"It seems excessive...but that doesn't mean it didn't happen". Difficile de faire meilleure phrase d'accroche pour une autobiographie qui s'annonce sulfureuse et instructive. Slash est un "personnage" du grand cirque qu'est le rock 'n' roll et même si certains le trouvent ringuard (ce qui n'est, soyons clair, absolument pas de mon avis), cette légende mérite bien que l'on s'attarde sur son cas. Publiée aux Etats-Unis et en Grande Bretagne en 2007, cette autobiographie se devait d'être traduite dans la langue française et c'est bien sûr nos amis de Camion Blanc qui ont décroché la timbale il y a de cela quelques semaines. Ce qui signifie que l'histoire de Saul Hudson (le véritable patronyme de Slash) s'arrête dans ce livre à l'aube du deuxième album de Velvet Revolver et ne tient donc pas compte du gâchis suivant la sortie Libertad (sacré Weiland !) et la sortie de son projet solo sobrement intitulé Slash paru il y plus d'un an (même si l'éditeur a eu la bonne idée de réaliser une petite interview du Gunner pour résumer les quatre ans qui ont suivi la parution de son autobiographie).
Slash, le pistolero des Guns N' Roses, auteur de riffs inoubliables, à la touche (vestimentaire et musicale) hors du commun et aux multiples collaborations (Motörhead, Mickael Jackson, Bob Dylan, Alice Cooper et bien d'autres...). Slash, le type qui (re)démocratisa dans les années 80 la paire Gibson/Marshall et qui jammera sur les scènes du monde entier pour délivrer la bonne parole du rock. Mais aussi Slash poursuivi par les mauvais démons de l'alcool et des drogues (oui, des, car il a touché à tout ou presque) et aux multiples conquêtes féminines.Le triptyque Sex, Drug & Rock 'n Roll dans toute sa splendeur. J'ai toujours eu un respect sans faille pour ce musicien qui m'a énormément inspiré et qui m'a donné l'envie de m'acheter ma première guitare (puis ma deuxième, puis ma troisième,.), sans parler de son aura qui m'a scotché lors des deux concerts des Guns et des Velvet Revolver auxquels j'ai pu assisté. Et même si on est pas fan du musicien, n'est-il pas intéressant de découvrir la vie d'un authentique rockeur ?
Comme dans toutes ce genre d'autobiographie, le lecteur a droit au portrait du gamin depuis sa naissance, gamin qui deviendra vite trop grand. Né en Angleterre (à Stoke on Trent, lieu où il captera son premier album live paru en 2011) dans une famille d'artistes (sa mère sera notamment costumière de David Bowie avec qui elle aura une liaison), Slash quitte l'Europe pour s'installer avec sa mère à Los Angeles. Véritable cleptomane et champion de BMX dans son enfance, "Slasher" connaîtra une éducation libre et découvrira sur le tard la guitare pour laquelle il aura une passion jusqu'à son dernier souffle. Et dieu sait que son dernier souffle, il a failli le pousser trop tôt. Adepte de la cocaïne et de la boisson alors qu'il n'était qu'un adolescent, il rencontrera Steven Adler (batteur des futurs Guns N' Roses) avec qui il fera les 400 coups et envisagera de faire du rock 'n' roll son cheval de bataille. Slash détaille (et s'attarde, car ce bouquin consacre énormément de temps à ces dix années fastes) la rencontre avec les autres membres des Guns N' Roses, le succès quasi immédiat, les tournées à n'en plus finir et les frasques liées à sa nouvelle vie de rock star. Ce bouquin révèle un Slash droit dans ses bottes, sachant pertinemment que faire et ne pas faire pour hisser son groupe au sommet, mais aussi un jeune homme adepte de substances illicites et de boissons en trop grande quantité. A l'instar de ses idoles (Lemmy, Ozzy,.), Slash flirte trop souvent avec la ligne blanche et connaîtra des périodes douloureuses dues à ses addictions carabinées. Il est "intéressant" de constater que les périodes les plus noires de son existence sont liées à des retours de tournées mondiales longues, harassantes, mais couronnées de succès et particulièrement excitantes pour l'homme au chapeau haut de forme pour qui la scène est la drogue la plus bandante.
Des retours de tournée où il se retrouve livré à lui même, sans personne pour gérer sa personnalité bouillante et sans autre occupation que de noyer son inactivité dans l'alcool et la poudre. Guns N' Roses restera pour l'éternité un groupe de tous les records, qu'on parle de vente de disques, de réputation sulfureuse, de concerts à n'en plus finir.et de polémiques foireuses. Même si le guitariste donne ses raisons qui l'ont poussé à quitter le groupe (la principale était qu'il ne supportait plus le manque de respect qu'Axl avait envers ses fans en montant sur scène avec des retards inimaginables, sans parler des problèmes de droits liés au nom "Guns N' Roses'), on imagine que tout n'est pas raconté concernant ce sujet, et je suis personnellement resté sur ma faim, même si je me dis que cette séparation a du le meurtrir au plus haut point et que beaucoup de raisons expliquant la rupture brutale de sa collaboration avec le groupe sont trop personnelles. En ce qui concerne le reste, aucun tabou, Slash déballe la grande artillerie, et les scènes cocasses et autres histoires improbables sont narrées pour le plus grand plaisir du lecteur (avec notamment le récit de tournée avec les dangereux Motley Crüe, le fait qu'il a failli devenir, avant les Guns, le guitariste de Megadeth, l'enregistrement de la voix féminine de "Rocket Queen" que je vous laisse découvrir par vous même, les journées à se défoncer, les frasques d'Axl sur la tournée commune avec Metallica se soldant par quasi quelques dollars de bénéfice au terme du tour, j'en passe et des plus sordides). La mort et la déchéance s'entremêlent à l'excitation d'atteindre les sommets (musicaux et chimiques) et de s'adonner à la sa passion qu'est la musique. Cette biographie permet de mieux comprendre le fonctionnement de cette machine qu'est devenu en très peu de temps GN'R et pour laquelle personne n'était préparée, pas même leurs instigateurs. Il est ainsi troublant d'apprendre que selon Slash, le début de la fin coïncide avec l'enregistrement des deux "Use Your Illusion" et la mastodonte tournée qui suivra et qui durera deux ans et demi. Slash évoque également avec beaucoup d'intérêt son projet "Snakepit" agrémenté de deux disques et la naissance de Velvet Revolver, "super groupe" au potentiel énorme mais au personnel intoxiqué, sans passer outre sa famille et ses deux enfants issus de son union avec Perla, sa deuxième épouse (avec qui il coucha la veille de son premier mariage, genre le gars était quand même visionnaire ou alors vraiment culotté !).
Cette autobiographie est un véritable bijou qui met en scène un homme maintenant posé (quoique) qui a frôlé plusieurs fois la mort (l'épisode quand son coeur arrête de battre pendant huit minutes est prenant) et qui a toujours voulu assouvir sa passion pour le rock, au risque de compromis hasardeux et d'erreurs de "business plan". Slash est un homme entier, respectueux dans sa vision de la musique, parfois dangereux dans ses rapports humains mais incontestablement humain dans ses rapports dangereux avec la drogue et le reste. Même si sa vie de débauche ne l'a pas épargné, c'est bien cette vie que Slash a voulu, et pour rien au monde il ne voudrait en changer.
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