Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Russian Circles n'a pas modifié grand-chose depuis son excellent Guidance, reconduisant Kurt Ballou (Converge) au poste de producteur et puisant une nouvelle fois dans un domaine différent pour son artwork, gardant surtout l'idée de l'impact visuel pour un résultat de qualité. Quand des mecs talentueux font ce qu'ils savent faire, ça aboutit forcément à de la réussite, Blood year n'échappe pas à cette règle même si le combo continue d'avancer.
Et plutôt que vers la lumière et une certaine douceur entrevue de temps à autres, c'est vers davantage de lourdeur et de noirceur qu'ils sont allés, ce point lumineux au centre de la pochette est ce qu'il reste de clarté dans leur post-rock qui se métallise et a viré au post-hardcore, Russian Circles n'a jamais été aussi proche de Cult of Luna qu'en ce moment, quand bien même leur musique reste intégralement instrumentale. Les ambiances sont bien plus tendues, la guitare incisive, la rythmique plus pesante, la délicate introduction "Hunter moon" n'était qu'un leurre, on est vite happé par la machine qui prend un malin plaisir à nous broyer. Le seul répit s'intitule "Ghost on high" et ne dépasse pas les trois minutes quand l'artillerie lourde nous pilonne pendant une trentaine de minutes, las des montées en puissance travaillées, les Américains nous fracassent le crâne sans trop de détour et balancent des riffs quasi industriels ("Quartered") répétant à l'envi des séquences qui nous font perdre tout repère et promettent de grands moments sur scène où le combo a toujours privilégié les titres agressifs et métalliques.
S'ils n'ont pas tout perdu de leur pouvoir narratif et hypnotique ("Kohokia"), les Russian Circles progressent dans leur parcours avec le bien nommé Blood year qui fait la part belle aux riffs sanguins et à une violence qui n'est plus contenue ("Milano", "Sinaia"), ils franchissent le pas et passent donc du côté obscur de leurs forces, ce qu'ils perdent en complexité, ils le gagnent en efficacité, la puissance qui s'imprime dans les corps est désormais supérieure à celle qui affecte le mental, c'est un choix qu'ils nous imposent mais c'est fait avec brio...
Publié dans le Mag #39