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Biographie > Cours vite

"Cours vite". C'est ce qui restait de la jeune et florissante épopée de Silmarils version 1993, alternative fusionnelle rafraîchissante et bienvenue à une époque où le peuple n'avait plus de prophètes, perdus entre le maigre choix que constituait les clans Telephone et Indochine. Plus tard, ce fut l'avènement logique du néo, barbarisme tragique pour un genre inévitablement décapant et décapé jusqu'à l'os par des centaines de clones n'hésitant plus du tout à prendre le hip hop par les Korn. Et Silmarils de s'effacer, éphémère retour d'un Original karma puis d'un Las Vegas 76 où s'il y avait du sport, il manquait un peu de sueur dans les vestiaires du groupe francilien le plus talentueux de sa génération. Mais alors que le néo oublie d'être nouveau, ce sont ceux que l'on attendait le moins qui viennent lui poser cette banderille assassine entre les deux yeux. Tué ou être tué, 4Life les Silmarils ont fait leur choix. Rien ne sert de courir...

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Silmarils / Chronique LP > Silmarils

Silmarils - Silmarils 1995. L'année de la première production longue durée des Sales Majestés, de Kickback, de Condense, de Tantrum ou de Hint. Rien que ça... De la deuxième de Zebda et de plusieurs de la part de Portobello Bones. De l'ultime album des Tétines Noires et des Garçons Bouchers, ainsi que d'une mini-compil' pour ces derniers, alors que les Rats quittaient la scène avec un album live. Tandis qu'on commence à ne plus compter les "skeuds" de La Souris Déglinguée, des Sheriff, de Loudblast, des Young Gods ou des Thugs, ni des Têtes Raides même si les ex-Red Tet ne publient rien cette année-là. De 1995, on se souvient aussi des sorties discographiques de La Tordue, des Nonnes Troppo, Sourire Kabyle, Sttellla, Spicy Box, Greedy Guts, Dickybird et autres Original Disease. Moins électriques, Miossec lance son premier opus, Général Alcazar, Mano Solo et Théo Hakola n'en sont plus à leur coup d'essai alors que Les Innocents, Jacno, Kat Onoma et L'Affaire Louis Trio ont encore leur place chez les disquaires. Toujours avec 1995 comme référence, OTH se compile ; disparu deux ans plus tôt, Helno fait pleurer Les Négresses Vertes et leurs fans, et Dolly s'apprête à culminer deux ans plus tard (notamment avec des titres signés par un certain David S., parolier d'un groupe détonnant, suivez mon regard...) ; Noir Désir n'a pas encore achevé son hiatus post-Tostaky, la Mano Negra est en train de tirer sa révérence et un certaine formation dénommée Mass Hysteria se donnera la peine de donner vie à un premier maxi l'année suivante.

On continue ? On continue. Les Ludwig Von 88, toujours pas vétérans, assènent un mini-album. Et c'est la première claque envoyée par les débutants de Sleeppers. On en arrive fort logiquement au coeur du sujet puisque outre le passage des Tagada Jones au format CD après une K7 sortie l'année précédente, une poignée de pistes livrées sur un split avec Timide et Sans Complexe par No One Is Innocent - alors que les Burning Heads et Seven Hate en sortent chacun deux (de splits) -, sur un maxi par Oneyed Jack, 1995 est aussi l'année de la mise au monde du premier album de Lofofora, et donc, de celui de Silmarils, qui a aussi fait le choix d'une appellation éponyme pour se dévoiler au public, tout comme le fera FFF l'année suivante avec son troisième effort. Autant dire qu'en ce temps-là, la scène musicale "rock et musiques associées", pour se limiter à l'hexagone et à ses proches environs francophones, avait une sacrée allure. En "ce temps-là", on peut le dire, l'écrire et le répéter à l'envi. Qu'y avait-il donc dans l'air en "ce temps-là" ?

On a du mal à le définir mais David S. et les lascars qui l'accompagnaient alors - Aymeric, Brice, Côme, Jean-Pierre et Jimi, sans oublier DJ Shalom - avaient bel et bien - très bien, même - saisi quelque-chose flottant dans l'air. Un air peut-être fait d'insouciance et de curiosité, d'ouverture au monde et aux autres, de métissage et de mélanges des genres. Une sorte d'éclectisme à toute épreuve et teinté de rébellion. En "ce temps-là", on osait ajouter une trompette, un saxophone et des parties de clavier à un quatuor chant-guitare-basse-batterie sans avoir la volonté de monter un groupe de ska, tout en pensant à poser des scratchs afin de proposer une savante "collaboration vocale, acoustique et digitale, fusion du bois et du métal" comme le scandait Befa de Oneyed Jack sur "OEJ vs Interlope". L'amalgame de rock à "d'autres sonorités" (merci Tagada Jones), ici colorées de cuivres, et de chant venu du hip-hop ont tendance à rendre le métal "néo". Même si dans le cas de Silmarils, l'appellation n'est pas tout à fait adaptée. Puisqu'on reprendra plus facilement le terme de "fusion".

