Après la parenthèse (néanmoins très intéressante) Vegas 76, Silmarils est de retour avec un album véner, 4Life. Comme son titre l'indique, Silmarils n'est pas mort au grand dam de leurs détracteurs. C'est à Nancy dans le cadre du Festival Nancy Jazz Pulsations aux côtés d'Asian Dub Foundation, Enhancer et Diam's, que ces rescapés de la fusion made in France ont décidé de s'arrêter le temps d'un set mémorable. Après avoir posé des bases dans les années 90 , le groupe revient au meilleur de sa forme pour montrer qu'ils sont encore là et qu'ils ne sont pas prêts de partir du rock. Bilan et rencontre avec David, chanteur du groupe.
La tournée a déjà commencé, vous en avez pas trop bavé pour trouver une set list évidente ou justement est-ce que vous êtes en train de voir vis à vis du public ce qui fonctionne le mieux ?
Non, comparé à l'album d'avant, on en a pas trop bavé car on savait exactement ce qu'on voulait jouer des anciens disques et les morceaux qui nous paraissent incontournables du nouveau. On essaye de faire un set ou il y a pas mal de morceaux du nouvel album et bien sur quelques standards, des morceaux qu'on adore jouer sur scène, que les gens attendent et qu'on attend aussi. Il y a vraiment des quatre albums.
Au bout de quatre albums, justement, n'y a t-il pas des morceaux que vous aimez et que vous avez du enlever et au contraire des titres qui vous lassent mais que le public attend et que vous devez donc jouer ?
En fait, il n'y a rien qu'on n'ait pas envie de jouer car si ça nous gave, on les joue pas. Mai parfois, on doit en enlever pour des impératifs de temps ou pour la cohérence. En ce moment on joue pas "Missing files" et "1980" de Vegas et ça me fait chier donc je pense qu'on va les réincorporer rapidement. Pareil pour des morceaux du deuxième album qu'on ne peut pas jouer car ça ne collerait pas forcément avec la couleur de la tournée. On essaye que les tournées n'aient pas toutes la même couleur. Par exemple, la tournée Vegas était surtout concentrée sur les titres de Vegas avec des décors et un concept. Là, on va revenir vers un truc plus cru, plus agressif, plus radical et donc plus nature.
Ceux qui vous ont connu avec Vegas risquent d'être déboussolés ?
Mais on ne veut pas plaire à tout le monde. On a voulu faire Vegas pour déboussoler ceux qui aimaient les albums d'avant. Certains de ceux qui aimaient Vegas seront déboussolé avec celui là, je crois que c'est un peu le concept, on fait ce qu'on a envie de faire. Cela dit, je pense que tout le monde s'y retrouve un peu car il y a des titres dans l'album qui peuvent plaire aux gens qui aime Vegas car c'est le même ton.
Et chez les médias, certains n'attendaient-ils pas un Vegas 2 ?
Si, il doit forcément y en avoir. Télérama, par exemple, s'attendait à un Vegas 2 en nous disant qu'ils espéraient qu'on allait pas refaire un truc comme avant et continuer dans la mouvance Vegas.
Quel est le recul pour un groupe de métal de connaître un gros hit ? vous n'aviez pas envie d'en retenter un sur 4Life ?
Non, au contraire, on a pas voulu faire oublier le titre mais on a pas voulu le traîner car on avait peur du syndrome Zebda.
Dans le documentaire "Autour de Vegas" (reportage diffusé sur MCM à propos de la tournée Vegas 76), j'ai l'image de vous déçus lorsque vous entendez un remix de "Va y'avoir du sport."
(Rires)
.sur le premier titre de 4Life, on dirait même en quelque sorte que vous vous justifiez d'avoir connu le succès.
Non, on se justifie pas mais on raconte comment on a vu ça de l'intérieur et on en profite dans un même temps pour régler nos comptes avec les gens qui voulaient faire de nous un groupe sympathique et distrayant, ce qu'on a toujours refusé d'être. Sympathiques, d'accord, mais pas distrayants. On a pas envie d'être "gentils".
Après des collaborations avec des américains comme DJ Lethal de Limp Bizkit et Mario Caldato (producteur entre autres des Beastie Boys), pourquoi cette collaboration avec Mass (rappeur issu du collectif de Joey Starr, BOSS) ?
C'est lui qui a voulu collaboré. Il nous a envoyé un beat avec une voix et nous on a fait un morceau car au départ, ça devait être sur son album à lui et finalement, le morceau a fini sur le notre.
Vous n'aviez plus envie de collaborer avec des américains ?
