rosetta_wake_lift.jpg S'il y a bien un (sous) genre où nombre de groupes se sont largement fourvoyés ces cinq/six dernières années, sinon plus, c'est bien le postcore. Point de convergence entre les crescendo post-rock des uns et les hurlements ravageurs hardcore des autres, ce "genre" a sans doute été initié par les Neurosis, Isis et Cult of Luna et derrière eux, c'est toute une vague déferlante de formations dite "suiveuses" qui se sont largement engouffrées dans la brèche artistique creusée par les trois formations précitées. D'où une certaine lassitude chez le chroniqueur/journaliste rock qui a vu sa boîte aux lettres blindée pendant des mois de disques qui se ressemblaient quasiment tous. Ou pas. Car il existe évidemment des exceptions, quelques groupes qui surnagent, sinon mieux, au-dessus de la mêlée, on l'a notamment vu avec la gargantuesque compilation Falling Down (celle-ci réunissant la majeure partie de ce qui se fait de mieux dans le genre dont les excellentissimes AmenRa, Kehlvin et autres Year of No Light...). La transition est toute trouvée avec Rosetta, formation présentement chroniquée et figurant au tracklisting de ladite compilation.
Deux ans après un premier (double) album (The Galilean Satellites NDR) au concept évoquant le modèle Neurosis du projet bicéphale Times of Grace mené avec les Tribes of Neurot, Rosetta tutoie les sommets du postcore avec son deuxième album "long-play" : Wake/lift. Et d'entrée de jeu, les américains placent la barre très haut avec "Red tooth and claw". Une déferlante post-hardcore dépassant allègrement les douze minutes et orchestrée avec une classe incomparable. A peine entré dans l'album, l'auditeur est happé par le souffle brûlant d'un titre inaugural qui calcine nos tympans en même temps qu'il vient chercher au plus profond de notre être des émotions dont on soupçonnait à peine l'existence. Impressionnant de maîtrise formelle et artistique, Rosetta frappe alors très fort et s'impose, à l'image d'un Pelican, comme un futur grand, s'il ne l'est pas déjà. Ne reste plus aux américains qu'à enchaîner et empiler des compositions à l'incandescence absolument foudroyante. Et quand l'auditeur demande, le groupe exécute...). Et pas une fois, ni deux, mais trois avec le tryptique "Lift Part I, "Lift Pt II" et Lift Pt III". Impressionnant.
Une véritable symphonie métallique en trois mouvements, une ode au post-hardcore exsudant cette sauvagerie féroce qui prend d'assaut notre cortex cérébral. Le groupe prend le temps de poser ses ambiances, fait naître le calme avant de déchaîner les éléments, laisse l'auditeur trouver l'apaisement avant de l'assommer à coups de riffs telluriques et de murs de décibels qui se dressent désormais devant lui. Pulsions métalliques, rock abrasif, Rosetta fait monter la pression, s'élève dans la stratosphère pour mieux retomber sur la terre ferme et s'enfoncer inexorablement dans les abîmes ("Wake"). Habité par une noirceur qui lui colle à la peau, celle-ci paradoxalement entrecoupée d'éclairs lumineux, le groupe laisse sa musique se désagréger sous nos yeux, pour mieux la réinventer l'instant d'après. Monumental. Capable de nous emporter de par la seule puissance du souffle mélodique de ses instrumentations, la formation nord-américaine se frotte aux cadors du genre, les Isis, CoL et autres Pelican sans pour autant courber l'échine. Au contraire, le groupe garde la tête haute et se sublime encore et encore jusqu'à atteindre son Everest émotionnel ("(Tenet tosce" et son quart d'heure de musique à couper le souffle). Une véritable catharsis sensorielle qui, au détour de quelques arpèges majestueux, délivre un nectar musical aux arômes uniques et enivrants, avant de parachever son (chef) d'oeuvre avec un "Monument" qui nous laisse littéralement sonné par l'intensité qui s'en dégage.
Grandiose. Magnifique. Indispensable...