Rosetta - A determinism of morality Après l'expérience The Galilean Satellites double album-concept dont les deux parties peuvent s'écouter ensemble ou séparément, Rosetta a atteint son Everest musical il y a près de quatre ans avec le monumental Wake/lift. Deux oeuvres qui ont permis au groupe de trôner sur les cimes de la scène postcore nord-américaine bien que son aura ait, semble-t-il, quelques (curieuses) difficultés à franchir l'Atlantique pour faire brûler le vieux continent. Notamment.. l'hexagone (comme souvent). Preuve en est l'intérêt très relatif de son troisième opus, A determinism of morality, resté relativement confidentiel dans nos contrées. De là à penser que une promo massive ce genre de groupe ne semble guère pouvoir exister, à dire que la curiosité intellectuelle est apparemment une valeur se faisant de plus en plus rare...

Entre postcore éruptif et screamo-rock cyclonique à la sauvagerie exaltée ("Ayil"), ce nouveau Rosetta démontre en l'espace de deux seuls titres que la formation étasunienne n'a rien perdu de son talent, malgré la discrétion discographique de ces dernières années (une apparition sur la volume I des compilations Falling Down, un split avec East of the Wall et Year Of No Light et puis c'est tout). Les arrangements sont déments, le groupe superposant les couches instrumentales sur des structures tantôt complexes, tantôt plus limpides, une production titanesque (sur le très francophile "Je n'en connais pas la fin") et une maîtrise technique affolante en sus, Rosetta enterre la concurrence avant d'avoir passé le tiers de son album. La tension est palpable, la mise à nu, intégrale et sans concession, le groupe expulse sa violence intérieure et parvient à la rendre... belle, intense, cathartique, autant pour lui que son l'auditeur. Bluffant.

On se dit alors qu'il va être difficile de passer après deux morceaux aussi impressionnants et les nord-américains semblent l'avoir compris. En guise de parade, ils livrent sans doute l'une des compositions les plus apaisées de toute leur discographie, "Blue day for Croatoa", sorte de longue respiration en quête d'une quiétude ataraxique qu'ils parviennent à atteindre sans mal, plongeant par la même occasion l'assistance dans un coma semi-conscient et apaisé. Mais chez Rosetta, le calme ne peut que précéder la tempête, laquelle s'abat de nouveaux sur les enceintes avec un "Release" écorché vif qui surprend par l'apparition d'un chant clair donnant une tonalité post-rock/pop à un ensemble à la fois brutal et lumineux, passionnel et dévastateur. Comme sur "Revolve", relativement calme dans sa partie principale et complètement déchaîné dans un final tellurique et chaotique sur lequel une déferlante émotionnelle vient s'abattre sur l'auditeur, avant qu'une nouvelle fois, le groupe ne se lance dans l'une de ses symphonies postcore épique dont il a le secret ("Renew"). Immense, à l'image du morceau éponyme de l'album, "A determinism of morality", épilogue idéal de ce troisième opus flirtant dangereusement avec la perfection...