Non, pas des ricains. On voulait un truc sincère qui ressemble à quelque chose, qu'il y ait une vraie rencontre. On voulait pas d'un mec à qui on aurait donné 15 000 dollars pour qu'il vienne faire un demi couplet comme Method Man avec IAM. S'il n'est pas venu pour l'argent, je ne sais pas pourquoi il est venu.
Pourquoi ne pas avoir intégré à l'album votre reprise de Johnny que vous aviez fait sur scène avec Mano Solo ? Ce morceau appartient-il plus à la parenthèse Vegas ?
Oui déjà ! C'est plus cette période là comme le morceau qu'on a fait pour le Tibet. Et puis en plus, foutre un morceau de Johnny sur notre disque, y'avait pas moyen. Je veux bien qu'on puisse rire de lui au 3ème degré, c'est sympa et marrant mais je n'ai pas envie de l'enrichir en faisant une reprise. Il faut savoir arrêter la blague ! (rires)
Votre premier album sentait la Californie, le second évoquait Brooklyn, le troisième promenait vers Copacabana.
Et le quatrième sent un peu la merde. (rires)
.quel endroit ou ville définirez le mieux 4Life ?
Ivry-sur-Seine ! un peu californien musicalement, on peut pas dire. Mais, c'est à Ivry qu'on a passé un an et demi et qu'on a tout fait, de l'enregistrement à la production. C'est sur, ça fait moins rêver mais en tout cas, c'est authentique.
D'ailleurs, en parlant des USA, ça vous a jamais tenté d'essayer de conquérir le marché international ?
Si, bien sûr comme tous les groupes français qui font un premier album, on s'est dit putain vu comme ça cartonne ici, les américains, on va les mettre a genoux. et comme tous les groupes français on l'a pas fait (rires). On a même pas essayé.
Quel regard portez-vous sur l'affiche de ce soir ?
Nous, on aime bien car c'est vachement ouvert. Asian Dub Foundation, on s'est croisé plein de fois car on a sorti à peu près nos premiers disques en même temps. Enhancer, on a jamais joué avec eux mais on trouve ça plutôt cool. Et Diam's, moi je kiffe. Ca va être peut-être plus dure pour elle ce soir vu que l'affiche est assez rock, encore que beaucoup de gens viennent pour elle.
Bah je l'ai vu y'a un mois et elle tient vraiment bien une scène
Ah ouais ? Moi j'aime bien cette meuf, j'aime bien le personnage.
Aymeric (la batteur) a participé à l'album des StereoTypical Working Class, qu'est ce que tu penses de la nouvelle scène métal en France ?
C'est comme tout, il y a à boire et à manger mais globalement, ça joue beaucoup mieux. C'est bien car c'est bouillonnant même si il y a des groupes que je préfère à d'autres.
Lesquels ?
D : J'aime assez Feverish, StereoTypical Working Class. J'ai trouvé le concert d'Aqme pas mal quand on a joué avec eux il y a quelques mois. Les autres style Pleymo, Enhancer, j'ai pas encore vu.
Pour le premier album, vous avez été mis à l'écart des groupes genre Lofo, Oneyed Jack.
Heureusement.
.qui se revendiquaient plus indés que vous. Maintenant vous avez trop d'ancienneté pour être comparé à la nouvelle scène. Vous vous situez comment, n'as-tu pas l'impression qu'à l'heure des collectifs, Silmarils est un peu l'électron libre du rock français ?
Il y a toujours eu des collectifs même à l'époque des groupes que tu cites genre Sriracha ou encore L'Hôpital Ephémère. Nous, on venait de banlieue, on était les seuls à venir de là. On connaissait pas les gens des maisons de disques, ni les tourneurs, ni les journalistes donc on s'est démerdé tout seuls car y'a personne qui est venu nous proposé quoique ce soit. Dès qu'on a commencé à vendre des disques et même plus de disques que eux tous réunis, et qu'on nous a demandé si on se sentait attaché à cette famille là, on a dit non. Ils faisaient leur sauce entre eux, organisaient leurs concerts entre eux et programmaient les copains des copains des copains. Nous, on y'est arrivé tout seuls. C'est pas au moment où ça fonctionnait qu'on allait rentrer dans un moule quelconque. On a notre philosophie, les groupes avec qui on s'entend bien, ceux avec qui on travaille, ceux qu'on produit donc on se retrouve.
Si après la Ozzfest, vous aviez le droit de monter la SimarilsFest, vous inviteriez qui sur l'affiche ?
Peut être Lofofora, bizarrement, ça me surprend de dire ça. Et puis tous les groupes que j'ai cité avant comme les Stereo, Feverish et Minimum Serious, un groupe de punk rock.
Et si l'affiche était internationale ?
