Sick Sad World - Imago clipeata Artwork symétrique, noir et magnifique, son tout aussi lugubre et oppressant, nom d'album qui renvoie aux processions funèbres (ce sont les masques mortuaires de l'Antiquité romaine), le monde ne s'est pas franchement embelli depuis Murmuration sorti il y a déjà cinq années. Un temps mis à profit par le groupe pour partager des sensations sur scène et travailler histoire de corriger les petits défauts qu'on pouvait leur trouver.

Le souci du chant clair qui ne paraissait pas au même niveau de qualité que le chant lourd est oublié, les passages lointains de "The family" (bien mêlés à des samples de Charles Manson) le laissaient penser, c'est carrément confirmé avec "Battlefield" où les ambiances variées permettent au(x) chant(s) de se mettre en valeur tout autant que les instruments, on est alors porté dans des petites bulles de légèreté qui prennent leur envol délicatement... avant d'irrémédiablement éclater. Parce que si Sick Sad World n'avait pas encore franchement choisi son style de prédilection jusque-là, désormais le Post Hard Core tient la corde, les morceaux sont étendus, les constructions s'opèrent par couches successives, les oppositions sont marquées, le tempo est maîtrisé (quelle démonstration que cette progression sur "Market") et même quand le titre est "court" (comprendre un peu moins de 6 minutes), le soin apporté à l'atmosphère est flagrant ("Destroy"). Parfois, on se sent en terrain déjà défriché (par Cult of Luna pour ne citer que le groupe de Magnus Lindberg qui a fait le mastering) mais il n'est jamais évident de faire très neuf dans ce style (le gimmick de liaisons sur "Battlefield") et on trouve toujours quelques petites marques propres au groupe (le phrasé parlé sur "Echoes", le chant particulièrement doux du début de "The rope", les pleurs de "Market") et il faut bien avouer qu'on serait déçus si les Nantais ne finissaient pas toujours par tout exploser en mode "la fin de ce monde triste et malade mérite un putain de cataclysme riffique, rythmique et guttural".

L'excitant projet Sick Sad World vient donc ici entériner nos espoirs et nos envies, confirmant la maîtrise qu'ils ont de leur art en livrant un album d'une rare intensité. Imago clipeata honore donc le passé (celui du groupe comme d'un sous-genre qui a une vingtaine d'années) et promet un bel avenir.