Russian Circles - Empros Quand l'un des (intrinsèquement) meilleurs groupes de sa génération livre un nouvel album, complétant un peu plus à la perfection, une discographie déjà plus qu'irréprochable (oui c'est l'heure des louanges) - remember le monumental Geneva - forcément le W-Fenec y va direct les yeux fermés et les tympans aux aguets. A raison. D'autant que si Empros a contre lui un titre qui ne lui va pas du tout, ce sera bien le seul reproche de fond que l'on pourra lui faire. Rien d'improvisé ici, pas l'ombre d'un détail qui n'aurait été longuement passé au scanner et autre filtre digital afin d'en effacer le moindre défaut. Pour le reste, c'est du velours.

"309" ouvre le bal, les couples instrumentaux se mettent en position, la section rythmique cadence le tout, tel un tango post-métallique sur lequel chacun jouerait chorégraphie et partition de concert, en osmose. Bluffant de maîtrise formelle et artistique, le groupe délivre un post-rock stellaire qui polarise autour de lui des éléments métalliques qui finissent de satelliser les quelques six offrandes livrées ici sur un plateau par le toujours excellent label Sargent House (Adebisi Shank, And So I Watch You From Afar, Hella...). La production est d'une limpidité absolue et sert parfaitement les desseins d'un groupe qui, complètement maître de son art, cisèle son écriture de manière à la rendre suffisamment complexe pour exercer son pouvoir de fascination, mais également d'une simple et édifiante efficacité afin de rallier toujours plus d'adeptes à sa cause artistique ("Mladek").

On a passé les deux impressionnants premiers titres et alors que l'on est en train de se dire qu'il en reste encore quatre, on a les écoutilles qui frétillent, les neurones qui frémissent et le reste qui suit. "Shiphol" y va de sa délicatesse infinie pour nous faire succomber. Une mise à nu émotionnelle et pudique, qui se révèle aussi minimaliste dans son économie d'effets et d'artifices que touchante dans ce qu'elle fait naître chez l'auditeur, du moins dans sa première partie. Ensuite, le groupe s'envole littéralement sur un climax à l'intensité phénoménale, avant de directement enchaîner sur "Atackla". Russian Circles varie toujours ses climats, passant sans coup férir d'une apothéose électrique à un sentiment d'apaisement absolu (et vice-versa), en gardant la main sur la sourdine pour jouer la carte d'un post-rock super-noïsique et métallisant, plus vénéneux que progressif et frontal pour changer. Même si encore une fois, le groupe ne peut s'empêcher de se livrer à une de ces énièmes démonstrations de force dont il a le secret. Les deux derniers morceaux ? On vous laisse les découvrir en vous précipitant sur l'acquisition de cet album difficilement dispensable pour qui porte en lui un quelconque intérêt à ce type de musique. Toujours pourra-t-on dire qu'ils sont largement du même coffrage et que ce n'est par conséquent toujours pas avec cet Empros-là que les américains renieront leur réputation de maîtres du jeu. Respect.