Metal Métal > Saar

Interview : Saar, Intervi OU : Parlor ou Saar (janv. 2022)

Saar / Chronique Split > Maudits / Saar

Maudits Saar  split (Source Atone Records) S'ils étaient réunis sur le Mag #49, c'était dû au hasard de la date de sortie de leurs dernières productions respectives... et à leur talent car Saar et Maudits sont forcément toujours les bienvenues sur nos pages. Leur goût commun pour un métal instrumental, torturé, sombre et enlevé débouche presque "logiquement" aujourd'hui sur un split album béni par le label désormais inévitable Source Atone Records.

Un disque partagé sur le thème de l'amour contrarié parce que vouloir câliner un crâne s'apparente plus à de la nécrophilie qu'à du romantisme. Et le "Loved" de Saar qui ouvre les ébats semble lui aussi difficile. Est-il conjugué au passé (et donc à pleurer) ou transitif (et donc subi) ? Le seul mot ne donne pas la réponse mais la musique, heurtée, lourde, tranchante, laisse imaginer que l'amour est à sens unique ou tout au moins compliqué, les guitares évoquent des déchirements, la batterie des portes qui claquent et la basse les battements d'un coeur qui ne trouvent pas d'écho. L'histoire d'amour de Saar s'écrit donc certainement au passé...

Chez Maudits, "Breken" peut se traduire par "cassé", "rompu" ou "brisé" (en néerlandais), c'est une rupture non conventionnelle en trois parties et plus d'un quart d'heure que nous découvrons donc en deuxième piste. Assez aéré, le premier élan laisse s'installer l'ambiance et quand les guitares relâchent les pédales, les autres instruments occupent l'espace, notamment le violoncelle de Raphaël Verguin (Psygnosis, Hypno5e) ou la basse. La "Pt. 2" (qui n'est pas détachée sur le tracklisting mais le timing est écrit avec le titre) ressemble à un interlude où différentes sonorités viennent troubler la mise en place, la rupture est là, on entend au loin l'orage gronder mais la rancune sera contenue, les six cordes préférant pleurer sur leur sort que s'acharner sur nos oreilles.

Au final, le seul amour qui ressort grandi de ce split, c'est celui qu'on a pour ces deux combos, capables sans cesse de se renouveler et nous toucher.

Publié dans le Mag #53

Saar / Chronique LP > Gods

saar - gods Pour sa troisième livraison, Saar nous emmène dans un monde où les Dieux croisent les hommes pour des aventures extraordinaires, celui de la mythologie grecque, et mis à part le passage du "Styx", effectué en moins de trois minutes paisibles, chaque voyage est une odyssée, un parcours progressif où les instruments sont maîtres de l'espace et du temps. Si l'ossature et les constructions évoquent évidemment le post-rock, la hargne et l'agressivité de quelques distorsions envoient le groupe sur un Olympe où traînent Caspian, Russian Circles et Year Of No Light.

Maintenant que j'ai toute ton attention, si tu vas plus loin, il faut que tu acceptes de te perdre. Car ce Gods peut être déroutant, quel lien entre cette façade d'immeuble et les croyances de l'Antiquité grecque ? Comment passe-t-on de quelques notes claires et délicates à cette saturation sourde pour enjamber un pont ? Verra-t-on un jour la fin de ce labyrinthique chemin vers les Enfers ? Faut-il se fier à "Tiresias" ? Son humeur changeante est-elle un mauvais présage ? Les "Gods" sont-ils juste une statistique comme le prétend un révérend du monde contemporain et donc une simple affaire de math ? Pourquoi reléguer "Truth" vers l'infini ? Les murmures de Julien (venu de Wolve) apportent-ils un message ou ne sont-ils qu'une autre couche d'instruments destinée à humaniser et rendre vraie toute cette histoire ?

Resté presque sans voix, Saar nous laisse aussi presque sans réponse. Plonger dans leur univers est une aventure en soi, c'est aussi un piège car on ne gagne rien à en sortir, tel le chant des sirènes, leur musique est hypnotique, on s'y replonge avec délice, quel qu'en soit le prix à payer.

Publié dans le Mag #49