System of a Down en tête d'affiche, les Beastie Boys, Korn, Deftones et Sugar Ray en leur interdisant de jouer des morceaux autres que ceux du premier album (rires).
Le deuxième ça va encore ?
(sceptique) Ouais, ça commence à être limite, le trip "Fly" j'aime pas trop.
Qu'est ce que t'écoutes d'ailleurs en ce moment ?
Bah justement System of a Down, pas mal de Deftones mais surtout du hip hop ricain.
Genre ?
Genre MOP, Gravediggaz, Method Man, X-Ecutioners, que du rap véner.
Qu'apporte au groupe les occupations que tu as à côté, notamment celle de producteur (David a entre autre produit l'album de Superbus) ?
Déjà, il y en a qui y participent avec moi. C'est fait dans l'esprit Silmarils donc tout le monde est plus ou moins impliqué. C'est ça qui fait vivre le truc car on se voit tous au studio, ça fait vivre une nébuleuse autour du groupe et ça nous permet de pas déconnecter avec ce qui se passe à l'extérieur, voir des nouveaux groupes et savoir ce qui se fait. Au delà de plein de satisfaction car c'est super intéressant.
Jean Pierre (chant et sax) joue dans le film de Chantal Lauby, vos clips sont signés Olivier Dahan (réalisateur du Petit Poucet et de La vie promise), pourtant on vous voit rarement sur des bandes originales hormis Déjà Mort et El dia de la Bestia.
Dans Irène aussi et on va bientôt être sur la BO du film Les fils du vent. Les Rivières Pourpres 2 aussi.
.justement ça vous a jamais tenter de bosser pour le cinéma ?
Si, tout un score, moi ça me brancherait. Avant je ne m'en serai pas vraiment senti capable mais maintenant ce serait différent si ça se présentait. On m'a proposé un truc pour le théâtre mais je ne pouvais pas le faire maintenant par manque de temps. En plus, déjà le cinéma ça me paraît compliqué, alors le théâtre. Cela dit je pense que ça va se faire car on a de plus en plus de connexions avec le cinéma et que notre univers plait vachement aux mecs qui font des films et réciproquement.
Vous avez un site Internet très travaillé, tu en penses quoi de ces nouvelles technologies ?
On a la chance d'avoir des potes qui bricolent un peu là dedans et qui nous suivent depuis longtemps. Ils ont réussi à monter une structure juste pour faire ce site qui est au-delà de nos espérances.
Et les Mp3 ?
Ca nous fait du tort bien évidemment car on est un des groupes français les plus téléchargés donc c'est clair qu'on vend beaucoup moins de disques. Mais après ça le prix des disques est exorbitant, c'est un scandale et le téléchargement est une partie du problème du disque en France. C'est reverser de l'argent à des radios et à des chaînes de télé pour faire des Star Academy et des émissions comme ça. C'est un des éléments pervers du système, un type de mariage consanguins et ce n'est pas bon.
On a l'impression que vous savez faire face au temps et aux modes en sachant vous renouveler, comme Sniper vous auriez pu appeler votre album Gravé dans la roche. Silmarils est immortel ?
4Life ! Mais pour nous en tout cas, ce qui restera sera énorme car ce sont les souvenirs qui sont immortels.
Pour le prochain album, peut-on s'attendre à une nouvelle expérience, une nouvelle face de Silmarils ?
Non, car les parenthèses ça va si tu n'en fais pas trop. Si il y a trop de parenthèses, tu ne peux plus faire de phrases. On veux seulement continuer à avancer, chercher, rechercher donc il faut continuer à progresser et faire des meilleures chansons. On est content car sur ce disque, on a vraiment réussi, même si c'est pas a 100%, à faire fusionner, c'est le cas de le dire, nos deux cultures, les deux musiques qui nous font vibrer : le rap et le rock dur pour ne pas dire métal mais rock radical. Je suis content qu'avec ce disque des mecs du hip hop viennent me dire "Respect, c'est bien, vous avez compris qu'il fallait faire tomber les barrières", et que les mecs du rock pensent pareil. Le message est identique, on vient de banlieue, on a grandi avec les deux cultures et même si c'est dit différemment, le message et le fond sont les mêmes.
Si Silmarils était un film ?
Casino.
Un acteur ?
Joe Pesci.
Une chanson ?
"Cours vite".
Un livre ?
Le Silmarilion.
Un mot pour la fin ?
Télécharger pas trop (rires), informez-vous. Tu peux demander à Robert, c'est un pote qui est venu avec nous (ndlr - David parle de leur loge à côté dans laquelle on peut entendre Bob Marley résonner). Robert ! Arrête un peu ! Allez Ben Harper, ferme ta gueule ! C'est le mot de la fin (rires).
Merci à David et Silmarils !