L'air de "ce temps-là", fait de "fusion" et de "néo", allait amener dans les toutes proches années suivantes voir débarquer dans la mêlée aussi bien Tripod, Babylon Pression, Watcha ou Enhancer que, quelques temps après, Absolute, Backstab, Clone Inc., Freedom For King Kong, Khams, Kiemsa, Kobayes,La Phaze, NFZ, TomFool, Troïdes Priamus Hecuba ou Trois Degrés Est. La liste ne se prétendant pas être exhaustive...

En ce qui concerne cet album éponyme des "Sils", l'amalgame sonore ne se limite pas à déverser une énergie folle dès le cultissime "Cours vite" mais prend aussi des contours indus bien pêchus ("Just be true") ou alterne ambiances pesantes et intenses maelströms ("Je ne jure de rien", "Payer le prix") sans oublier de flirter avec le funk ("Killing da movement"). Cette fusion (ô combien réussie !) officie aussi grâce à la diversité des thèmes abordés dans les paroles. Celles-ci n'hésitent pas à critiquer les religions ("Fils d'Abraham", "Victimes de la croix") et le système médiatico-politique ("Mackina", "Communication", "No justice, no peace"), à décrire les coulisses de la scène musicale ("L'agresse") ou à produire des textes plus originaux ("Love your mum", "Je ne jure de rien") voire personnels ("Payer le prix").

Bref, les gens de moins de 20 ans (et même 25...) qui n'ont pas connu "ce temps-là" ont la possibilité de laisser tomber leur i-sono au profit d'un matériel de haute fidélité (et pérennité) afin d'y poser la version, remasterisée pour l'occasion par un certain Francis Caste (AqME, Ed-Äke, Es La Guerilla, Flying Pooh, Sna-Fu, ...), en 33 tours/minute de cet album majeur - dont il n'y a toujours absolument rien à jeter - qui vient de voir le jour. Ils peuvent aussi espérer - si l'air ambiant n'est pas encombré par un maudit virus - assister en live à une session de rattrapage au désormais tristement célèbre Bataclan puisque Silmarils devrait s'y produire le 18 mars 2021 suite au report de la date initialement prévue en novembre prochain.

Dans un quart de siècle, il sera bien trop tard pour regretter de ne pas avoir écouté Silmarils. Alors, sur disque ou sur scène, il n'y a plus hésitation à se pencher sur ce groupe : "cours vite" le (re)découvrir car "ce temps-là" est bien vite passé !

Publié dans le Mag #44

Silmarils / Chronique LP > 4Life

silmarils 4 life Il y a du manifeste dans l'air, comme un parfum d'auto-analyse suggestive gonflée d'une sacrée dose de détermination à faire pâlir un indépendantiste corse. Entre méthode Coué assumé et revendication vengeresse d'une place de leader qu'ils n'auraient jamais du quitter. C'est même le thème principal d'un album qui aurait pu tout simplement s'appeler "Life" tant il respire à plein nez le retour du royaume des morts, le démantèlement du purgatoire. Les Silmarils relèvent la tête, repoussent la pierre tombale et l'étiquette sous laquelle on a voulu les enterrer vivants, défoncent le portail rouillé du cimetière des has been pour aller prendre un bon bain de soleil et de jouvence. Les franciliens revendiquent une honnêteté à toute épreuve ("Pour ça"), une volonté jamais dévoyée ("Je ne dois rien à personne"), un état d'artiste qui ne s'est jamais laissé aveugler par les lumières des projecteurs ("On n'est pas comme ça", "Quoi qu'il en reste") pour mieux se concentrer sur leur propre "Guerilla" urbaine et musclée ("Animal"). C'est bien de ça dont il s'agit d'ailleurs, et quand David Salsedo ne parle pas de son groupe, de sa vie, c'est pour cracher son dégoût de la violence comme argument électoral ("Grass smocking"), des fils à papa embourgeoisés ("Folk song") et surtout de ce "gangster en costard qui fête à l'Elysée sont mot de retard pour le mitard" sur un "Troisième tour" au riff dévastateur et aux rimes qui font froid dans le dos. On passera rapidement sur les vestiges d'une rencontre avec Superbus sur le power-pop "Always shine" qui contraste férocement avec la puissance de feu déployé ailleurs par des Simarils qui réinventent le mot fusion à coup de guitares tranchantes, d'une basse lourde de 10 tonnes et d'un flow maîtrisé à la perfection par l'animal Salsedo, loin des jérémiades des néo-métalleux dreadlockés. Tout ça pour conclure en beauté par un "Smart" désopilant et remuant, aux frontières du réel. Très classe.