses méandres. Un disque culte qui a marqué son empreinte au fer rouge dans la famille des musique lentes et lourdes (à fort juste titre). En un mot : un disque ULTIME (et merde, je l'ai dit.). De plus, vous est offert en digestif "Sonic titan", une chanson live fort sympathique qui permet de revenir dans le monde réel de manière un peu plus progressive et qui vous donne un aperçu de ce qu'était Sleep avant ce monumental monolithe. Bon, nul besoin de vous dire que je recommande chaudement l'écoute de ce disque à tous ceux qui pensent que faire une chanson d'une heure n'est qu'un vaste foutage de gueule ainsi bien sûr qu'à tous les fans de musiques désertiques et hallucinatoires. Et puis sinon un petit conseil pour la fin, le mode d'emploi est dans le titre.